La rivière rouge

1948

Genre : Western

(Red River). Avec : John Wayne (Tom Dunson) Montgomery Clift (Matt Garth) Joanne Dru (Tess Millay) Walter Brennan (Groot Nadine), John Ireland (Cherry). 2h13.

En 1851, Tom Dunson quitte avec son ami, le vieux Groot, le convoi qu'il accompagnait et se dirige vers le Texas. Il dit au revoir à sa fiancée qu'il laisse contre son gré avec le convoi, ne voulant pas qu'elle partage les dangers de sa randonnée. Mais, peu après, les deux hommes voient de loin les Indiens attaquer le convoi. Eux-mêmes sont attaqués et Dunson trouve sur un indien le bracelet qu'il avait donné à sa fiancée. Dunson et Groot recueillent un adolescent, Matt Garth, qui a échappé par miracle au massacre. Arrivé sur les terres qu'il s'est choisies près de la Rivière Rouge, Dunson se promet d'avoir le plus beau troupeau du Texas.

Quatorze ans plus tard, il a atteint son but mais son bétail est invendable dans le Sud ruiné par la guerre civile. Il décide alors de le conduire- ce qui n'a jamais été encore accompli- son troupeau de neuf mille têtes à travers les deux mille kilomètres séparant le Texas du Missouri où les bêtes seront vendues sans difficulté.

Au soixantième jour, la fatigue est extrême. Un conducteur de troupeau qui a échappé aux indiens se joint au convoi et rapporte que le chemin de fer est arrivé jusqu'à Abilene. Beaucoup commencent à penser qu'il vaudrait mieux emprunté la piste de Chisholm et faire route jusqu'au Kansas plutôt que d'aller au Missouri. Dunson ne veut pas entendre parler de ce changement d'itinéraire et tue trois hommes qui s'opposaient à ses projets. Pendant la nuit, trois autres cow-boys prennent la fuite en emportant les provisions. Dunson lance Cherry à leur poursuite. Le convoi traverse un fleuve. Cherry ramène deux des fuyards (il a tué le troisième). Dunson s'apprête à les pendre. Matt s'y oppose et entraîne tous les autres avec lui. Il décide que le convoi suivra la piste de Chisholm. On abandonne Dunson qui jure à Matt de le tuer.

Matt et ses hommes vont porter secours à un groupe de blancs encerclés par des Indiens. Matt extrait une flèche de l'épaule d'une jeune femme Tess Millay. Elle est exaspérée par le comportement de Matt mais cela ne l'empêche pas de tomber éperdument amoureuse de lui. Elle se fait raconter l'histoire de la rivalité enter Matt et Dunson. Huit jours plus tard, Tess, qui n'accompagne pas le convoi, accueille Dunson dans son campement. Il a réuni une poignée d'hommes et court sur les traces de Matt. Tess lui dit qu'elle aime Matt.

Au centième jour du périple, Matt et ses hommes voient que le chemin de fer d'Abilene n'est pas un mirage. Matt n'a aucun mal à vendre son troupeau. Et le 14 août 1865 restera comme une date historique : la piste Chisholm est officiellement ouverte aux convois. Le lendemain matin, Matt attend Dunson de pied ferme. Ce dernier tue Cherry qui avait dégainé et s'élance vers Matt qui ne réagit pas. Il le frappe alors à poings nus. Matt encaisse les coups puise met à répondre. Tess, folle de rage interrompt, revolver au poing, cet absurde combat. Dunson retrouve son bon sens et permet à Matt, qu'il a toujours considéré comme son fils, de mettre son initiale à côté de la sienne pour le marquage des bêtes.

analyse de Jacques Lourcelles :
" Premier western de Hawks, il se rattache au courant de rénovation profonde que connaît le genre à partir de Canyon Passage (1946) de Jacques Tourneur. Ici, le modernisme vient des ambiguïtés et de la complexité du personnage de John Wayne dont l'obstination et l'autorité presque pathologiques cachent un déséquilibre, une instabilité et même une certaine immaturité dangereuse, utilisées par Hawks pour enrichir l'action grâce à un suspens moral très intense.

Mais les mérites de La rivière rouge existent bien au-delà d'un débat entre les anciens et les modernes. Avant tout le film est impressionnant par son ampleur, son classicisme sa sobriété et une photo constamment sublime alternant avec équilibre scènes de jour et scènes de nuit

Entre l'humanité et le pittoresque fordiens d'une part et le dramatisme tragique d'un Anthony Mann d'autre part, Hawks trouve une voie, certes moins épique, mais plus attentive au relief individuel des personnages et aux relations subtiles qui se nouent entre eux. De ces portraits contrastés naît peu à peu une image de l'homme faite de maturité, de refus du lyrisme, de froideur calculée qui caractérisera l'humanisme hawksien tout au long de son œuvre. La trinité de personnages autour desquels s'articule l'action (le vieil homme, l'homme mûr et le jeune homme) sera reprise dans Rio Bravo. Le personnage de Joanne Dru n'est ni le premier ni le dernier exemple de ces héroïnes volontaires, souvent plus lucides et plus mûres que les hommes qui peuplent l'univers du cinéaste.

Jacques Lourcelles: dictionnaire du cinéma