La strada

1954

Genre : Drame social

Avec : Giulietta Masina (Gelsomina), Anthony Quinn (Zampano), Richard Basehart (il Matto), Aldo Silvani (il signor Giraffa), Marcella Rovena (la veuve).1h34.

Gelsomina, une femme enfant naive et généreuse, a été vendue par sa mère à un hercule de foire brutal et obtus, Zampano, qui accomplit un numéro de briseur de chaines sur les places publiques.

A bord d'un étrange équipage - une moto à trois roues aménagée en roulotte - le couple sillonne les routes d'Italie, menant la rude et triste vie des forains. Zampano ne cesse de rudoyer sa compagne et de la tromper sans vergogne. Elle s'efforce pourtant de lui plaire avec une touchante obstination.

Surgit un autre saltimbanque, un violoniste-poète-philosophe-farceur : Il Matto ("Le Fou"). Il agace à plaisir le pauvre Zampano et raconte à Gelsomina de très belles et très édifiantes histoires sous forme de paraboles. Exaspéré, Zampano finit un jour par le tuer.

Le temps passe... Gelsomina, prostrée, ne peut se consoler de la mort du "Fou". Zampano l'abandonne sur la route. Des années plus tard, il apprend qu'elle est morte. Alors, pour la première fois de sa vie, il pleure.

Séquences célèbres : Gelsomina vendue par sa mère; les trajets sur les routes sur un lamentable triporteur roulotte ; la noce champêtre et la visite d'un enfant malade et reclus ; la rencontre de Gelsomina avec l'équilibriste, puis avec une religieuse dans un couvent; la bataille de Zampano avec Il Matto qui regarde sa montre brisée et tombe mort ; Zampano qui apprend la mort de Gelsomina, regarde le ciel et pleure sur la plage.

Film vivement attaqué par la critique de gauche, en Italie, pour avoir perverti et trahi le néoréalisme. Il n'est pas douteux qu'Il matto (Le fou), sorte d'archange volant sur une corde raide, développe une parabole chrétienne, quand il explique à Gelsomina: "si je savais à quoi sert ce caillou, je serai le bon Dieu qui sait tout : quand tu nais ; quand tu meurs aussi. Ce caillou sert sûrement à quelque chose. S'il est inutile, tout le reste est inutile, même les étoiles. Et toi aussi, tu sers à quelque chose avec ta tête d'artichaut".

Le film est d'abord une analyse critique de la condition féminine, de la femme objet condamnée à être aussi passive qu'un caillou, tout juste créée pour faire l'amour et la cuisine (Famille de Gelsomina dont le père est parti, obligeant la mère à vendre ses filles). Si Chaplin est un libéral et Mizoguchi un marxiste, Fellini dans une optique chrétienne insiste davantage sur la rédemption de son personnage : Zampano est sauvé de l'inhumanité en pleurant.

Jean-Luc Lacuve, le 15 novembre 2009