Nashville

1975

Genre : Drame social

Avec : Geraldine Chaplin (Opal), Jeff Goldblum (Le baker), Gwen Welles (Sueleen Gay), Ronee Blakley (Barbara Jean). 2h39.

A la veille du festival de musique de Nashville, une foule de personnages se croisent. Le politicien qui fait campagne pour les présidentielles, des chanteurs confirmés qui se haïssent et pourtant feignent de s'admirer devant le public, les jeunes prêts à tout pour chanter sur une scène, les journalistes aux aguets de nouvelles sensationnelles. Les brèves rencontres, les problèmes familiaux, les intérêts. Et tout cela finit par l'assassinat d'une chanteuse par un illuminé.

Pour Jean-Baptiste Thoret : "Dans Nashville, son chef-d'œuvre, Altman suit les trajectoires de vingt-quatre personnages différents qu'il nous présente symboliquement à l'occasion d'un carambolage monstre. Le film évoque la vie du temple de la country music rythmée par des shows musicaux, et les primaires d'une présidentielle pour un candidat que nous ne verrons jamais. Des stars aux sans grades, tous les individus se croisent, assistent aux mêmes spectacles, échangent des mondanités, couchent parfois ensemble, mais au fond ne s'emboitent jamais. Nashville décrit un monde mais la somme de ceux qui l'habitent ne constitue pas une communauté.

Au sein de cette humanité éclatée, trois personnages se détachent : un biker énigmatique qui trimballe ses tours de magie sans jamais prononcer un mot; Sueleen Gay, une jeune chanteuse sans talent qui refuse de reconnaitre sa médiocrité; et Opal une journaliste de la BBC venue faire un documentaire sur Nashville mais qui s'avère incapable d'écouter ceux qu'elle interroge. Dans un cimetière de voitures, Opal finit logiquement par enregistrer sa propre voix et, indifférente au dépotoir qu'elle a sous les yeux, délire une Amérique pleine de clichés, mythique et colorée.

Opal, Sueleen et le motard se refugient dans un imaginaire conforme à leur désir et témoignent d'un même rejet de la réalité avec laquelle ils n'entretiennent aucun rapport.

Nashville s'achève sur la scène de grand Opry, par l'assassinat de Barbara Jean, une étoile déclinante de la country music, venue soutenir el candidat du replacement party. C'est l'ultime tour de vis d'un autisme généralisé, lorsque la foule des spectateurs qui assistent au spectacle entonne "I dont worry me" (cela m'est égal) comme si, à force de ne plus saisir la réalité, les Américains de Nashville avaient choisi d'en faire le déni.

Source : Jean-Baptiste Thoret : Le cinéma américain des années 70, Cahiers du cinéma, 2006, p. 233.