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Dans le cadre du Millénaire Caen 2025 Avec la participation exceptionnelle de la Bibliothèque nationale de France
De principe de composition, l’horizon peut aussi devenir principe d’accrochage des œuvres entre elles, comme le suggère avec humour 11 Horizons de Hans-Peter Feldmann qui ouvre l’exposition. Sans cadre, mis bout-à-bout, les toiles trouvées par l’artiste dans les vide-greniers sont alignées sur l’horizon de chacune d’elle, de sorte qu’elles forment une seule et même ligne continue, malgré les disparités de style et d’époque. Écho prémonitoire de ce que les visiteurs pourront découvrir dans le musée des beaux-arts de Caen, ce clin d’œil à la collection fait de l’horizon un principe générateur de peinture qui traverse l’histoire et ne cesse d’être actif.
Depuis la Renaissance, les artistes n’ont cessé de nous rendre sensibles aux nombreux paradoxes de l’horizon, impliquant la question de la perception, de la représentation et du partage de l’espace. S’il se matérialise par une ligne, l’horizon se déplace avec nous, peut se dissoudre dans le brouillard ou la tempête : il nous indique que le monde se poursuit au-delà de ce que nous en percevons. Qu’il donne l’illusion de la profondeur et unifie l’espace représenté, qu’il paraisse ouvrir la vue à l’infini, qu’il s’élève tel un barrage tranchant ou qu’il nous renseigne sur le rapport de l’homme à l’autre, l’horizon nous fournit les repères essentiels dont notre vision a besoin et fonde notre expérience du monde. Depuis l’invention de la perspective à la Renaissance jusqu’aux œuvres numériques les plus contemporaines, l’art explore notre rapport à l’horizon à travers des supports de plus en plus diversifiés.
S’ouvrant avec le Mariage de la Vierge du Pérugin (1504), l’exposition présente une centaine d’œuvres datant du 16e au 21e siècle, signées Albrecht Dürer, Joachim Patinir, CasparDavid Friedrich, Gustave Courbet, Anna-Eva Bergman, Jan Dibbets, Hiroshi Sugimoto, Sophie Ristelhueber, Elina Brotherus, Tania Mouraud, Tacita Dean, Capucine Vever... Aux tableaux, dessins, gravures, installations et vidéographies présentés, se mêle un ensemble unique de traités de perspective parus du 16e au 19e siècle, dans leurs éditions les plus rares. Symboliques, plastiques, politiques ou poétiques, les œuvres présentées dessinent un parcours inédit dans les espaces du musée, depuis les salles d’exposition jusqu’au cœur des collections permanentes où s’ouvrent les devenirs abstraits de l’horizon. À l’heure où le monde semble être mis à plat par les communications en réseau, à l’heure où des milliardaires mettent en jeu des sommes faramineuses pour quitter l’horizon terrestre, le musée des Beaux-Arts invite à reconsidérer la portée de l’horizon dans ses dimensions existentielles, imaginaires, matérielles et sensibles.
Commissariat scientifique : Céline Flécheux, professeure de Philosophie de l’art, Université Paris 8 – Vincennes – Saint-Denis, Emmanuelle Delapierre, conservatrice, directrice du musée des Beaux-Arts de Cae
En bordure de mer, sur la plaine ou dans le désert, l’horizon se donne à voir dans une incroyable simplicité. Il est cette ligne, là, devant nous, où le ciel et la mer (ou le ciel et la terre) se rejoignent. Mais à y réfléchir, une série de paradoxes se présentent. L’horizon se matérialise par une ligne qui recule au fur et à mesure que nous avançons. Repère stable et fixe, il demeure pourtant inatteignable. Limite sur laquelle le regard bute, il prolonge l’espace, suggérant une étendue ouverte au-delà de ce que l’œil peut percevoir. Phénomène purement visuel, enfin, il offre une expérience physique de l’espace. Qui n’a pas la hantise d’un monde dépourvu d’horizon ? Qui n’a pas senti, après être resté longtemps dans un tunnel, sa respiration, sa vision et son corps gagner en intensité et en amplitude à la vue soudaine de l’horizon ? Qu’il donne l’illusion de la profondeur et unifie l’espace représenté, qu’il paraisse ouvrir la vue à l’infini, qu’il offre un spectacle reconduit et renouvelé chaque jour, l’horizon fournit les repères essentiels dont notre vision a besoin et fonde notre expérience d’êtres vivant sur la terre. Depuis l’invention de la perspective à la Renaissance jusqu’aux œuvres les plus contemporaines, l’art explore notre rapport à l’horizon à travers des supports de plus en plus diversifiés.
S’ouvrant avec le Mariage de la Vierge du Pérugin (1504), fleuron des collections du musée au centre duquel se découpe l’horizon du paysage, l’exposition réunit un ensemble d’œuvres anciennes et contemporaines, figuratives et abstraites. Elle propose un parcours inédit, depuis les salles d’exposition du musée (niveau 0) jusqu’aux salles des 20e et 21e siècles (niveau -1). Symboliques, plastiques, politiques ou poétiques, les œuvres présentées révèlent l’extraordinaire mouvement du regard, de la vie et de la pensée que l’horizon relance perpétuellement.
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Le mariage de la Vierge Le Perugin, vers 1500 |
La conversion de saint Clément Bernardino Funga, vers 1500 |
L’importance donnée aux sols et aux architectures dans les tableaux de la première Renaissance trouve son origine dans les traités de perspective, premiers lieux de théorisation artistique de l’horizon.
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Vierge et l'enfant Hans Memling, 1485 |
Artiste dessinant une femme allongée Albrecht Dürer, 1525 |
Horizon atmosphérique
Dès la seconde moitié du 19e siècle, la perspective atmosphérique se répand en Europe. La perspective aérienne, ou atmosphérique, est l’art de représenter, sur un tableau, la dégradation apparente de la couleur des objets naturels, selon leurs différents degrés d’éloignement de notre œil jusqu’à l’horizon. Ainsi, les couleurs mais aussi le vent, les nuages, les phénomènes climatiques et atmosphériques entrent-ils en force dans la peinture
À vol d'oiseau, naissance du paysage
En adoptant un point de vue surélevé depuis lequel le regard semble flotter, les peintres du Nord réalisent des vues plongeantes d’une ampleur exceptionnelle.
La Vague de Le Gray comme celle de Courbet introduisent une rupture, un effet de disjonction. Un dialogue en forme d’émulation entre photo et peinture s’instaure. Il en résulte parfois une forme de trouble des médiums. Dans la seconde moitié du 19e siècle, le paysage n’est plus le fond du tableau, ou le cadre de la scène : il est tout le tableau. Dans ce mouvement d’autonomisation du paysage, l’horizon occupe une place nouvelle. les artistes de la Modernité le font remonter du fond du tableau jusqu’au premier plan. L’horizon ne suggère plus le lointain, il ne garantit plus l’harmonie entre les plans. Séparé du point du vue de l’observateur, il perd son caractère perspectif.
Entre 1856 et 1857, le photographe Gustave Le Gray a l’idée de réaliser deux prises de vue, l’une sur le ciel, l’autre sur la mer, avant de réaliser un tirage des deux négatifs sur la même feuille. L’horizon luit sert de ligne de trucage, où viennent se juxtaposer des réalités distinctes. Amateur et collectionneur de photographies, Courbet s’inspire de ce procédé pour peindre une série de Vagues. À partir de l’été 1869, le peintre se rend à Étretat et explore à son tour la puissance d’union et de désunion propre à l’horizon. Les vagues surgissant depuis l’horizon constituent un thème toujours fécond pour les peintres et les photographes.
Troisième grande partie de l’exposition, qui s’ouvre par une invitation à la contemplation, face à des horizons dépourvus de personnages. Expérience du sublime. Quelques œuvres plus anciennes (18e siècle) sont insérées avec des œuvres contemporaines. Cette grande section interroge le rapport de l’homme à l’horizon, comme l’indice d’un rapport au monde. Elle adopte moins une approche historique comme précédemment qu’une attention aux sens politiques de l’horizon aujourd’hui.
La figure de l’homme dans le paysage, face à ou dos à l’horizon. Ensemble d’œuvres montrant des figures seules ou en groupe face au spectacle de l’horizon. La tension vers l’horizon prend des formes contrastées (inquiétude, loisir, sublime…).
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L’horizon traduit aussi des inquiétudes. Les conflits, la crise écologique constituent des menaces dont le paysage devient le signe
Les œuvres de cette dernière section de l’exposition ont été choisies pour leur manière, parfois désopilante de simplicité, de traiter l’horizon comme un phénomène abstrait et concret, comme support des divisions, des réunions et des expérimentations. Sans fin : sans terme, mais aussi sans visée, sans but, de manière à garder son caractère indéterminé.
Pour l’histoire de l’art, la rencontre de la verticale à l’horizon constitue un moment décisif dans le passage à l’abstraction
Pour l’histoire de l’art, la rencontre de la verticale à l’horizon constitue un moment décisif dans le passage à l’abstraction
C’est autant pour sa relation à la vue que pour sa fabuleuse plasticité que l’horizon devient, chez certaines artistes, le lieu d’une combinatoire exploratrice et infinie.
Préférant le rendu atmosphérique à la description précise des lieux, les artistes de la modernité ont suggéré plus que dépeint les paysages qui leur sont chers.