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Les artistes naïfs existent depuis que l’homme dessine, peint, grave et sculpte. Le terme de "naïf" n'est toutefois employé la première fois pour qualifier des oeuvres d'art qu'avec le Douanier Rousseau qui se fait connaître avec éclat lors de la fondation du Salon des Artistes indépendants en 1885. L’art naïf suscite, dans un premier temps, le mépris. Il n’est ni conforme aux préceptes de l’Académie, ni adepte des recherches abstraites du début du vingtième siècle. Néanmoins, les désavantages de l’industrialisation, ainsi que la fin de la première guerre mondiale, et la prise en conscience de la valeur humaine, apportent un changement dans l’attitude générale des artistes et des critiques, à l’égard de l'évolution de la peinture savante. C'est pourquoi le collectionneur Wilhelm Uhde (1874-1947) refuse le qualificatif de "naïf" et prefère celui de "Primitifs modernes". Sa défense d'un "génie du coeur et de l'intuition", éloigné "du talent de la raison et de l'intelligence" se trouve reconnue en 1948 à travers la création d’une salle qui porte son nom au musée national d’Art Moderne (palais de Tokyo).

L'art Brut, défini en plusieurs étapes par Jean Dubuffet à partir de 1945, rassemble alors des "Œuvres ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemne de toute éducation artistique, et chez qui l'invention s'exerce, de ce fait, sans qu'aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité".

En 1971, un architecte, Alain Bourbonnais, monte sa propre collection d'artistes marginaux. Deux nouveaux termes sont créés : l'art « hors-les-normes » puis « singulier ». L'art singulier connaitra la notoriété grâce à la grande exposition "Les Singuliers de l'Art" au Musée d'art moderne de la ville de Paris en 1978.

La guerre
Douanier Rousseau, 1917
Le palais idéal,
Ferdinand Cheval, 1912
The Watts towers,
Simon Rodia, 1924
L'arbre de vie,
Séraphine de Senlis, 1928
La belle dame violette,
Gaston Chaissac, 1961
Outdoor Art Museum,
Noah Purifoy, 2004

 

1 - L'art Naif

Les artistes naïfs existent depuis que l’homme dessine, peint, grave et sculpte. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que l’art naïf a été véritablement reconnu et apprécié. Le terme de « naïf » a été employé la première fois pour qualifier les œuvres du Douanier Rousseau (1844-1910), qui se fit connaître avec éclat lors de la fondation du Salon des Artistes indépendants en 1885. A l’époque, plusieurs artistes, tels les Impressionnistes, s’opposaient à l’académisme régnant : un contexte artistique favorisant la recherche de l’originalité.

L’art naïf suscite, dans un premier temps, le mépris. Il n’est ni conforme aux préceptes de l’Académie, ni adepte des recherches abstraites du début du vingtième siècle. Néanmoins, les désavantages de l’industrialisation, ainsi que la fin de la première guerre mondiale, et la prise en conscience de la valeur humaine, apportent un changement dans l’attitude générale des artistes et des critiques, à l’égard de la peinture représentative.

La terme de "Primitifs modernes" est de Wilhelm Uhde (1874-1947) qui refuse le qualificatif de "naïf". A la pointe de l’avant-garde, ce collectionneur, critique d’art et marchand, allemand d’origine et français d’adoption, s’intéresse d’abord à Picasso, Braque et au Douanier Rousseau à qui il consacre sa première exposition en 1908. La première guerre mondiale l’oblige à quitter la France. Sa collection est confisquée, puis vendue en 1921. Après son retour en 1924, il promeut les peintres autodidactes Bauchant, Bombois, Vivin et Séraphine de Senlis.

Il leur consacre une exposition "Peintres du Cœur Sacré" en 1928, parle d’eux la même année dans Picasso et la tradition française, et leur consacre un ouvrage, Cinq maîtres primitifs (1947), articulé autour du Douanier Rousseau. Sa défense d'un "génie du coeur et de l'intuition", éloigné "du talent de la raison et de l'intelligence", se trouve reconnue en 1948 à travers la création d’une salle qui porte son nom au musée national d’Art Moderne (palais de Tokyo).

A la même époque, le mouvement naïf prend également une ampleur internationale surtout aux Etats-Unis, en ex-Yougoslavie et à Haïti. Depuis les débuts du siècle dernier, cet art ne cesse de s’étendre à travers le monde, et suscite un vif intérêt.

S’agissant d’un mouvement non académique, l’art naïf ne possède pas de définition propre. Il se caractérise cependant par une représentation figurative de sujets populaires : paysages campagnards, costumes folkloriques, animaux domestiques ou sauvages. Du point de vue technique, cet art se caractérise par le non-respect  des règles de la perspective  soit la diminution de la taille des objets proportionnellement à la distance, l'atténuation des couleurs avec la distance, la diminution de la précision des détails avec la distance. A contrarion on trouve  l’emploi de couleurs vives, souvent en aplats, sur tous les plans de la composition, sans atténuation à l’arrière-plan  et une une égale minutie apportée aux détails, y compris ceux de l’arrière-plan

Malraux lors de ses voyages en Haïti rencontra de nombreux peintres naïfs. Selon lui les artistes naïfs sont ceux qui :

 "osent croire que le temps n'est rien, que la mort même est une illusion et qu'au-delà de la misère, de la souffrance et de la peur [...] pour qui sait voir, respirer et entendre, un paradis quotidien, un âge d'or avec ses fruits, ses parfums, ses musiques[...]un éternel éden, où les sources de jouvence l'attendent pour effacer ses rides, ses fatigues » Ainsi, de par le monde, il existerait selon lui "cette confrérie des peintres et peintresses aux mains éblouies, en France à côté de nos portes, mais également au Brésil, aux États-Unis, en Haïti à saint soleil [ils seraient] les artistes de la grande espérance, les jardiniers miraculeux qui, pour le spectateur, font pousser des fleurs sur le béton". (Le Dernier Voyage de Malraux en Haïti - À la recherche des arts du monde entier, documentaire de Jean-Marie Drot qui s'entretient avec Malraux en 1976)

 

2 - L'art brut

L'expression art brut est employé par Jean Dubuffet lors de son périple avec Jean Paulhan dans les hôpitaux psychiatriques en Suisse dans une lettre qu'il adresse au peintre suisse René Auberjonois, le 28 août 1945. Il désigne les productions de personnes exemptes de culture artistique. Il regroupera certaines de ces productions au sein d'une collection, la Collection de l'art brut à Lausanne qui comprend à la fois l'art des fous et celui de marginaux de toutes sortes : prisonniers, reclus, mystiques, anarchistes ou révoltés.

En septembre 1945, Jean Dubuffet se rend à l'asile de Rodez pour voir Antonin Artaud. Le docteur Ferdière qui soigne Antonin Artaud lui conseille de se rendre à l'hôpital de Saint Alban, ce que le peintre fera par la suite. Dubuffet visite encore d'autres hôpitaux psychiatriques et des prisons, rencontre des écrivains, artistes, éditeurs ainsi que des conservateurs de musée et des médecins.

Dubuffet redéfinit souvent l'art brut, cherchant dans un premier temps, à le distinguer de l'art populaire, de l'art naïf, des dessins d'enfants, puis créant la « Neuve Invention » au sein de sa collection, à laquelle il intègre également l'art singulier genre où se mêlent les « habitants paysagistes » et les « naïfs », rassemblés dans une exposition en 1978 au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Sa toute première définition est donnée en 1949 :

« Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » — Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, 1967)

Dans un deuxième temps, en 1963, Dubuffet élargit la définition de l'art brut :

« Des productions de toute espèce- dessins, peinture, broderies, figures modelées ou sculptées etc. présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l'art coutumier et des poncifs culturels, et ayant pour auteur des personnes obscures ou étrangères aux milieux artistiques professionnel. » — Jean Dubuffet, Notice sur la Compagnie de l'art brut, 1963.

Dans un troisième temps, il précise encore dans Fascicule de l'art brut numéro 132. : « Œuvres ayant pour auteurs des personnes étrangères aux milieux intellectuels, le plus souvent indemne de toute éducation artistique, et chez qui l'invention s'exerce, de ce fait, sans qu'aucune incidence ne vienne altérer leur spontanéité. »

 

3- De l'art brut à l'art singulier ou hors norme, déraciné, outsider...

Les relations entre Gaston Chaissac et Jean Dubuffet ont été pour le moins tumultueuses, mais hautement symptomatiques de l’histoire et de l’évolution de l’art brut. Chaissac est très tôt intégré à la collection de Dubuffet, et exposé dès 1948 avec les autres créateurs du Foyer de l’art brut, qui deviendra la Compagnie de l’art brut, puis la Collection de l'art brut. Mais en 1963 est créée la seconde Compagnie de l’art brut, au moment du retour de la collection d’Amérique. Dubuffet doit alors revoir les fondements idéologiques qui définissent l’art brut, ce qui aboutit à la création d’une « Collection annexe », qui prendra le nom définitif de Neuve Invention en 1982, dans laquelle il place Chaissac

Pour Lucienne Peiry (L'Art brut, Gallimard, 2006): "Le silence et le secret restent pour Jean Dubuffet les fondements inhérents à la véritable production artistique ; le créateur autodidacte œuvre pour son propre usage, sans aspirer à la communication ni à la diffusion de ses travaux. Dubuffet pousse alors sa théorie socio-esthétique à ses limites et dénonce la contradiction existant entre la production d’art et la reconnaissance sociale."

Dubuffet retire alors quelques créateurs du groupe de l’art brut dont Gaston Chaissac et transfère leurs productions dans les collections annexes. Plus que tout autre, le transfert de Chaissac a été et reste un sujet de polémique. Nombreux sont ceux qui ont accusé Dubuffet de l’avoir enrôlé dans l’art brut, de l’avoir pillé et plagié pour finalement le renier en le reléguant dans les collections annexes. Dans un premier temps, Dubuffet a vu en Chaissac l’homme du commun créateur, cette figure essentielle de sa conception philosophique et artistique. Puis il a révisé son jugement, tenant compte non seulement du bagage culturel de Chaissac mais aussi de sa connaissance et de ses liens toujours plus importants avec la vie parisienne. Ce que Dubuffet résume dans une Lettre à Pierre Carbonel : « Vous ne pouvez pas être un créateur et être salué par le public de ce titre. […] Il faut choisir entre faire de l’art et être tenu pour un artiste. L’un exclut l’autre....[Chaissac] est trop informé de ce que font les artistes professionnels ".

En 1971, un architecte, Alain Bourbonnais, monte sa propre collection d'artistes marginaux. Il rencontre Dubuffet la même année et décide alors d'ouvrir son propre espace, l'Atelier Jacob, en 1972. Deux nouveaux termes sont créés : l'art « hors-les-normes » puis « singulier ». L'art singulier connaitra la notoriété grâce à la grande exposition organisée par Alain Bourbonnais, Michel Ragon, Suzanne Pagé, et Michel Thévoz : "Les Singuliers de l'Art" au Musée d'art moderne de la ville de Paris du 19 janvier au 5 mars 1978 .

En 1982, la "collection annexe" prend le titre de "Neuve Invention" dans laquelle Jean Dubuffet et Michel Thévoz, conservateur de la Collection de l'Art Brut, classent un art singulier, dont celui de Gaston Chaissac, pour relancer l'art brut qui ne se pratique plus guère dans les hopitaux psychaitriques. À l'occasion de l'exposition Art brut et compagnie à la Halle Saint-Pierre en 1995 Michel Thévoz en donne la raison :

« C'est vrai qu'on ne trouve plus d'art brut dans les hôpitaux psychiatriques sauf à Gugging. Mais le champ de l'art brut s'est seulement déplacé vers les nouveaux exclus de notre société, notamment le vieillards, ou dans de nouveaux ghettos (...). Par ailleurs, parallèlement à l'art brut est en train de se développer, cristallisé par le terme Neuve Invention (ou art parallèle, ou Outsider art, ou art déraciné, hors-normes, peu importe), un art pratiqué par des personnes qui aspirent à communiquer mais qui refusent de se plier aux protocoles de l'institution artistiques »

Cette même année voit le jour une revue anglaise spécialisée, Raw Vision, qui donnera définitivement une ampleur internationale au mouvement, désigné alors sous le terme d'Outsider Art (terme proposé dès 1972 par Roger Cardinal dans son livre éponyme).