Le 17 septembre 2010 , place de l'hôtel de ville de Caen
Deux projecteurs dans les deux camions
sous les rangées de drapeaux Un écran géant gonflable devant la façade de l'hôtel de ville

Vendredi 17 septembre à 21h00, place de l'hôtel de ville, le cinéma Lux projetait sur un écran géant le Psychose d'Alfred Hitchcock (1960) sur la partie gauche et sa relecture par Gus Van Sant, Psycho (1998), sur la partie droite. Lorsque l'on entend la bande-son de l'une des versions, l'autre est muette.

Cette projection en parallèle était une "deuxième mondiale" après la première effectuée par le Lux dans sa salle en 1999.

En choisissant de démarrer le Psycho Gus Van Sant avec 35 secondes de retard et de stopper sa projection durant deux minutes après le meurtre de Marion, pour permettre à la version d'Hitchcock de rattraper son retard de mi-parcourt, le projectionniste du Lux a opéré le meilleur choix possible pour la mise en parallèle de deux versions dont l'une, celle d'Hitchcock, dure 1h49 et l'autre, celle de Gus van Sant, 1h44.

Jouer de la synchronie
Jouer du décalage

La version de Gus van Sant dure officiellement cinq minutes de moins que celle d'Hitchcock. Le décalage atteint néanmoins plus de neuf minutes au début du dernier plan qui dure quelques secondes chez Hitchcock contre plus de quatre minutes chez Gus van Sant. Le tableau ci-après fait le compte des décalages sur quelques séquences clés (minutage DVD à 25 images /seconde contre 24 images au cinéma) :

 
Hitchcock
Van Sant
écart
fin du générique 0h1m47 0h1m47 0m00
fenêtre 2m37 2m50 -0m13
sandwich 2m47 3m17 -0m30
store levé 5m08 5m12 -0m04
Bureau 6m20 5m44 0m36
Chez elle 10m10 9m24 0m51
En voiture 12m03 10m48 1m20
matin policier 13m00 11m40 1m24
sortie garage 22m17 19m18 3m02
le mère motel 26m05 22m48 3m24
oeil voyeur 42m25 39m10 3m20
entrée sdb douche 44m15 41m28 2m52
fin douche 47m00 44m36 2m30
voiture engloutie 54m20 54m18 2m06
Arbogast téléphone 1h09m07 1h06m00 3m12
Arbogast monte escaliers 1h13m27 1h09m44 3m48
Arbogast tué 1h14m00 1h10m18 3m46
fin sherif 1h21m05 1h16m06 5m04
fin mère transportée 1h22m50 1h17m44 5m10
en voiture 1h24m13    
Lila seule 1h30m45 1h23m56 6m54
Sam frappé 1h35m30 1h27m48 7m48
fin momie 1h37m10 1h29m44 7m32
"Pas de mal à une Mouche" 1h43m38 1h34m26 9m12
voiture tractée 1h43m50 1h34m38 9m12
Fin   1h38m36 5m18

 

   
Marion plus vite en voiture chez Gus Van Sant...
... Et plus vite au motel

La relecture de Gus van Sant rend hommage sur le fond et sur la forme au film de Hitchcock. Non seulement Psycho reprend très exactement 95 % des plans de Psychose mais Gus van Sant s'attache à magnifier, en les modifiant très légèrement, les séquences les plus célèbres de Hitchcock.

Hitchcock doit ainsi utiliser cinq plans avec fondu-enchainé et trucage pour atteindre la fenêtre de l'hôtel où Sam et Marion se retrouvent au début contre un seul pour Gus van Sant. La fenêtre de l'hôtel est atteinte avec 13 secondes de retard. Le sixième plan de Hitchcock, sur les sandwichs, est atteint avec 30 secondes de retard par Gus van sant qui présente là son second plan. Le plan initial virtuose de Gus vans Sant, avec approche en continu sur la fenêtre, est en effet plus lent... mais tellement plus beau que les cinq de Hitchcock.

Le projectionniste du Lux, en utilisant le logo Universal et celui de Imagine qui durent quarante secondes, alors que le vieux logo Paramount Release ne dure que cinq secondes a ainsi décidé de commencer en avance le film de Hitchcock (Si l'on veut bien admettre que le vrai début commence avec le début du générique de Saul Bass et la musique de Hermann). Le film de Gus Van Sant allant ensuite plus vite (le retard est repris des l'ouverture du store dans la chambre), il rattrape son handicap de 35 secondes sur l'arrivée au bureau de Marion, soit presque exactement au moment de l'apparition d'Hitchcock à la devanture.
Bravo !!!

Synchronie retrouvée une fois le Gus van Sant arrêté pendant deux minutes
Van Sant de nouveau en avance : Norman à sa mère dans la tête...

Le film de Gus van Sant va de plus en plus vite par rapport au Hitchcock et, après la voiture de Marion engloutie dans le marais, le projectionniste a stoppé cette version pendant deux minutes pour permettre au Hitchcock de revenir à la hauteur du Gus Van Sant. C'est ainsi le cas lorsque Arbogast vient interroger Norman.

La projection exactement synchrone ne présente guère d'intérêt sauf pour les séquences de la douche et du meurtre d'Arbogast où Gus Van Sant rajoute six plans subliminaux et mystiques (voir : critique). Il était bien plus intéressant, ce 17 septembre, de voir d'abord la version de Gus van Sant à droite et de vérifier ensuite les détails qui choquent sur la version d'Hitchcock, en retard, à gauche : y a t il un clin d'oeil aguicheur de Leila vers Norman ? Celui-ci lit-il des revues érotiques ? Le disque qu'il écoute s'appelle-t-il World needs a melody ?

.... A moins que ce ne soit sa mère qui possède Norman
Splendide générique performance de Gus van Sant pendant le discours du psychiatre

Au final, une excellente soirée pour le millier de spectateurs venu assister par un temps radieux (mais un peu froid) à cette séance gratuite en l'honneur des cinquante ans du cinéma Lux.

Jean-Luc Lacuve le 20/09/2010

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