Pier Paolo Pasolini, 1967

Eschyle, né à Éleusis (Attique) vers 526 et mort à Géla (Sicile) en 456, est le plus ancien des trois grands tragiques grecs. Précédé d'autres tragédiens, il participe à la naissance du genre grâce à certaines innovations, comme le nombre d'acteurs qu'il porte à deux selon Aristote. Treize fois vainqueur du concours tragique, il est l'auteur d'une centaine de pièces dont sept seulement ont survécu.

Le théâtre d'Eschyle est essentiellement remarqué pour sa force dramatique, la tension, l'angoisse qui habite ses pièces, dont la cohérence se comprend surtout par la progression qui les reliait au sein de trilogies « liées », dont ne subsiste aujourd'hui que l’Orestie. S'il ne développe pas la psychologie des personnages, ses choix lui permettent de mettre en valeur ses conceptions puissantes sur l'équilibre de la cité, le dégoût de l’hybris qui met en danger cet ordre, et le poids de la décision des dieux dans la conduite des affaires humaines, notamment à travers le sort militaire, ou la malédiction familiale (dans le cas de Thèbes et des Atrides notamment).

La vie d'Eschyle est très mal connue. Né d'un certain Euphorion, vers 525, à Éleusis en Attique, ville des mystères en l'honneur de Déméter auxquels il est initié, il appartient à une grande famille athénienne. Il est témoin dans sa jeunesse de la fin de la tyrannie des Pisistratides à Athènes.

Contemporain des guerres menées contre les Perses, il prend part à dix ans d'intervalle aux batailles de Marathon, en compagnie d'ailleurs d'au moins un de ses frères (490) et de Salamine (480), cette dernière lui inspirant huit ans plus tard Les Perses (472), sa plus ancienne tragédie conservée.

La première victoire d'Eschyle au concours tragique se place en 484, mais sa carrière devait être entamée dès l'an 500. Sur un total d'environ quatre-vingt dix pièces, il n'en subsiste aujourd'hui que sept. Six d'entre elles sont représentées entre 472 et 458, dans l'Athènes de Périclès : Les Perses (472), Les Sept contre Thèbes (467), Les Suppliantes (peut-être 463) et l'Orestie, sa treizième et dernière victoire (458).

Eschyle rejoint ensuite la Sicile (où il s'est déjà rendu, à l'invitation du tyran de Syracuse Hiéron, après la représentation des Perses). C'est peut-être là qu'il compose le Prométhée enchaîné dont l'attribution même reste douteuse. Il meurt à Géla en 456, selon la légende en recevant une tortue sur la tête, lancée par un aigle qui aurait pris son crâne chauve pour un caillou.



Eschyle est l'auteur de quatre-vingt-dix tragédies et de vingt drames satyriques, il remporte sa première victoire au concours en 484. Il compte parmi ses rivaux Pratinas, Phrynichos, Choerilos d'Athènes, et plus tard le jeune Sophocle qui le bat en 468. Certaines de ses pièces disparues ne sont connues que par leur titre (Iphigénie, Philoctète, Pénélope, Les Mysiens, Les Femmes thraces, Les Salaminiennes), ou parfois par des fragments comme dans le cas de Niobé ou des Myrmidons. L'existence de certaines autres pièces ne peut être que supposée, par exemple pour le Prométhée délivré et le Prométhée Porte-feu qui auraient pu compléter le Prométhée enchaîné dans le cadre d'une trilogie.

 

Principales adaptations par odre chronologique

Carnets de notes pour une Orestie africaine P. P. Pasolini Italie 1970

 



Les oeuvres de Eschyle et leurs adaptations

 

-472 : Les Perses
-467 : Les Sept contre Thèbes
-463 : Les Suppliantes
-458 : L’Orestie :
Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides.
-450 : Prométhée enchaîné

 


Les Perses
-472

Cette pièce représentée en 472 fait à l'origine partie d'une tétralogie qui remporte le concours. Les quatre pièces la composant ne sont sans doute pas liées et seraient les suivantes : Phinée (sur ce roi thrace tourmenté par les Harpyes et cité dans la légende des Argonautes) précède Les Perses, puis viennent Glaucos de Potnies (sur ce fils de Sisyphe dévoré par ses chevaux aux jeux funèbres de Pélias), et enfin un drame satyrique, Prométhée. Le chorège d'Eschyle est le jeune Périclès.

Elle relate la bataille de Salamine du point de vue des Perses défaits de Xerxès : la pièce joue donc sur un paradoxe, en relatant une catastrophe ressentie comme triomphe par le public athénien. Il s'agit de la seule tragédie grecque à sujet historique qui ait subsisté

 


Les Sept contre Thèbes

-467

 

Représentés au printemps 467, Les Sept contre Thèbes , étaient probablement la troisième pièce d'une trilogie thébaine (les deux premières étaient un Laïos et un Œdipe), complétée par un drame satyrique : La Sphinx. Eschyle obtint cette année-là le prix.

Étéocle attend l'attaque des sept chefs contre Thèbes, parmi lesquels son frère exilé Polynice et prépare la défense thébaine. La pièce est menée par un chœur de thébaines terrifiées par l'imminence de la tuerie. Celles-ci constate la mort des rois frères qui vérifie la malédiction d'Œdipe, et leurs lamentations concluent la trilogie sur la malédiction de Laïos et de ses descendants. Eschyle omet donc l'épisode des Épigones qui réalise dans le mythe l'oracle d'Apollon : ce dernier avait prédit la perte de Thèbes, et non de la race de Laïos.

Une fin apocryphe, inspirée de l'Antigone de Sophocle et annonçant la désobéissance de cette dernière, est insérée dans certaines éditions de la pièce.

 

 


Les Suppliantes
-463


Les Suppliantes fut réprésentée sous l'archontat d'Archédémidès, en 464-463. La pièce était peut-être la première d'une trilogie dont la deuxième pièce se serait intitulée Les Égyptiens et la troisième Les Danaïdes. Un drame satyrique l'aurait complétée, intitulé Amymone.

Les suppliantes sont les Danaïdes qui forment le chœur, personnage principal de la tragédie : leur nombre est de cinquante, ce qui a longtemps conduit à considérer la pièce comme la plus ancienne conservée d'Eschyle, hypothèse depuis invalidée. Les filles de Danaos, poursuivie par les fils de son frère Égyptos, les Égyptiades, sont venues à Argos demander refuge et protection auprès de Pélasgos : ce dernier l'accepte et s'attire les prières des Danaïdes, mais les Égyptiades approchent et la guerre menace.

 


L'Orestie
-458


Cette trilogie représentée en 458 comprend les pièces suivantes : Agamemnon , qui met en scène le retour du roi de Mycènes après la guerre de Troie, et son meurtre par Clytemnestre ; Les Choéphores, du nom des porteuses de libations qui accompagnent Électre sur la tombe d'Agamemnon où elle retrouve Oreste revenu d'exil pour venger son père et tuer Clytemnestre et son amant Égisthe, double meurtre qui conclut la pièce ; et Les Euménides, qui montrent Oreste poursuivie par les Érinyes qui demande vengeance après le matricide, jusqu'à ce qu'Athéna saisie par Apollon, protecteur d'Oreste, ne remette le jugement de ce dernier à un nouveau tribunal qu'elle instaure, l'aréopage. Oreste est finalement acquitté à égalité de voix, proclame sa reconnaissance et sa fidélité à Athènes, et les Érinyes passent un pacte avec Athéna et deviennent les protectrices de la cité, d'où leur nouveau nom d'Euménides ou « Bienveillantes ».

Agamemnon : On assiste à la chute de Troie et au retour d'Agamemnon victorieux, accompagné de sa captive Cassandre, à Argos où l'attend son épouse Clytemnestre. Celle-ci espère venger le sacrifice de sa fille Iphigénie par Agamemnon. Malgré les prédictions de Cassandre annonçant sa propre mort, le roi et la prophétesse sont tués. Clytemnestre et Egisthe (cousin germain d'Agamemnon) prennent le controle d'Argos.

Les Choéphores. Après la mort de son père, Électre souhaite que le crime soit puni, en réponse de quoi Apollon renvoie Oreste, fils d'Agamemnon, à Argos pour venger son père. Il tue Clytemnestre, réveillant ainsi la soif de justice des Érinyes, déesses vengeresses. À la fin Argos est détruite.

Les Euménides. Après une longue errance, Oreste, toujours poursuivi par les Érinyes, arrive au sanctuaire d'Apollon à Delphes où il est purifié. Il est ensuite présenté devant l'Aréopage (tribunal athénien) et jugé par Athéna. Elle lui donne raison et les Érinyes deviennent les Euménides (les bienveillantes). La malédiction qui pesait sur les Atrides est ainsi levée.

 

 


Prométhée enchaîné


Cette pièce est la plus problématique d'Eschyle : l'année de représentation est inconnue, même si le style semble proche de l’Orestie, donc tardif, et que certains traits font penser à la Sicile ou Eschyle finit sa vie. L'attribution même du Prométhée enchaîné est discutée. On suppose en tout cas que cette pièce aurait été la première d'une trilogie liée, suivie de deux autres Prométhée : Prométhée délivré et Prométhée Porte-feu. Les hypothèses à ce sujet permettent également de rechercher une cohérence et un sens qui semblent manquer si l'on considère la pièce comme isolée.

Tout distingue cette pièce des autres : les personnages sont tous divins, la scène se passe en un lieu désert, à l'extrémité du monde, au bord de l'océan. Héphaïstos, sur ordre de Zeus ici représenté par ses serviteurs Pouvoir (Kratos) et Force (Bia), vient clouer Prométhée à un rocher pour le punir d'avoir livré le feu aux hommes. Prométhée voit alors défiler diverses divinités : le chœur des Océanides évoque le pouvoir tyrannique du jeune roi des dieux, et Prométhée leur énumère les bienfaits qu'il a rendus aux hommes. Puis arrive Io, poursuivie par le taon, et qui se lamente ; Prométhée sait que d'elle doit être issu celui qui le libérera (Héraclès). Eschyle mêle également au mythe de Prométhée un autre mythe lié au cycle d'Achille : il fait du Titan le gardien du secret selon lequel Thétis serait destinée à enfanter un fils plus puissant que son père. Or Zeus convoite Thétis. Ceci permet à Prométhée de braver Zeus, qui envoie Hermès lui soutirer ce secret. Prométhée refuse et Hermès lui annonce sa punition : la foudre de Zeus l'ensevelira sous les roches effondrées et son aigle viendra lui ronger le foie pour le faire céder.

 

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