Serguei Paradjanov

(1924 - 1990)
8 films
   
   
2

Serguei Paradjanov, de son vrai nom Sarkis Paradjanian, est né à Tbilissi, en Géorgie, le 9 janvier 1924, de parents arméniens.

De 1942 à 1945, il étudie le chant au conservatoire de musique de sa ville natale. Il s'initie également à la peinture. En 1946, il entre à l'Institut cinématographique d'État, le V.G.I.K., à la section de mise en scène. Élève du réalisateur ukrainien Igor Savtchenko, il est également son assistant pour certains de ses films.

En 1950, Paradjanov se marie avec Nigyar Kerimova, à Moscou. D’origine musulmane tatare, elle se convertit à la religion orthodoxe pour l’épouser. Elle sera plus tard assassinée par des parents qui ne lui ont pas pardonné cette conversion. Il achève ses études sous la direction de Mikhail Romm en 1952. Cette année-là, il obtint son diplôme de réalisateur, que paraphe Dovjenko. Un an plus tard, il est assistant de Vladimir Braun sur le film Makimka, puis, dès 1954, il entre aux studios Dovjenko, à Kiev, et réalise plusieurs courts-métrages et documentaires en langue ukrainienne (Doumka, Les Mains d’or, Natalia Oujvy). Il apprend l’ukrainien et se remarie avec Svetlana Ivanovna Cherbatiouk en 1956. Elle lui donnera un fils (Suren, 1958).

Ses films singuliers sont souvent influencés par la diversité ethnique de sa région natale, le Caucase, et mêlent réalité sociale, folklore, légendes et chamanisme. Ses premières œuvres, tournées en Ukraine (et inédites et France), sont assez proches du réalisme socialiste (comme Le premier gars, amourettes champêtres dans un kolkhoze) jusqu’à la rupture des Chevaux de feu (1964). Paradjanov adapte la nouvelle "Les Ombres des ancêtres oubliés", d'un écrivain ukrainien du début du siècle, Mikhail Kotzubinsky. Le film, perçu comme un signe de renouveau dans le classicisme du cinéma soviétique, remporte de nombreuses récompenses internationales, notamment le 1er Prix du Festival de Mar del Plata. Paradoxalement, c'est à cette époque que commencent pour lui les difficultés avec les autorités. Paradjanov qui prend position en faveur d'intellectuels ukrainiens dissidents, sera pour l’Occident le premier symbole officiel de l’oppression des artistes soviétiques (Tarkovski en sera un autre). Son chef d’œuvre est désavoué par les autorités de Moscou parce qu’il est tourné en dialecte houtsoul (des Carpates ukrainiennes) et non doublé en russe. C’est une des raisons pour lesquelles, certains historiens du cinéma le considéreront comme un exemple de cinéma ukrainien. Il est également désavoué par le cinéaste lui-même parce qu’on l’a raccourci contre son gré, mais aussi parce qu’il ne correspond pas au cinéma non narratif auquel il aspire... peut-être liées

En 1968, Serguei Paradjanov s'installe à Erevan et travaille avec la communauté arménienne à la réalisation de Sayat nova. Le film, récit à la fois historique, poétique et baroque, sur la vie du poète arménien du XVIIIe siècle Sayat Nova, est très vite retiré de l'affiche en raison de son anticonformisme, esthétique, loin du réalisme socialiste de rigueur, et idéologique, les allusions au nationalisme arménien étant par trop évidentes. Dès la sortie de son film en 1969, Paradjanov est pratiquement condamné au chômage ; ses différents projets sont, soit refusés, soit interdits. Par la suite, tous ses projets de films sont refusés et ses prises de positions publiques contre l’arrestation de journalistes et d’intellectuels ukrainiens le marquent d’une croix rouge.


Remontée par Youtkevitch, une nouvelle version, censurée, est présentée à Moscou en 1971... pour être retirée après deux semaines d'exploitation ! De graves ennuis attendent alors le cinéaste.

En décembre 1973, il est arrêté et accusé de "trafic d'icônes et de devises", d'"incitation au suicide", d'"homosexualité"... ce dernier délit le condamnant, en avril 1974, à cinq ans de camp de travail, malgré des troubles de la vue et une maladie cardiaque. Paradjanov fait la une des journaux lorsqu’il est incarcéré. Les comités se mobilisent (en France, Yves Saint Laurent, Françoise Sagan, et surtout Louis Aragon, montent au créneau). Le pouvoir reproche implicitement au cinéaste de promouvoir le nationalisme. On annonce son suicide en 1976 alors que son état de santé est alarmant. L'opinion internationale s'émeut et entreprend de nombreuses démarches auprès des autorités soviétiques pour obtenir la libération immédiate de Paradjanov. La rumeur de sa mort persiste et en août de l'année 1977, les milieux arméniens parlent du suicide du détenu dans sa cellule... Les nouvelles les plus contradictoires circulent; on apprend bientôt, pourtant, que Serguei Paradjanov a été libéré le 30 décembre 1977, par suite d'une remise de peine.

C’est en prison et dans les années qui suivirent, que Paradjanov produira la majorité de ses dessins et collages, qui constituent une part importante de sa création.

"Libre", il s'installe en Géorgie, dans sa maison natale et tourne clandestinement Le signe du temps (1979), court-métrage de sept minutes qui témoigne de sa présente détresse et où il décrit sa vie quotidienne et celle de ses amis.

De par l'interdiction d'exercer son activité de cinéaste, il ne survit que grâce à l'aide d'amis; ("En prison, déclare-t-il, ma vie avait un sens, il y avait une réalité à surmonter. Ma vie présente n'a aucune valeur. Je ne crains pas la mort, mais cette vie-là est pire que la mort") Il souhaite obtenir un visa pour la France... qui lui est refusé malgré les pressions de nombreuses personnalités artistiques françaises.

Paradjanov est de nouveau arrêté le 11 février 1982, avec l'accusation de corruption. Jugé par le tribunal de Tbilissi en octobre, il est libéré en novembre de la même année.

En 1984, il entreprend La légende de la forteresse de Souram (1986), tirée d’une nouvelle du Géorgien Daniel Chonkadzé selon laquelle une forteresse ne peut être sauvée de la ruine que si un homme y est emmuré. Le film est tourné en plans larges fixes et frontaux. Après le court-métarge documentaire, Arabesques sur le thème de Pirosmani (1985), il entreprend Achik Kerib, conte d'un poète amoureux (1988) qui sera son dernier film. Tiré d’une nouvelle du poète russe Mikhaïl Lermontov, il rappelle les contes des Mille et une nuits : un jeune troubadour pauvre tombe amoureux de la jolie fille d’un riche marchand. Pour pouvoir l’épouser il décide de faire fortune en parcourant le monde… Paradjanov dédiera ce film à son grand ami le cinéaste Andreï Tarkovski.

Il avait à peine commencé le tournage de La confession (d’après Lermontov), une allégorie ouvertement politique (et polémique), quand il meurt d’un cancer mais aussi épuisé par des années de prison (il avait 66 ans, le 20 juillet 1990 à Erevan en Arménie). Les quelques plans qu’il a réussi à tourner seront inclus dans le film Paradjanov : le dernier printemps, réalisé par son ami proche Mikhaïl Vartanov en 1992. Il laisse une œuvre inachevée, ancrée dans les remous de l’histoire du Caucase, habitée par le merveilleux d’un Orient mythique, et dans laquelle "littérature, histoire, ethnographie et métaphysique se fondent en une unique vision cinématographique, en un acte unique". Pour Paradjanov, l’essentiel n’était pas la narration, mais la vision, l’image. Il disait s’inspirer souvent de ses rêves et ne faisait pas de distinction entre un tableau et un film.

Filmographie :

Films inachevés : Les Fresques de Kiev (1965) et Confession (1990).

Court-métrages : Un conte moldave (Moldovskaya skazka, 1951, 0h48), Doumka (1957, documentaire), Natalia Oujvi (Natalya Uzhviy 1957, 0h40, documentaire), Kivski Freski (1966, 0h13), Hakop Hovnatanian (1968, 0h08, documentaire), Le signe du temps (1979, 0h07), Arabesques sur le thème de Pirosmani (Arabeskebi Pirosmanis temaze 1985, 0h25).

1954 Andriesh
 

(co-réalisateur avec Iakov Bazelian). Avec Giuli Chokhonelidze, Konstantin Russu, , Nodar Shashik-ogly, Lydia Sokolova. 1h03.

   
1959 Premiers gars
 

(Pervyy paren). Avec : Varvara F. Chaika (la mère de Odarka), G. Karpov, Yelena Kovalenko, Y. Saratov, Lyudmila Sosyura. 1h21.

   
1961 Rhapsodie ukrainienne
  (Ukrainskaya rapsodiya). Avec : Olga Reus-Petrenko (Oksana Marchenko), Yevgenia Miroshnichenko (Oksana Marchenko), Eduard Koshman (Anton Petrenko), Yuriy Gulyayev (Vadim), Natalya Uzhviy (Nadyezhda Petrovna), Aleksandr Gay (Vayner), Valeriy Vitter (Rudi). 1h28.
   
1962 Une fleur sur la pierre
  (Tsvetok na kamne). Avec : Lyudmila Cherepanova (Lyuda), Boris Dmokhovsky (Vachenko), G. Karpov (Griva), I. Kirilyuk (Kristina). 1h11.
   
1964 Les chevaux de feu

(Tini zabutykh predkiv). Avec : Ivan Nikolaitchouk (Ivan), Larissa Kadotchnikova (Maritchka), Tatiana Bestaéva (Palagna). 1h35.

L'action située dans les Carpates à une époque indéterminée mais lointaine est divisée en chapitres intitulés : Ivan et Marichka ; les Alpages ; Solitude ; Ivan et Palagna ; Les masques de Noël ; C'est demain le printemps ; Le sorcier ; Envoûtement et mort d'Ivan ; Picta.

   
1968 Sayat nova

(La couleur de la grenade). Avec : Sofiko Tchiaoureli (le poète jeune), Melqon Alekian (le poète enfant). 1h17.

De l'enfance aux derniers instants du poète arménien Sayat Nova. La vie, l'amour, les angoisses spirituelles, la mort de cet artiste du XVIIIe siècle, évoquées au cours de douze chapitres.

   
1986 La légende de la forteresse de Souram

(Legenda o suramskoj kreposti). Avec : Levan Uchaneishvili (Zourab), Veriko Andjaparidze (La devineresse). 1h30.

Dans les temps les plus reculés, les Géorgiens décidèrent de construire une forteresse pour leur pays contre les invasions. Mais celle-ci s’effondre dès que l’on parvient au niveau du toit. Pour achever la forteresse, un beau garçon doit accepter d’y être emmuré vivant...

   
1988 Achik Kerib, conte d'un poète amoureux

(Achik Kérib). Avec : Youri Mgoian (Achik Kérib), Sofiko Tchiaourelli (Magoul- Méguérie), Ramaz Tchekhivardze, Véronique Métonidzé, Lévan Natrochvili. 1h20.

L’histoire, en forme de conte, est celle d’un amour absolu entre Achik Kérib, jeune poète pauvre, qui chante la geste des preux avec son luth, et Magoul-Méguérie, la fille d’un riche marchand. Le père refuse le mariage déshonorant de sa fille avec ce vagabond. Achik Kérib doit alors faire fortune en mille jours et mille nuits pour obtenir le consentement paternel.