La route semée d'étoiles

1943

(Going my way). Avec : Bing Crosby (Père Chuck O'Malley), Barry Fitzgerald (Père Fitzgibbon), Frank McHugh (Père Timothy O'Dowd), James Brown (Ted Haines Jr.), Gene Lockhart (Ted Haines Sr.). 2h10.

La petite paroisse de Saint-Dominique à New York a perdu bon nombre de ses fidèles. De plus, elle est hypothéquée jusqu'à la dernière tuile et le vieux curé, le Père Fitzgibbon n'a plus le don de prêcher. Pour redresser la situation, l'épiscopat envoie le jeune Père O'Malley. Ses méthodes modernes heurtent Fitzgibbon qui ne cache pas sa désapprobation. Passant outre son supérieur, O'Malley, qui compose aussi de la musique, vend une de ses chansons à un éditeur. C'est le succès, et avec l'argent recueilli, il remet la paroisse sur pieds. Revenu à de meilleurs sentiments, Fitzgibbon confie à son jeune collègue que son voeu le plus cher est d'aller en Irlande, voir sa mère.

Mais l'église brûle, et tout est à recommencer. Très affecté, Fitzgibbon s'écroule, victime d'une crise cardiaque. Tandis qu'il se rétablit lentement. O'Malley organise une tournée où la chorale de la paroisse accompagne la vedette de l'Opéra, Geneviève Linden. Avec les fonds obtenus, il rebâtit une église et fait venir la mère du vieux curé en Amérique. Sa mission est terminée. Chuck O'Malley fait ses valises et s'efface en sifflotant.

Analyse de Jacques Lourcelles :
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Baignant dans toutes sortes de musiques (cantiques, folklore, opéra, chanson populaire) c'est l'un des chefs-d'œuvre de McCarey, à voir en liaison avec Les Cloches de sainte Marie qui en est la suite.

Le projet du film et sa distribution suscitèrent un scepticisme général avant et pendant le tournage : Bing Crosby, pour la première fois de sa carrière dans un rôle non purement musical, et de surcroît en soutane ! Barry Fitzgerald, le vieux luthérien ronchonneur qui en savait même pas s'agenouiller, en prêtre catholique ayant passé quarante cinq ans de sa vie dans la même paroisse ! Going my way (7 oscars) et The bells atteignirent cependant des sommets au box office.

Dans le déroulement d'une durée sans crise et sans heurts spectaculaires, chaque personnage est amené à se métamorphoser en ce qu'il a de meilleur, sous l'effet conjoint du regard de l'auteur, de la musique, de la présence d'un révélateur (le père O'Malley interprété par Bing crosby) et de ce qu'il faut bien appeler la miraculeuse richesse morale du film. Selon le postulat qui est à la base de l'œuvre, chaque être vivant construit seul sa destinée mais, par sa présence attentive à autrui, se transforme lui-même en transformant les autres. Humour et émotion, à force de se côtoyer, n'existent plus séparément en tant que tels. Ils sont transformés en quelque chose d'autre : une sorte de béatitude, de contentement profond de l'âme qui passe des personnages au spectateur comme un courant magique.

C'est ici le triomphe d'un cinéma de fascination absolue, fondé non pas sur le malheur et la souffrance des êtres, comme c'est habituellement le cas mais sur une alchimie de bons sentiments que McCarey semble être le seul de tous les réalisateurs a avoir su mener à son terme.
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Jacques Lourcelles