A touch of Zen

1971

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Genre : Aventures

(Xia nu). Avec : Shih Chun (Gu Shengzai), Hsu Feng (Yang Huizhen), Roy Chiao (Maître Hui-yuan), Ying Bai (Général Shi Wen-chiao), Han Ying-chieh (Hsu Hsien-chun), Hsue Han (Dr. Lu Meng). 2h55.

1625. La Chine septentrionale à l'époque Ming, sous le pouvoir de l'eunuque Wei Zhongxian. La nuit, des araignées tissent leur toile. Le matin se lève sur les montagnes et la citadelle abandonné de Jing Lu. Comme chaque matin, Gu Shengzai, quitte une bâtisse abandonnée du fort pour se rendre dans son échoppe de dessinateur et écrivain public. Un mystérieux voyageur, Ouyang Nian, lui demande de faire son portrait tout en lui posant d'étranges questions sur les nouveaux arrivants dans le village, l'apothicaire Lu notamment.

Le soir venu, Gu rentre chez lui et retrouve sa mère, avec laquelle il vit. Il apprend qu'une jeune fille, Yang Huizhen, occupe une autre batisse de l'ancienne citadelle, voisine de leur maison et semble se cacher. Ouyang Nian vient récupérer son portrait et serait bien prêt de tuer monsieur Shi, un diseur de bonne aventure, croisé sur son chemin, si celui-ci n'était sauvé par l'arrivée impromptue de Gu et sa mère. Gu s'aperçoit rapidement que Yang Huizhen semble très bien connaitre Shi ainsi que Lu.

Yang soigne la mère de Gu qui a pris froid et s'aperçoit que celui-ci n'est pas un homme ordinaire. Il méprise le petit honneur tranquille d'être fonctionnaire pour préférer la peinture. Elle en avertit Lu et, comme Gu la suit, elle lui donne rendez-vous chez elle le soir. Ils passent la nuit ensemble, mais sont réveillés au petit matin par par Ouyang Nian, membre de la police politique de l'eunuque Wei. Huizhen le met en fuite.

Appelé chez le préfet Xu, Gu apprend par son secrétaire que Yang Huizhen est recherchée et qu'il doit reproduire des affiches mettant sa tête à prix. Son père était en effet un mandarin du mouvement Donglin qui avait offensé l'eunuque Wei. C'est alors que Ou-Yang vient chez le préfet pour interdire de mettre les affiches maintenant qu'il sait où se cache la jeune femme. Alors que Gu rentre, il le trouve en effet en plein combat entre Yang et Shi. Il serait blessé à mort sans l'intervention de Yang qui lui raconte alors son histoire. Yang Huizhen était la fille de l'ancien Censeur Impérial, Yang Lian. Celui-ci, à la tête du mouvement Donglin, voulait dénoncer les 24 crimes de l'eunuque Wei et les irrégularités de sa police politqiue, la chambre de l'Est. Wei avaient intercepté les rapports de Yang Lian grâce à Men Ta, le chef de sa police politique. Celui-ci avait, torturé puis exécuté Yang Lian. Sa fille était parvenue à s'échapper grâce à deux fidèles partisans de son père, les généraux Shi et Lu. Traquée par Ouyang Nian, elle s'était réfugiée chez le moine Hui-yuan qui, durant deux ans, lui enseigna les arts martiaux.

Gu, enivré de la nuit d'amour passé avec Huizhen, lui propose de l'aider. Elle rit de son inexpérience mais Gu la convainc qu'il est un stratège hors pair. Un détachement de 200 hommes de la police secrète, commandé par Men Ta vient rejoindre le capitaine Ouyang Nian et Gu veut empêcher qu'ils ne réunissent leurs forces et leurs informations. Il envoie ainsi Yang et Shi combattre Ouyang Nian dans la forêt de bambous. Ouyang Nian, grièvement blessé, parvient à rejoindre la maison du préfet Xu pour alerter Men Ta mais s'aperçoit trop tard que Xu est du côté des survivants de Donglin. Xu récupère son sceau, et sous les indications de Gu, envoie une fausse lettre de bonnes nouvelles à Men Ta qui arrive avec son détachement. Gu emploie la ruse en attirant l'armée dans la citadelle abandonnée en faisant répandre, par sa mère notamment, le bruit que la citadelle est hantée. Men Ta refusant de se laisser intimider, Gu décide de lui faire parvenir le corps de Ouyang Nian en faisant croire qu'il a été victime des fantômes de la forteresse.

Plusieurs embuscades déciment les hommes de Men Ta, effrayés par les rumeurs des fantômes. Un dernier combat de nuit provoque une hécatombe tant les fantômes semblent surgir de nulle part. Men Ta affronte finalement seul ses adversaires, tue le docteur Lu Dingan et le secrétaire du préfet mais est tué par Yang : son sang arrose la stèle funéraire de Yang Lian qu'elle avait placée là tout exprès.

Au matin, Gu rit à gorge déployée de sa victoire éclatante obtenue par la ruse mais il met bientôt le pied sur le corps de Men Ta et est alors effrayé de voir la conséquence de sa victoire : des centaines d'hommes morts. Il voit maitre Hui-yuan et ses bonzes venir enterrer les corps.

Gu part à la recherche de Huizhen qui a préféré se retirer dans la montagne au monastère de Hui-yuan. Enceinte de Gu, elle lui fait remettre le bébé. Mais elle ne peut encore se retirer du monde : Gu est menacé par Hsu Hsien-chun, le nouveau et redoutable chef de la police politique. Huizhen et le général Shi, puis le moine Hui-yuan lui viennent en aide. Une lutte à mort s'engage : maître Hui-yuan tente de convaincre Hsu de chasser le mal en lui mais celui-ci, par ruse le blesse mortellement et tue ses quatre bonzes. Hui-yuan frappe d'un coup mortel Hsu qui, hébété, tue ses deux derniers soldats qui se trouvent être ses propres enfants.

Blessé à mort, saignant de l'or, Hui-yuan s'élève au dessus de la montagne et, se fondant dans le soleil, indique à Huizhen et Shi ainsi qu'à Gu très éloigné et portant son enfant, qu'il rejoint le nirvana.

Le générique indique que le film s'inspire d'une histoire des Contes étranges du studio du bavard de Pu Songling. Mais c'est bien King Hu qui est à la fois scénariste, réalisateur, directeur artistique et monteur de ce film. Après les deux succès consécutifs de L'hirondelle d'or (1966) et de L'Auberge du dragon (1967), King Hu peut se livrer au perfectionnisme qui l'amena à quitter Hong Kong pour Taiwan entre ses deux succès passés. Le tournage et le montage durent trois longues années. Mais c'est un échec commercial cuisant sans doute dû à la longueur du film et à sa narration particulière. Celle-ci, sans le moindre gras romanesque, ne facilite pas l'identification du spectateur aux personnages. La beauté du film est pourtant à chaque instant présente pourvu qu'on sache l'apprécier pour elle-même, débrasée des illusions d'une victoire du bien et d'un happy-end triomphant.

Une narration sans gras romanesque

Toute la première heure du film, très lente, est consacrée à connaitre la véritable identité de chaque personnage et à quel camp il appartient. Ainsi Ouyang Nian apparait d'abord comme sympathique avant de se révéler être un capitaine au service de l'empereur. Inversement, le docteur Lu (accompagné de son petit-fils) ainsi que le vagabond Shi se révèlent être les deux généraux fideles à Yang Huizhen. Le préfet Xu et son secrétaire sont aussi du côté du clan Donglin dirigé par Yang Lian, mort sous la torture. Avec Gu, ce sont ainsi six hommes qui sont du côté de Yang Huizhen.

Les méchants du film sont toujours magnifiés comme des adversaires redoutables. C'est le cas pour Ouyang Nian qui meurt sous les coups des flèches du petit-fils de Lu, mais aussi pour Men Ta, le chef de la police politique, la chambre de l'Est, et responsable de la mort de Yang Lian. Alors qu'il est désormais tout seul dans la forteresse, il affronte ses cinq ennemis ligués contre lui. Il en tue deux avant d'être finalement tué par Yang. Aux trois quarts-du film intervient un nouveau méchant dont on n'avait pas entendu parler auparavant, le  général Hsu Hsien-chun qui tuera traitreusement Maître Hui-yuan. La souplesse et l'agilité surhumaine lors de combats aériens dans des décors naturels sont partagées aussi bien par les héros du film que par leurs adversaires

La nuit d'amour entre Gu et yang est admirablement préparée et subtilement mise en scène. Dans une lettre à Lu, Yang a fait preuve de son admiration pour Gu. Celui-ci, amoureux d'elle depuis le premier regard (burlesquement niais) la suit jusque dans un terrain aride où elle lui donne rendez-vous pour le soir. A cette aridité du désir répond l'extrême douceur du pavillon la nuit. Récitant en musique un poème amoureux, Yang se donne à Gu entourée de la lumière de la lune se reflétant dans la mare aux nénuphars. Quatre travellings latéraux de gauche à droite puis de droite à gauche depuis l'intérieur du pavillon jusqu'à l'extérieur, en accord avec leur désir, puis un travelling ascensionnel vers la lune qui redescend sur le visage érotisé de Yang conclut cette séquence. Y succède l'émerveillement du matin, le soleil se levant sur les plantes et les animaux de la forteresse et Yang cueillant un roseau pour en balayer le visage de son amant pour le réveiller. Une ombre, celle d'Ouyang Nian brise le charme et fait reprendre le cours de la bataille.

A touch of zen

Le film est un parcours d'initiation à la fois pour Yang et Gu, l'accès au nirvana pour maitre Hui-yuan, alors que les méchants sont privés de la voie vers la réconciliation avec le monde.

Yang ne tire aucune gloire de ses combats. Avec le général Shi, face aux deux soldats de Ouyang Nian, elle est épuisée et triste après le combat dans la forêt de bambous et ce n'est que sur les indications de maitre Hui-yuan qu'elle part défendre le père de son enfant dans la forêt de bouleaux. Un peu plus tôt, les plans où elle surplombait Gu emportant leur enfant et prête, sans une larme, à rejoindre le monastère indiquent qu'elle en prendra vraisemblablement la direction pour trouver la voie indiquée par maître Hui-yuan.

Gu, artiste peintre et calligraphe, vit encore avec sa mère qui se désespère de lui trouver un épouse et un métier sur de fonctionnaire et un lettré. En apparence naïf et maladroit sa connaissance de l’histoire et des stratégies militaires lui permet d’élaborer les pièges successifs dans lesquels tombent les soldats de Men Ta. Pur ordonnateur, il ne participe pas aux combats et organise la mise en scène, projection du réalisateur à l’intérieur de son propre film. Cette organisation a toutefois un coup réel : Gu est saisi d'effroi lorsqu'il constate les effets de sa stratégie. Il ne serait donc question d'en terminer après deux heures de film par une victoire. Le producteur tenta de sortir une version plus courte du film (2 heures) pour tenter d'attirer le public mais sans succès.

Deux flashes-back succesifs pour retracer l'histoire des Yang, split-screen (soit un an seulment après sa découverte moderne par Richard Fleischer) pour montrer la diffusion de la rumeur des fantômes par la mère, négatif rouge pour figurer l'agonie, surimpressions successives dans la marche vers le soleil pour maitre Hui-yuan et combats aériens splendides, chaque image du film est un appel pour une beauté débarrassée de l'orientation vers l'avénement d'un vianqueur mais l'occasion d'en saisir la beauté, tant du côté des bons que des méchants.

 

Flashes-back pour Gu quand Yang forge ses armes
négatif rouge
surimpressions successives
combat aérien parmi les roseaux
combat aérien parmi les bouleaux

Echec commercial dans son pays, c'est paradoxalement l'occident qui apportera la reconnaissance internationale à King Hu : Touch of Zen remporte le prix de la Commission Supérieure Technique lors du festival de Cannes de 1975.

Jean-Luc Lacuve le 26/07/2015.

critique du DVD

Editeur : Carlotta-Films. Septembre 2016. Nouveau master restauré HD V. O., Sous-Titres Français. Durée du Film : 1h51. 20 €.

Suppléments : Préface de Pierre Rissient, Hostel forces (15 mn) « Parfois, le mouvement crée un effet 3D. […] La caméra subjective intensifie le suspense, rappelant Le Train sifflera trois fois et les films de Sergio Leone. » Un essai réalisé par David Cairns, critique. Actualités : Retour sur l’engouement du film à Taipei lors de sa sortie en salles en 1967 au gré d’images d’actualités inédites. Bande-annonce 2015.