Hollywood ending

2002

Avec : Woody Allen (Val Waxman), Téa Leoni (Ellie), Traet Williams (Hal Yeager) Mark Rydell (Al), Marian Seldes (Alexandra). 1h50.

Val Waxman est cinéaste. Des années auparavant, il a gagné deux oscars, mais il a été banni des studios depuis pour ses exigences, caprices et extravagances : il se sent menacé par la fièvre aphteuse, par la peste noire, par le champignon de l'orme et même par l'oxygène. Aujourd'hui, il en est réduit à tourner une publicité pour déodorants chez les trappeurs canadiens et même les téléfilms tordus lui passent sous le nez.

Son ex-femme, Ellie se bat néanmoins pour lui faire diriger "La ville qui ne dort jamais", un polar sans prétention artistique mais dont les décors, les réparties et le sentimentalisme devraient assurer un gros succès et lui permettre de faire son come-back sur la scène artistique.

Ellie est en effet nouvellement fiancée avec Hal Yeager à la tête d'un grand groupe audiovisuel qui, en guise de cadeau de mariage, veut bien faire une entorse à ses principes de rentabilité. S'il refuse à Val de tourner en noir et blanc, (trop prétentieux) il lui laisse choisir son cameraman et son décorateur… jusqu'à ce que ce dernier décide de reconstruire Hyde park et l'Empire state building (enfin seulement les premiers étages !).

Après bien des hésitations, car il est toujours attiré par Ellie mais déteste Hal et le nouvel Hollywood qu'il incarne, Val accepte de tourner le film à la grande joie de sa nouvelle compagne, Lori, starlette un peu cruche, qui espère décrocher un rôle. Les producteurs passent sur ses caprices et le tournage va commencer.


Dès le début, c'est la catastrophe : Val est frappé d'une cécité psychosomatique. Son agent, le fidèle Al, lui conseille de ne rien dire, l'aide à cacher ce fâcheux handicap puis trouve un complice en la personne de l'assistant-traducteur du chef opérateur chinois.

Et le film se tourne, tant bien que mal. Les rushes laissent tout le monde abasourdi et, d'une certaine façon, Val a la chance de ne pas les voir… Ce n'est pas simple d'indiquer " à l'aveuglette " des positions aux acteurs, de résister à Sharon Bates, la vedette, qui veut le séduire et le reçoit en tenue très légère sans qu'il s'en rende vraiment compte, de déjouer les pièges de Andrea Ford, redoutable échotière toujours prête à colporter les pires ragots, etc. Comme la situation est intenable, Ellie est mise dans la confidence et décide elle aussi d'aider son ex-mari.

Le tournage se termine et le pot-aux-roses est découvert au moment de la sortie. C'est un échec mais Val recouvre la vue, renoue avec Ellie et le film est considéré comme un chef-d'œuvre… en France, où le couple reformé part pour une nouvelle vie. " Dieu merci, les Français existent ! " s'écrie le réalisateur ressuscité.

message essentiel : la pulsion langagière, amoureuse ou créatrice contre les recettes toutes faites des maîtres de l'audiovisuel.

scène clé : lors des retrouvailles entre Ellie et Val, le discours amoureux qui dynamite le discours professionnel. Echos de cette attitude quand Ellie essaie d'imposer son ex-mari comme réalisteur de "la ville qui ne dort jamais" ou lorsque Val essaie d'imposer Alexandra comme figurante.

 

En situant son film dans le milieu Hollywoodien, Allen se place dans la longue tradition des analystes des mœurs du cinéma et dans la plus longue tradition encore de ceux qui travaillent l'impact de l'œuvre dans l'œuvre. Mais si "La ville qui ne dort jamais" menace d'engloutir Val, ce n'est pas parce qu'il s'y donne trop à fond mais du simple fait de sa maladie et des rapaces qui tournent autour de lui et si le film sauve finalement Val ce n'est pas dû à son talent mais au goût pour le moins extravagant de la critique française.

Ce n'est ainsi pas en regardant Val au travail que l'on parviendra à trouver la réflexion sur l'art mais, plus simplement, dans son comportement humain vis à vis du travail. Ce que les studios voudraient imposer c'est un long fleuve tranquille de recettes sans vagues (à l'image du brushing de Hal dont la dépense nourrirait une famille pendant une semaine) et sans décision (le cinéma n'étant qu'un sous produit calibré pour la distribution vidéo). Comme Ocean face au magnat des casinos dans Ocean's eleven, Allen oppose la séduction du cinéma à celle de la télévision pour reconquérir son ex.

Sous la comédie loufoque pointe en effet la comédie sentimentale (auquel renvoyait plus directement son précédent film, Le sortilège du scorpion de jade) . Ce que déteste Allen par dessus tout c'est le règne calibré de l'image, celle d'Hollywood sous le soleil, celle du bronzage et des liftings. Il préfère le mauvais goût notamment en matière sexuelle qui le fait s'enticher de la jeune Alexandra. La création comme l'amour sont affaires de pulsions et de jouissance ce qui n'a évidemment rien à voir avec les discours calibrés et sans imaginations des maitres du marketing.

L'interaction entre la vie amoureuse et la création artistique s'incarne dans la fameuse scène de dialogue entre Val et Ellie où, sous la discussion pour préparer le film ressurgit sans cesse la pulsion amoureuse. Pulsion qui se libère dans la scène de la vue retrouvée, seule scène vraiment lyrique du film avec New-York magnifié par une lumière orange de soleil couchant.

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