Histoires du cinéma
Voir : Films et cinéastes espagnols
Viridiana , Luis Bunuel (1961)
La soledad , Jaime Rosales (2007)

1 / Histoire du cinéma espagnol

On peut faire remonter à 1896 les premières manifestations cinématographiques en Espagne. Le 15 mai, un représentant des frères Lumière organise la première projection à Madrid et, à la fin de l'année, un Espagnol filme La Sortie de la messe de midi à l'église du Pilar de Saragosse. L'année suivante, Fructuoso Gelabert construit la première caméra espagnole et met en scène le premier film de fiction, Riña en un café.

Les premiers studios de tournage sont édifiés en 1909 à Barcelone et Madrid, suivis, en 1910, de la création de la première revue cinématographique, Arte y Cinematografia. La première capitale espagnole du cinéma est Barcelone. Plusieurs cinéastes étrangers l’investissent pour des tournages, de Max Linder à Gérard Bourgeois qui y réalise la superproduction Christophe Colomb (1916).

Au début des années 1930, des infrastructures locales voient peu à peu le jour : CEA (Cinematografia Española Americana) en 1933, Cifesa (Compaña Industrial Film Español) en 1934, Filmfono en 1935.

Si CEA et Filmfono sont en partie contrôlées par des capitaux étrangers, Cifesa, compagnie valencienne, est purement espagnole.


La proclamation de la République et naissance du cinéma parlant coïncident. Les débats politiques et sociaux se retrouvent au sein même de la création cinématographique. Filmfono, à gauche, est supervisée par Buñuel, la Cifesa choisit le parti de la droite monarchiste et ultra-catholique.

Avec la guerre civile, dès 1936, la production change de visage. La production commerciale s'efface (25 longs-métrages), mais les documentaires (plus de 200 docs et courts-métrages) et films de propagande foisonnent. Les forces politiques et syndicales prennent peu à peu possession de l'outil cinéma. La Révolution invente un cinéma militant, transmet ses valeurs, se sert des films pour mobiliser l'opinion.

Le franquisme

Avec l'avènement du franquisme, en 1939, le cinéma espagnol entre dans la période la plus tragique de son histoire : production réduite au minimum, censure plurielle (militaire, politique, religieuse…). Via le Ministère de l'Intérieur et de la Propagande, la dictature contrôle toutes les formes de création, au premier rang desquelles le septième art.

Contrôlée par le franquisme, la Cifesa devient la voix de son maître. Les valeurs prônées sont le passé glorieux du pays, le patriotisme, la religion catholique, le culte de la guerre. Sous le pseudonyme de Jaime de Andrade, le Caudillo scénarise lui-même le film Raza ("race" en espagnol) (1941) réalisé par José Luis Sáenz de Heredia. Un modèle du genre…

Autres genres prônés à l'époque, les films de croisade et les films religieux. Emblématique de cette censure, la création, en 1952, de la Junta de classification y de censura de las peliculas (Assemblée de classification et de censure des films) dont la mission est de juger le contenu moral, politique et social des films.

On note pourtant quelques rares tentatives de productions indépendantes, par exemple sous la houlette du scénariste et réalisateur Edgar Neville ou de Lorenzo Llobet-Gràcia auquel on doir Vies dans l'ombre (Vida en Sombras, 1947).

Le nouveau directeur de la cinématographie appuie un courant néoréaliste, à ses risques et périls. Quelques films commerciaux connaissent le succès à l'étranger. A la fin des années 1950, Franco assouplit la censure et ouvre la voie à des coproductions avec des compagnies étrangères. Allemands, Italiens, Américains investissent le territoire pour des tournages de peplums et westerns spaghettis. L'Espagne leur fournit décor et main d'œuvre

Créée par un Français mais vivant grâce à des capitaux et du personnel local, la société Eurociné donne naissance à des produits à bas coût mais à l'apport important, type séries Z, porno-soft, films d'horreur. Le marché français a droit aux versions intégrales, les Espagnols découvrent des versions plus softs, qui ne risquent pas de heurter la morale et surtout pas la censure franquiste : exit le sexe, exit la violence.

Parallèlement à ce cinéma commercial, quelques auteurs apparaissent. Le nouveau cinéma espagnol voit le jour. Carlos Saura émerge à la fin des années 1950. S'inscrivant dans une certaine tradition néoréaliste. Son premier film, Los golfos, applaudi au festival de Cannes 1960, ne sortira en Espagne qu'en 1963 amputé des dix minutes de se scène d'amour..

Exilé au Mexique puis en en France, Luis Bunuel revient pourtant en Espagne, après 24 ans d'absence, pour y tourner Viridiana. Un événement ! Le film, qui obtient la palme d'or à Cannes en 1961 - ex æquo avec Une aussi longue absence - est pourtant interdit dans son pays jusqu'en 1977, deux ans après la mort de Franco.

Los golfos , Carlos Saura (1960)
Viridiana , Luis Bunuel (1961)


Le réalisteur Victor Erice critique l'Espagne franquiste avec L'Esprit de la ruche (1973). Manuel Gutiérrez Aragon commence à percer. La fin de la dictature pointe le bout de son nez.

Les années 1968 à 1975, avant la fin de la dictature, voient l'émergence et l'âge d'or du cinéma fantastique espagnol, qui n'a pas toujours été évalué à sa juste valeur. En partie imitant le modèle anglo-saxon, ce genre connaît une trentaine de films phare et quelques brillants serviteurs. Jesus Franco, de son vrai nom Jesus Franco Manera (réalisateur de L'horrible docteur Orlof, Gritos en la noche, en 1962), Narcisso Ibanez Serrador signe La résidence (1971) et Les révoltés de l'an 2000 (1976).

Parmi les plus foisonnants des créateurs du genre, Jacinto Molina (plus connu sous le nom de Paul Naschy), au parcours singulier. D'abord étudiant en architecture, puis champion d'haltérophilie, il devient acteur, scénariste, réalisateur et producteur : c'est une véritable institution à lui tout-seul. Il devient fasciné par l'épouvante après avoir assisté à une projection du film Frankenstein et le loup garou !

La transition

L'Esprit de la ruche , Victor Erice(1973)
Cria Cuervos , Carlos Saura (1976)

La censure s'éteint peu à peu après la disparition de Franco, des aides à la création voient le jour. Au début, c'est le documentaire qui passe au crible l'histoire proche du pays : Chansons pour l'après-guerre (1977), Après… (1980). Politique, régionalisme, mœurs, rien n'échappe à l'inspiration des réalisateurs.

La nomination d'un nouveau directeur de la cinématographie, Pilar Miro, entre 1982 et 1985, est pour beaucoup dans ce foisonnement créatif tous azimuts.

 

La Movida


La figure la plus fervente de ces années, emblématique de la movida madrilène, et qui affiche un succès fou, bien au-delà des frontières espagnoles, c'est évidemment Pedro Almodovar. Son premier long-métrage coïncide avec le retour de la démocratie : c'est Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980), et jusqu'en 1987 avec Femmes au bord de la crise de nerf ses films seront empreiunt de l'énergie de la Movida. Anticonformiste, indépendant, il n'hésite pas à jouer la provoc amusée. En passant au crible les bouleversements de la société espagnole, il mêle humour, mélo, engagement et livre des portraits - de femmes souvent - bouleversants. Il a notamment fait connaître Carmen Maura, Victoria Abril ou Marisa Paredes mais aussi Antonio Banderas et Penélope Cruz, qui ont ensuite affiché une carrière transatlantique.

Pedro Almodovar et sa période Movida de1980 à 1987

Dans la lignée de Pedro Almodovar, le cinéma espagnol trouve un indéniable regain de vitalité. Plusieurs cinéastes font leur apparition, avec des univers qui témoignent de la richesse des inspirations et des sujets. Alex de la Iglesia joue la carte de la comédie burlesque, Alejandro Amenábar celle du fantastique. D'origine chilienne, Amenábar arrive à Madrid à l'adolescence. Son premier film, Tesis, est salué par le public et la critique en 1996, puis vient Ouvre les yeux, sorti en 1998 avec Edouardo Noriega et Penélope Cruz, adapté à Hollywood par Cameron Crowe (Vanilla Sky) avec Tom Cruise, aux côté de Penelope qui reprend son rôle. Pendant ce temps il tourne en anglais : son film Les Autres, avec Nicole Kidman, connaît un succès international (2001). Il creuse à sa façon un sillon à succès dans les années 1970 et signe un film plus personnel et émouvant sur l'euthanasie, Mar adentro.


Des réalisateurs comme León de Aranoa ou Achero Manas se penchent quant à eux davantage sur les problèmes sociaux : violence, chômage… Julio Medem signe Tierra (1995), Lucia y el sexo (2000) qui se font aussi connaître hors des frontières. Comme Almodóvar est le porte-flambeau de la madrilène, Bigas Luna (de son vrai nom Juan José Bigas Luna), lui, s'illustre comme le représentant de l'avant-garde barcelonaise. Ses principaux films : Jamon jamon (1992), Macho (1993), Le téton et la lune (1994). Mais c'est Jaime Rosales qui avec La soledad (2007) se montre l'espoir le plus sérieux du jeune cinéma espagnol.

L'orphelinat , Juan Antonio Bayona (2007)
La soledad , Jaime Rosales (2007)

Certains acteurs connaissent aussi une carrière brillante hors d'Espagne : c'est le cas de Javier Bardem ou d'Eduardo Noriega.

De cinquante films par an dans les années 1980, la production a atteint 172 films en 2007, dont une quarantaine de documentaires. En 2007, L'orphelinat de Juan Antonio Bayona figure en tête du box-office espagnol et REC de Paco Plaza et Jaume Balagueró dans les vingt premiers.

 

2 / Economie du cinéma espagnol

Selon les chiffres communiqués par l’Instituto de la Cinematografia y de las Artes Audiovisuales, le bilan du cinéma en Espagne présente une tendance globale à la baisse en 2007.

Tandis que le secteur de la production poursuit son expansion, la fréquentation fléchit pour la troisième année consécutive. La part de marché du film national s’effrite encore une fois et le film américain, toujours dominant, accorde quelques points de part de marché au cinéma européen.

172 longs métrages sont produits en Espagne en 2007 (22 de plus qu’en 2006). C’est le meilleur résultat enregistré depuis 25 ans et plus de 100 films sont d’ores et déjà au stade de la post-production pour l’année 2008. La bonne santé du secteur est liée à l’augmentation de la dotation du fonds d’aide à la production (Fondo de Proteccion), ainsi qu’à la participation financière accrue des télévisions. Le secteur des coproductions est également en pleine expansion. En 2007, 57 des 172 films produits sont des coproductions internationales, tournées principalement avec l’Argentine (19), le Royaume-Uni (10) et la France (8).

En 2007, la fréquentation des salles de cinéma recule pour la troisième année consécutive. Cette baisse est, toutefois, plus contenue que dans certains autres pays européens. Avec 3,9 % de moins, les entrées s’établissent à 116,9 millions (121,6 millions en 2006).

Conséquence de cette nouvelle baisse des entrées, l’indice de fréquentation moyen poursuit son recul et s’établit à 2,6 entrées par an et par habitant. Il reste, toutefois, parmi les meilleurs niveaux d’Europe. Soutenues par l’augmentation du prix moyen de la place, les recettes totales progressent de 1,2 % et passent de 636,16 M€ en 2006 à 643,74 M€ en 2007.

 

Malgré les bonnes performances de L’orphelinat qui domine le box-office 2007 et de REC (dans les vingt premiers) et 4,3 millions d’entrées et une recette de plus de 24 M€, la part de marché des films espagnols s’effrite encore une fois en 2007. Elle s’établit à 13,5 % (15,4 % en 2006) et rejoint le niveau moyen de la décennie. Toujours en position dominante, la part de marché du film américain fléchit également. Elle perd 3,5 points par rapport à l’année précédente et s’établit à 67,6 %. Cette baisse profite au cinéma européen. Hors films espagnols, les films européens captent 16,8 % du marché en 2007 (11,7 % en 2006).

Notamment, grâce à la performance de Harry Potter et l’ordre du Phénix, À la croisée des mondes : la boussole d’or, la Vengeance dans la peau et les Vacances de Mr Bean, la part de marché des films britanniques passe de 7,8 % en 2006 à 12,6 % en 2007.

Après une période d’expansion qui a duré dix ans, suivie d’une baisse notable en 2006, le parc des salles se stabilise. À noter, toutefois, que le nombre de sites se réduit régulièrement depuis plusieurs années. 4 296 écrans sont recensés à la fin de l’année 2007, répartis sur 907 sites. Ils programment 1 776 films, dont 386 films espagnols.

Warner Bros prend la tête du classement des distributeurs en 2007, notamment grâce au succès de L’orphelinat, de Harry Potter et l’ordre du Phénix et de 300. Le distributeur réalise une recette de 123,5 M€, soit une part de marché de 19,2 %. Il place trois films dans le top 10 de l’année et cinq dans le top 20. Le premier distributeur indépendant, Aurum Producciones, occupe la 6e place du classement avec une part de marché de 5,6 %.

 

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