Will Hunting

1997

Thème : Psychanalyse

(Good will hunting). Avec : Matt Damon (Will Hunting), Robin Williams (Sean Maguire), Ben Affleck (Chuckie), Minnie Driver (Skylar), Stellan Skarsgard (Lambeau). 2h06.

Orphelin longtemps maltraité par son père adoptif, Will Hunting est un adolescent perturbé, vivant dans le quartier populaire de South Boston. Il n'entretient de relations affectueuses qu'avec ses trois amis d'enfance : Chuckie, Morgan et Billy. il n'a jamais suivi d'études régulières et ses perpétuelles bagarres et délits à répétition lui ont déjà valu maints démêlés avec la police. Il gagne sa vie comme homme de ménage au Massachusetts Institute of Technology.

Surdoué en mathématiques, il résout successivement deux problèmes particulièrement ardus affichés à l'intention des étudiants par le professeur Gerald Lambeau. Ce dernier, reconnaissant son génie, lui propose de le parrainer. De toute façon, Will n'a guère le choix s'il veut éviter la prison.

Outre des cours de mathématiques, il doit s'astreindre à des séances de psychothérapie qui s'avèrent infructueuses jusqu'au jour où Lambeau le présente à son collègue, le psychologue Sean McGuire. Originaire du même quartier que Will et comme lui maltraité pendant son enfance, Sean devrait être particulièrement apte à comprendre ce patient hors du commun. Toutefois, encore mal remis de la mort de son épouse adorée, il a du mal à établir le contact.

En effet, en dehors de la compagnie de ses trois copains, Will ne baisse jamais sa garde, y compris envers Skylar, une brillante étudiante anglaise qui a d'emblée reconnu en lui une âme sœur. Lorsqu'elle lui demande de partir avec elle en Californie, il lui déclare, contre toute évidence, qu'il ne l'aime pas.

Par ailleurs, il s'ingénie à saboter les entretiens d'embauche que Lambeau lui obtient auprès de grandes compagnies ou d'organismes tels que la NASA. S'étant fait engager comme manœuvre sur un chantier, il se verrait bien vivre ainsi, entre un modeste emploi manuel, une famille très ordinaire et des soirées au pub avec sa bande. Toutefois, une chaîne de solidarité se met en place. Sean réussit enfin à briser ses défenses et Chuckie lui fait comprendre qu'il aurait grand tort de ne pas tirer parti de ses dons exceptionnels.

Pour l'inciter à quitter leur quartier sans avenir, ses amis lui offrent pour ses 21 ans une vieille voiture patiemment retapée, au volant de laquelle il ira rejoindre Skylar en Californie.

Gus van Sant réalise là son chef-d'œuvre classique. La mise en scène est extrêmement brillante car presque invisible se cachant sous un scénario émouvant de bout en bout, parcouru de multiples rebondissements, pétillant d'un humour constant aux travers de scènes de mélodrame, et emporté par des acteurs formidables.

Le scénario est en effet adapté d'une proposition de Matt Damon et de Ben Affleck, alors acteurs débutants désireux de s'offrir eux-mêmes les rôles que les studios ne pensaient pas encore leur proposer. Ce mélodrame social autour d'un jeune génie des mathématiques qui avait choisit de mener une vie d'ouvrier remportera un succès inattendu au box-office.

Le générique s'ouvre sur une image mosaïque de livres et de formules mathématiques que Will ingurgite d'un simple parcours des yeux. La mosaïque traduit moins la possibilité de mettre en concordance tous les savoirs épars qui se présente à lui qu'une personnalité brisée que le psychologue Sean McGuire parviendra à réunifier.

L'image mosaïque est en effet reprise au moment de la célèbre "parole pleine" de la psychanalyse. Jusque là Will s'était contenté de ridiculiser les psychiatres (hilarantes scènes comiques du psychiatre à l'homosexualité refoulé et du gourou transcendantal) et de sympathiser avec Sean qui, comme lui était avait été battu durant son enfance et qui surtout avait su lui faire comprendre l'aventure qu'était une expérience humaine par rapport à un savoir acquis sans risque.

Mais cette compréhension est insuffisante à Will. Il s'agit moins pour lui d'éviter un nouvel abandon en se réfugiant dans une amitié qu'il sait indéfectible que de vaincre le traumatisme inconscient qu'il porte en lui. C'est ainsi au moment où il évoque les brutalités commises par son père que l'image mosaïque revient et que Sean lui scande que, s'il n'a pu protéger sa mère, s'il a du subir ces violences "ce n'est pas sa faute". Il le libère ainsi d'une culpabilité inconsciente qui annihilait tout désir de construction.

Cette scène est probablement la plus émouvante du film mais bien d'autres sont particulièrement touchantes ainsi de la séparation de Will et de Skylar dans un montage alterné à distance (1).

Jean-Luc Lacuve le 31/01/2008

(1) analyse de Youri Deschamps dans Eclipses n°41. Gus Van Sant, indé-tendance