Reality

2023

Avec : Sydney Sweeney (Reality Winner), Josh Hamilton (Garrick), Marchant Davis (Taylor), Benny Elledge (Joe). 1h22.

9 mai 2017. Dans les bureaux militaires de la société Pluribus International Corporation à Augusta, en Géorgie, la télévision passe en boucle les informations de Fox News à propos du limogeage avec effet immédiat par Donald Trump de James Comey, le patron de la police fédérale (FBI). La raison officiellement avancée par l'administration Trump pour ce limogeage est la façon dont Comey a géré le dossier des emails de Hillary Clinton mais le Sénat y voit une tentative de déstabiliser l'enquête du FBI sur une possible collusion entre l'entourage du candidat républicain à la présidentielle de 2016 et la Russie. 

25 jours plus tard, Le 3 juin 2017, Reality Winner, salariée de la société Pluribus International Corporation, reçoit la visite de deux agents du FBI, Garrick et Taylor à son domicile. Ils veulent s’assurer qu’elle n’a pas d’armes chez elle et que ses animaux, son chien et son chat, ne sont pas dangereux. Une fois que leur collègue balèze, Joe, a vérifié le périmètre, ils engagent la conversation avec Reality. Une incrustation dans l'image précise qu’il s’agit de la reconstitution du fichier-son enregistré par l’agent Garrick.

Reality travaille comme linguiste cryptologue et traduit couramment le persan et le dari, son dialecte parlé en Afghanistan, ainsi que le pachto. Elle a servi de 2010 à 2016 dans l'US Air Force jusqu'à atteindre le niveau élevé mais sans jamais avoir été déployée en Afghanistan comme elle le souhaitait ; ce qui l’a conduit à démissionner pour les bureaux militaires de la société Pluribus International Corporation. Elle avoue que c’est une erreur, surtout de devoir subir en continue les informations de Fox News.

Reality reconnaît avoir accès à des documents secrets mais, après avoir été blâmée pour avoir travaillé depuis chez elle à ses débuts, elle fait strictement attention au secret. Son appartement est fouillé de fond en comble pendant que Garrick et Taylor l'interrogent dans son arrière-cuisine, dépourvue de mobilier et de décoration.

Reality reconnaît avoir eu accès sur son ordinateur à un document décrivant la tentative russe d'interférer avec l'élection présidentielle de 2016, document classifié par la National Security Agency (NSA) et pourtant paru la veille à la une du journal The Intercept.

Reality doit admettre l’avoir imprimé mais passé ensuite à la déchiqueteuse… après l’avoir plié en deux. C’est la preuve qu’attendaient les deux agents du FBI car, selon les copies au format PDF envoyées par The Intercept, ceux-ci "semblent être pliés, ce qui suggère qu'ils ont été imprimés et assemblés à la main dans une zone sécurisée". Reality admet avoir glissé le document dans ses bas avant de rentrer chez elle et de le poster pour The Intercept dont elle avait vu l’appel aux lanceurs d’alerte sur internet.

Son téléphone révèle parmi ses photos de vacances qu'elle avait fait part sur les réseaux sociaux de son opposition à la politique du président Donald Trump, ce qui lui donnait un mobile pour diffuser ces documents étayant le piratage russe pour aider à l'élection de Donald Trump. Reality proteste car ces informations étaient déjà connues. Elle  s'inquiète de savoir si elle va être emprisonnée le soir même et qui gardera alors chien et chat. Après avoir téléphoné à sa mère et une amie pour cala, arrive une policière du FBI qui lui passe les menottes.

Une incrustation indique que Reality, détenue depuis 2017 à la prison de Lincoln County à Lincolnton, en Géorgie, a été condamnée le 23 août 2018 à une peine de 5 ans et 3 mois de prison pour "obtention de documents classifiés à partir d'une installation du gouvernement et transmission à un organe de presse". Elle est la première personne condamnée en application de l'Espionage Act sous la présidence de Donald Trump. Elle est libérée en juin 2021, après plus de 4 ans d'emprisonnement.

Partir d'un simple interrogatoire audio enregistré, celui du jour de l'arrestation de Reality par l'agent Garrick, est bien entendu une performance. De temps en temps, un effet de distanciation est paradoxalement obtenu par l’apparition du fichier-son à l’image ou par une saute de l’image en adéquation avec un grésillement de l’enregistrement sonore. Ils viennent rappeler cette base venu du réel.

Il ne s'agit pour autant pas d'un documentaire car l'histoire n'est pas interprétée par les personnages réels. La mise en scène en garde néanmoins trace : très sobre, ne se permettant ni ellipse ni musique. Elle se réduit pour l’essentiel à un face à face entre deux hommes et la jeune Reality qu'ils n’ont guère de mal à piéger. La trajectoire est simple, implacable entre deux professionnels et une idéaliste qui dégagent bien vite la vérité des faits.

Ce dépouillement est d'autant plus terrible qu’il s’accorde avec la personnalité de Reality telle qu'on la perçoit par ses photos de vacances, son goût pour les langues rares, son chien et son chat et ce qu'elle estime avoir été un acte honnête mais impulsif en contribuant à la vérité. Du coup, l’hystérie permanente de la communication de Fox News et les mensonges éhontés de Donald Trump vitupérant ne peuvent que lui valoir le pire. Ce qui ne pourrait être qu'une erreur commise sous le coup d’une impulsion face à de trop gros mensonges débités par Fox News devient un acte antipatriotique qui vaut quatre ans de prison à Reality.

Habillée de blanc dans une pièce blanche avec ses les yeux candides d’une traductrice idéaliste, elle est l’exacte opposé du trumpisme et c’est cette image d’elle qu'impose Tina Satter : Reality comme un ange de la vérité.

Jean-Luc Lacuve, le 1er septembre 2023.

Le 9 mai 2017, le président des États-Unis Donald Trump limoge le patron de la police fédérale FBI James Comey et provoque une onde de choc à Washington où des élus évoquent le spectre du Watergate. La raison officiellement avancée par l'administration Trump pour ce limogeage est la façon dont Comey a géré le dossier des emails de Hillary Clinton. Donald Trump accuse en substance James Comey d'avoir mal traité la candidate démocrate à la présidentielle en dévoilant à la presse de nombreux détails de l'enquête.... Détails que le candidat républicain avait pourtant utilisés quotidiennement pour pilonner la démocrate pendant la campagne. Le 6 janvier 2017, James Comey et trois autres responsables du renseignement informaient Trump de l'ingérence russe dans son élection, de «fausses informations», selon le président américain. Un mois plus tard, le FBI refusait d'accéder à une requête de la présidence de réfuter des informations du New York Times révélant des contacts répétés entre des proches de Trump et des agents russes pendant la campagne.