Robert Rossen

(1908–1966)
10 films
   
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Robert Rossen nait le 16 mars 1908 à New York. Issu d'une famille d'immigrés juifs russes, il grandit dans le Lower East Side à New York. Alors qu'il étudie à l'université de New York, il participe à des combats de boxe illégaux et monte des arnaques au billard, escroqueries qui inspireront ses deux films Sang et Or et L'arnaqueur.

Il commence sa carrière comme metteur en scène dans des petites productions théâtrales d'Off-Broadway, principalement dans le théâtre social et radical en vogue au début des années 1930. Il dirige notamment The Tree (1932) de Richard Maibaum à propos de lynchage, et Birthright (1933), pièce de Maibaum dans laquelle il s'attaque au nazisme, alors qu'Adolf Hitler vient d'être élu.

En 1935, Rossen écrit et dirige sa première pièce, The Body Beautiful, une comédie sur une danseuse burlesque. Bien que la pièce n'ait été jouée que quatre fois, Mervyn LeRoy, dirigeant de Warner Bros., est si impressionné qu'en 1936 il l'engage comme scénariste.

Rossen est crédité pour la première fois en tant que co-scénariste, avec Abem Finkel, du film de Lloyd Bacon Femmes marquées ; le scénario, tiré de l'histoire du gangster Lucky Luciano, est bien accueilli par Jack Warner et le Daily Worker. Son premier scénario seul est celui de La ville gronde de Mervyn LeRoy, inspiré par le lynchage de Leo Frank.

Rossen co-écrit en 1939 le scénario de Jeunesse triomphante, narrant l'histoire d'un homme acquitté par la justice avec l'aide d'un avocat et d'un journaliste, ce dernier arguant que « des millions d'hommes dans le pays » sont dans sa situation. Warner Bros. ordonne au producteur Lou Edelman de modifier le script, au motif que « cette histoire concerne deux individus, et pas un groupe. C'est un problème individuel, pas national. »

Le vaisseau fantôme (Michael Curtiz, 1941), tiré du roman éponyme de Jack London, doit beaucoup au travail de réécriture de Rossen : le personnage du capitaine Larsen, symbole du fascisme, est à la fois victime et oppresseur au sein d'une hiérarchie capitaliste ; tandis que le héros est montré comme un bosco intellectuel et rebelle. Warner Bros. coupe une bonne partie du contenu politique du film pendant la production.

Le Screen Writers Guild organise le 8 décembre 1941, le lendemain de l'attaque de Pearl Harbor, la "Hollywood Writers Mobilization" visant à impliquer les scénaristes dans l'effort de guerre. Rossen en est président jusqu'en 1944. Il milite également pour l'ouverture d'un second front, afin d'aider la Résistance de l'Europe de l'Ouest contre les nazis. Son implication dans cette mobilisation, ainsi que dans le parti communiste, le contraignent à abandonner des projets en cours, comme Le Trésor de la Sierra Madre, que John Huston réalisera finalement en 1948.

En 1945, Rossen participe à un piquet de grève contre Warner Bros. Il signe avec une maison de production indépendante créée par Hal Wallis, ancien chef de production à Warner, pour laquelle il écrit deux scénarios, celui de L'Emprise du crime (1946) et de La Furie du désert (1947). Recevant d'autres propositions de producteurs, Rossen arrête sa collaboration avec Wallis.

Rossen réalise son premier film en 1947 pour Columbia Pictures, L'heure du crime. Ce film met en scène Dick Powell, crooner reconverti en acteur, qui a insisté pour que le film soit réalisé par Rossen. Roberts Productions propose ensuite à Rossen de réaliser Sang et or, sur un scénario d'Abraham Polonsky. Après le succès de ce film, Rossen fonde sa société de production et signe avec Columbia Pictures un contrat lui offrant une grande liberté.

Les fous du roi (1949), d'après le livre de Robert Penn Warren, s'inspire de la carrière de l'homme politique Huey Long. Rossen introduit l'idée selon laquelle les défenseurs des gens ordinaires peuvent devenir leurs exploiteurs. Harry Cohn, de la Columbia, exige de Rossen qu'il écrive une lettre déclarant qu'il n'appartient plus au parti communiste. Cohn fait changer une partie de la structure du récit, selon lui trop complexe pour les spectateurs, et demande de développer les motivations et relations entre les personnages. Après que le Parti communiste de Los Angeles ait sévèrement critiqué le film, Rossen coupe tout contact avec eux. Les Fous du roi reçoit plusieurs prix : Oscar du meilleur film, Oscar du meilleur acteur pour Broderick Crawford, Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Mercedes McCambridge ainsi que le Golden Globe du meilleur réalisateur et celui du meilleur film.

Réalisé en 1950, La corrida de la peur sort en 1951. C'est son dernier film avec la Columbia avant d'être « blacklisté ». À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la frange la plus à droite des États-Unis, que son isolationnisme pro-fasciste a opposé à l'entrée en guerre des USA, désire toujours contrôler et punir les artistes, plutôt orientés à gauche, qui ont largement apporté leur soutien à Churchill et Roosevelt. En 1946, le Parti républicain remporte une très large majorité à la Chambre des représentants et ravive alors les comités ayant échoué à arrêter les artistes anti-fascistes avant la guerre. La victoire communiste en Chine en 1949 et le début de la Guerre de Corée en 1950 renforce par ailleurs l'hystérie anti-communiste.

Au cours d'auditions en 1947, Jack Warner dénonce Rossen comme étant un des nombreux scénaristes de gauche embauchés à la Warner, alors le studio le plus ouvertement anti-Nazin . Jack Warner accuse Rossen de se servir de ses scénarios pour diffuser de la propagande communiste, et explique que c'est la raison pour laquelle il a été licencié (alors que ce licenciement est plutôt lié à ses actions syndicales).

Rossen est un des 19 "témoins hostiles" convoqués par la House Un-American Activities Committee (Commission sur les activités antiaméricaines, HUAC) en octobre 1947 lors de la seconde peur rouge, mais il fait partie des 8 à n'avoir pas témoigné. Il invoque alors son droit au silence au nom du cinquième amendement, déclarant simplement ne pas appartenir au Parti communiste, mais refuse de répondre quand on lui demande s'il en a fait partie par le passé. Il est placé sur la liste noire non officielle des studios hollywoodiens et Columbia rompt son contrat avec lui.

Son impossibilité de travailler ainsi que le refus du département d'État de renouveler son passeport pousse Rossen à venir témoigner devant la HUAC en mai 1953, tout comme son ami l'ancien communiste Elia Kazan. Il accuse alors 57 personnes d'être communistes. Stephen Rossen expliquera plus tard ce qui a poussé son père à prendre cette décision :

« Ça l'a tué de ne pas travailler. Il était tiraillé entre son désir de tourner et son refus de parler, il ne savait pas quoi faire. Même s'il ne l'a pas formulé, je pense qu'il se demandait ce que je penserais de lui s'il parlait. Il a fini par m'expliquer les enjeux politiques, la complicité des studios, qu'il n'y avait aucune chance qu'il s'en sorte. Il était sous pression, il était malade, il avait du diabète, et il buvait. Il avait refusé de parler, et il me semblait qu'il purgeait sa peine. Qu'est-ce que je pouvais dire, à part « je t'aime et je suis avec toi » ? »

Tout comme celui d'Elia Kazan, le témoignage de Robert Rossen ruine de longues amitiés et des dizaines de carrières. Tandis que Kazan continuera à tourner et à connaître le succès, la carrière de Rossen ne s'en remettra jamais. Financièrement en difficulté après ses presque deux ans de chômage forcé, Robert Rossen écrit Mambo entre 1952 et 1953. Dans l'obligation de le produire en Italie, le film sort dans ce pays en 1954 puis en 1955 aux États-Unis. Le film, que des remontages à la suite d'avant-premières mitigées a rendu compliqué, est mal accueilli par la critique.

Bien que Rossen espère que Alexandre le Grand (1956) soit un blockbuster, c'est un échec critique et public.

En 1961, Rossen co-écrit, produit et dirige L'arnaqueur. S'inspirant de sa propre expérience, il s'associe à Sidney Carroll  pour adapter le roman éponyme de Walter Tevis. L'arnaqueur est nommé à 9 Oscars et en remporte deux, celui de la meilleure photographie en noir et blanc et celui de la meilleure direction artistique en noir et blanc. L'arnaqueur est un gros succès populaire, dont on dit qu'il a remis à la mode le billard, délaissé depuis des décennies.

Rossen est déjà malade quand il entame son dernier film, Lilith, mal reçu aux États-Unis. Il perd l'envie de réaliser, semble-t-il à la suite des conflits avec Warren Beatty, la star de Lilith. Au moment de sa mort, Rossen préparait pourtant Cocoa Beach, sur un scénario écrit en 1962.

Filmographie :

1947 L'heure du crime
Avec : Dick Powell (Johnny O'Clock), Evelyn Keyes (Nancy Hobson), Lee J. Cobb (L'inspector Koch), Ellen Drew (Nelle Marchettis). 1h25.

Johnny O'Clock dirige avec Guido Marchettis une salle de jeux clandestins que fréquente une clientèle huppée. L'ancienne fiancée de Johnny vit désormais avec Guido, bien qu'elle soit toujours amoureuse de lui. Mais Johnny repousse ses avances et lorsqu'il rencontre sa soeur, Nancy, il tombe amoureux. Une hôtesse de ce petit casino illégal se suicide et la police suit de très près cette affaire. Pour ne pas simplifier les choses, l'amant de l'hôtesse est également retrouvé mort. L'inspecteur en charge de l'enquête suspecte alors Johnny et Guido...

   
1947 Sang et or
Avec : John Garfield (Charley Davis), Lilli Palmer (Peg Born), Hazel Brooks (Alice), Anne Revere (Anna Davis), William Conrad (Quinn), Joseph Pevney (Shorty Polaski). 1h44.

Charlie Davis ne voit d'autre issue pour réussir que dans la boxe. Il s'éloigne des conseils de Peg la femme qui l'aime, de ceux de sa mère, de son manager et de son ami Polaski pour s'en remettre à un organisateur peu scrupuleux...

   
1949 Les fous du roi
(All the King's Men). Avec : Broderick Crawford (Willie Stark), John Ireland (Jack Burden), Joanne Dru (Anne Stanton), John Derek (Tom Stark), Mercedes McCambridge (Sadie Burke), Shepperd Strudwick (Adam Stanton). 1h50.

L'ascension et la chute d'un politicien corrompu, qui enrichit ses amis et reste au pouvoir grâce à son attrait populiste.

   
1951 Corrida de la peur
(The Brave Bulls). Avec : Mel Ferrer (Luis Bello), Miroslava Stern (Linda de Calderon), Anthony Quinn (Raul Fuentes), Eugene Iglesias (Pepe Bello). 1h46

Dans les années 1950 au Mexique, un célèbre torero perd son sang-froid après avoir été blessé et assiste à la mort d'un autre matador dans l'arène.

   
1954 Mambo

Avec : Silvana Mangano (Giovanna Masetti), Michael Rennie (Le comte Enrico Marisoni), Vittorio Gassman (Mario Rossi), Shelley Winters (Toni Salerno), Katherine Dunham Katherine Dunham (Elle-même), Mary Clare (La comtesse Luisa Marisoni). 1h50.

Une danseuse entraîne une jolie fille dans une série de déceptions amoureuses.

   
1956 Alexandre le Grand
 

Avec : Richard Burton (Alexandre), Fredric March (Philippe de Macedoine), Claire Bloom (Barsine), Barry Jones (Aristote). 2h23.

Né en 356 av. JC, sur fond d’intense agitation politique, Alexandre le Grand suivit l’enseignement d’Aristote avant d’être désigné pour prendre la suite de son père à la tête de son peuple, et de partir à la conquête du monde.

   
1957 Une île au soleil
(Island in the Sun). Avec : Stephen Boyd (Euan Templeton), Harry Belafonte (David Boyeur), John Williams (John Blessington), James Mason (Maxwell Fleury). 1h59.

Sous l'oeil d'un gouverneur débonnaire, on observe une société séparée entre les Blancs, bouffi de petites jalousies mesquines et de grands secrets inavouables, et les Noirs, exploités par de riches planteurs. Une nouvelle Constitution vient d'être promulguée et des élections s'annoncent, auxquelles David Boyer, jeune syndicaliste Noir, envisage de se présenter en opposition à Maxwell Fleury, fleuron des planteurs. Chacun se débat dans ses propres contradictions sentimentales : Maxwell se rend coupable d'un crime par jalousie, et David renonce à aimer une jeune femme blanche pour ne pas trahir son peuple.

   
1959 Ceux de Cordura

Avec : Gary Cooper (Thomas Thorn), Rita Hayworth (Adelaide Geary), Van Heflin (Sgt. John Chawk), Tab Hunter (Lt. William Fowler). 2h03.

Au cours du conflit qui oppose l'armée américaine à Pancho Villa, le Major Thomas Thorn commet une erreur stratégique. Rétrogradé au rang d'officier, il est chargé de trouver quatre hommes pour recevoir la Médaille d'Honneur du Congrès et de les enmener à Cordura

   
1961 L'arnaqueur

(The hustler). Avec : Paul Newman (Eddie Felson), Jackie Gleason (Minnesota Fats), Piper Laurie (Sarah Packard), George C. Scott (Bert Gordon). 2h14.

Eddie Felson est un brillant joueur de billard mais également un escroc à la petite semaine qui se sert de son talent pour plumer les joueurs débutants. Il se rend à New York afin de réaliser son rêve, battre le légendaire champion Minnesota Fats. Après une nuit de combat acharné, Minnesota finit par l’emporter. Désormais fauché, Eddie n’a plus qu’une idée en tête, prendre sa revanche. Il fait la rencontre de Sarah, une étudiante alcoolique qui le suivra tout au long de son périple, et de Bert Gordon. Ce dernier accepte de devenir son coach et de lui apprendre les ficelles.

   
1961 Lilith

 

Avec : Jean Seberg (Lilith Arthur), Warren Beatty (Vincent Bruce), Peter Fonda (Stephen Evshevsky), Kim Hunter (Dr. Bea Brice). 1h54.

Un jeune psychiatre tombe amoureux d'une de ses patientes. Par un étrange phénomène, c'est lui qui va peu à peu devenir fou et provoquer diverses catastrophes.