Liebelei
1933

Le deuxième acte de L’enlèvement au sérail s’achève. Le public se tourne vers la loge impériale et, de la galerie du théâtre, Christine laisse tomber ses jumelles dans le parterre en les tendant à son amie Mizzi, manquant de peu de blesser deux jeunes officiers, Fritz Lobheimer et Theo Kaiser. Lorsque le rideau se lève sur le troisième acte, Fritz quitte discrètement l’opéra, suivi par le baron von Eggersdorf qui l’a observé depuis sa loge.

Christine, est la fille d'un humble violoniste du théâtre de Vienne et elle tombe amoureuse de Fritz Lobheimer, le jeune et bel officier de la garde impériale, que lui a fait connaître son amie Mizzie, modiste délurée qui flirte elle-même avec Theo, galant militaire qui lui a restitué les jumelles.

Fritz est sur le point de rompre avec la baronne Eggerdorff, mais le mari de cette dernière, fort jaloux, ayant été avisé de cette liaison, le provoque en duel. L'honneur commande. L'amourette s'achève tragiquement. Fritz est tué, et Christine, de désespoir, se jette par la fenêtre.

Ophuls et ses scénaristes ont considérablement modifié la pièce de Schnitzler écrite en 1895 et déjà adaptée deux fois par Holger-Madsen en 1914, puis par Jakob et Luise Fleck en 1927. Ils donnent une tonalité plus dramatique et introduise une charge anti-militariste à la pièce, histoire d’amour entre deux jeunes gens appartenant à des castes sociales différentes (la fille d’un musicien d’orchestre et un aristocrate, lieutenant de Dragons) au milieu d'une galerie de personnages secondaires au parlé populaire et coloré. Au lieu des scènes de bal et des airs de valses Ophuls impose se choix musicaux : Mozart en ouverture, avec le joyeux Enlèvement au sérail en ouverture, le déchirant Schwesterlein de Brahms pour annoncer le virage tragique et Beethoven pour le final.

L’irruption de la tragédie comme plus tard dans Lettre d'une inconnue ou Madame de se fait discrète : l’absence du deuxième coup de feu lors d’un duel seulement entendu de loin ; une fenêtre fermée derrière laquelle apparaît la tête de Christine, puis la même fenêtre ouverte sur la cage d’escalier vide, le battant oscillant encore.

Dans ses souvenirs Ophuls, se dira enchanté que des comédiens confirmés (Olga Tschechowa, Gustav Gründgens ou Paul Hörbiger) se soient contentés de seconds rôles, laissant le devant de la scène à quatre quasi débutants. Magda Schneider (Christine) et Wolfgang Liebeneiner (Fritz), empreints d’une espèce de candeur grave,et leurs partenaires plus exubérants, le volubile Willy Eichberger (Theo) et surtout Luise Ulrich, prévue au départ pour le rôle de Christine mais pétillante de verve comique dans celui de son amie modiste Mizzi Schlager.

Le film remporta un grand succès à Paris où la version allemande resta à l’affiche plusieurs mois avant qu’on ne demande à Ophuls d’en refaire une grande partie avec Magda Schneider et Wolfgang Liebeneiner (quelques gros plans de dialogues) entourés d’acteurs français. Simone Héliard (Mizzi Schlager), George Rigaud (Lieutenant Théodore Berg) et Abel Tarride (Le père de Christine) sont hélas très fades. La version française, intitulée Une histoire d'amour (1h22 au lieu de 1h28) est ainsi à proscrire mais le metteur en scène exilé put grâce à elle poursuivre sa carrière en France jusqu’en 1939.

 

Retour à la page d'accueil

Genre : Mélodrame

D'après Arthur Schnitzler. Avec : Magda Schneider (Christine Weyring), Wolfgang Liebeneiner (Fritz Lobheimer), Luise Ullrich (Mizzi Schlager), Gustaf Gründgens (Le varon v. Eggersdorff), Olga Tschechowa (La barone v. Eggersdorff), Carl Esmond (Lieutenant Theo Kaiser), Paul Hörbiger (Le père de Christine). 1h28.