The homesman

2014

Genre : Western

Cannes 2014  : Compétition officielle Avec : Tommy Lee Jones (Georges Briggs), Hilary Swank (Mary Bee Cuddy), Sonja Richter (Gro Svendsen), David Dencik (Thor Svendsen), William Fichtner (Vester Belknap), Grace Gummer (Arabella Sours), John Lithgow (Révérend Alfred Dowd), Tim Blake Nelson (Freighter Tim), Miranda Otto (Theoline Belknapp), Meryl Streep (La femme de révérend). 2h00.

1854, Territoire du Nebraska. Mary Bee est derrière la charrue que tire son cheval de trait. Le harnais se brise. Mary Bee rentre son cheval et prépare soigneusement sa toilette et la nappe de la table. Alors qu'elle puise de l'eau arrive Bob Giffin, son voisin. Femme accomplie, honnête, croyante, qui gère seule sa petite ferme, elle lui a préparé un repas qu'elle conclut en chantant et s'accompagnant d'un faux clavier brodé sur une bande de tissu. Elle propose à Bob de l'épouser mais celui-ci refuse : elle a le tempérament d'un pot de fer et est beaucoup trop autoritaire. Il a décidé de partir se chercher une femme dans l'Est.

Pourtant dans les fermes autour de la petite ville de Loup, c'est l'enfer pour certaines femmes. Arabella Sours est devenue folle en voyant ses trois enfants mourir de diphtérie. Theoline Belknapp après avoir perdu son troupeau a jeté son bébé dans les toilettes. Gro Svendsen se mutile et crie à qui veut l'entendre et surtout à son mari "Dieu te punira". Celui-ci tient absolument à avoir un enfant et Gro fait des cauchemars où elle se voit violée dans le lit que sa mère, morte pourtant, occupe encore.

Ainsi le révérend baptiste Alfred Dowd propose-t-il que l'un des hommes du village conduise les folles jusque dans l'état voisin de l'Iowa où une autre congrégation baptiste se propose de les ramener dans leur famille d'origine.

L'un des hommes étant manquant, Mary Bee prend sa place pour le tirage au sort qui la désigne pour conduire les femmes. Elle recrute au passage, pour lui prêter main-forte, George Briggs, un rustre vagabond, aventurier cynique qu'elle a sauvé in extremis de la pendaison. Elle le persuade pour 300 dollars, qu'il recevra du révérend dans l'Iowa, de s'associer à elle afin de faire face, ensemble, à la rudesse et aux dangers qui sévissent dans les vastes étendues de la Frontière.

La chariot-prison s'avance à la rencontre des trois femmes dont chacune est hantée par de terribles cauchemars. Mary Bee supporte difficilement les gémissements de Gro Svendsen. Briggs vole une peau de bison sur la sépulture d'un indien mort mais réussit plus tard à sauver le convoi de la convoitise des indiens en leur offrant Dorothy, la jument de Mary Bee.

Arabella Sours s'enfuit après s'être disputée avec Theoline Belknapp qui voulait lui voler sa poupée. Briggs la découvre sur le cheval de Freighter Tim qui veut la garder comme objet sexuel. Les deux hommes se battent et lorsque Briggs va être tué, Arabella tue son ravisseur. Au milieu de la prairie, Mary Bee découvre la tombe profanée d'une enfant de pionnier. Elle tient à l'enterrer chrétiennement et laisse Briggs et les femmes partir devant. Elle se perd et erre deux jours et deux nuits dans le froid avant de rejoindre le camp. Elle propose le mariage à Briggs qui le refuse. Au matin, il la découvre priant Dieu de façon extatique. Le soir suivant elle s'offre à Briggs et se pend au matin prise de remord. Briggs découvre de l'argent dans le sac de Mary Bee dont les 300 dollars promis. Il voudrait abandonner les trois femmes folles mais celles-ci le suivent jusque dans le fleuve. Ému par leur détresse, il franchit le fleuve avec elles. Après des jours de solitude, le convoi découvre, tel un mirage, une maison victorienne plantée au milieu de nulle part : un hôtel vide, où des aventuriers en redingote attendent l'arrivée d'investisseurs. Comme ils refusent de les recevoir et même de les nourrir, Briggs met le feu à l'hôtel où ils meurent calcinés.

Briggs arrive dans la mission de l'Iowa et remet les trois femmes à la femme du pasteur. Il dépense sans compter avant de s'apercevoir que les 300 dollars de Loup ne valent rien car la banque qui a émis ces dollars locaux a fait faillite. Il décide alors de revenir vers l'ouest. Saoul, il ne voit pas que l'épitaphe en bois qu'il destinait à la tombe de Mary Bee tombe dans l'eau du fleuve.

The Homesman est une adaptation du roman, Le chariot des damnés, publié par l'auteur américain Glendon Swarthout en 1988. L'adaptation devait être à l'origine réalisée par Paul Newman, qui avait acquis les droits du livre bien avant sa sortie en librairie accompagnée de deux prix littéraires. C'est la septième fois qu'un roman de l'écrivain est porté à l'écran, après La mission du Capitaine Benson (Joseph H. Lewis, 1956), Ceux de Cordura (Robert Rossen, 1959), Ces folles de filles d'Ève (Henry Levin, 1960), Bless the beasts and children (Stanley Kramer, 1971), Le dernier des géants (Don Siegel, 1976) et A Christmas to Remember (George Englund, 1978). Tommy Lee Jones, qui a toujours plusieurs projets en cours, s'est soudain trouvé dans la position de le jouer et le réaliser. Il lui a donné pour titre un mot valise, homesman, dont la moins mauvaise traduction est sans doute "Le rapatrieur".

La folie comme toile de fond

On ne doute pas de la volonté sincère du romancier et du réalisateur de se pencher sur le cas de ces femmes venus de l'Est et confrontées à une situation qui les mené à la folie. Leur représentation est néanmoins non progressive et très caricaturale : automutilation soudaine, blasphèmes et regards extatiques ou catatoniques. Aucune évolution dans leur comportement ne sera réalisée. On exceptera quand même la belle scène où les trois femmes se mettent à suivre Briggs dans le fleuve. Qui plus est, elles sont abandonnées à leur sort dans la mission sans que l'on s'intéresse à leur retour dans la famille. La folie de Mary Bee est tout aussi simpliste; maniaque des choses bien faites et de son caractère autoritaire elle ne trouve pas d'homme à épouser et se réfugie dans la croyance en Dieu. Quand ceci est ébranlée par la tombe de nouveau profanée au milieu de la pleine, elle perd soudain toute raison se met à prier Dieu et lui offrir son clavier brodé tout en s'offrant à Briggs; prise de remord, elle se tue.

Le bon vieux cow-boy solitaire

Le scénario et la réalisation sont aussi ultra conventionnels, couple disparate de la femme forte et de l'aventurier cynique, beau découpage alternant les échelles de plans pour magnifier les grandes plaines sans arbres du Nebraska. Briggs s'en va de nouveau vers l'ouest et l'épitaphe gravée sur le bois qu'il destinait à Mary Bee disparait dans l'eau du fleuve comme elle avait disparu de la fiction bien trop tôt. La première apparition en caleçon long et visage noir de suie de Briggs ne doit pas faire illusion, c'est lui le héros d'un film gentiment désabusé sur l'ouest : était-ce utile ?

Jean-Luc Lacuve le 25/05/2014