(1934-2023)
22 films
   
 
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Otar Iosseliani est né à Tbilissi, en Géorgie, le 2 avril 1934. Il étudie le piano, la composition et la direction d’orchestre avant de suivre, de 1953 à 1955, des cours de mathématiques et de mécanique à l’Université de Moscou. Puis il entre au V.G.I.K., la prestigieuse école de cinéma soviétique, où ses maîtres sont Alexandre Dovjenko et Mikhaïl Tchiaoureli. Il y réalise des documentaires et, comme travail de fin d’études, Avril, moyen métrage d’une cinquantaine de minutes.

Les héros de ce premier essai sont des jeunes mariés qui semblent d’abord se contenter d’amour et d’eau fraîche dans leur appartement vide. Mais à mesure qu’ils remplissent celui-ci de meubles et d’équipements ménagers, leur bonheur se dégrade jusqu’à la première dispute. La bande-son enregistre les moindres bruits du quotidien, contrepoint sonore à des gags purement visuels qui rappellent le comique de Jacques Tati. S’il critique la société de consommation, Avril met aussi en scène des personnages rien moins que positifs ce qui, à l’aune du réalisme socialiste, est jugé intolérable par les autorités du cinéma, qui interdiront le film jusqu’en 1974.

Déçu au point de songer à abandonner le cinéma, Iosseliani y revient quand même avec La fonte, documentaire dont l’historien Georges Sadoul salue le ton personnel et neuf « parce qu’il met l’accent moins sur les forges de Vulcain que sur les hommes qui y travaillent ». Mais le cinéaste n’en a pas fini avec les censeurs. Son premier long métrage, La chute des feuilles, chronique nonchalante de la vie en Géorgie au temps des vendanges, est à nouveau contesté (et « retenu » jusqu’en 1968) parce qu’il révèle, avec humour, l’existence de trafiquants, le peu d’entrain des travailleurs à accomplir leur tâche et le ridicule des touristes « étrangers » – des Russes – en visite guidée dans les chais.

Plaidoyer en faveur d’une culture menacée, L’ancienne chanson géorgienne ne fut pratiquement jamais montré. Il était une fois un merle chanteur, tourné en 1970, ne sera « libéré » qu’en 1974 et présenté à Cannes par la Quinzaine des Réalisateurs. Son « merle chanteur », un percussionniste, est un doux rêveur, insaisissable, toujours ailleurs. Et le film le suit avec sympathie, flâneur et insolent comme lui. Quant à Pastorale, il ne sortira d’U.R.S.S. qu’en 1982, au Festival de Berlin où il obtient le Prix de la critique internationale. Parabole sur le rôle émancipateur de l’Art – quatre musiciens bouleversent le quotidien d’un village géorgien – ce film sans véritables ressorts dramatiques servit de prétexte aux responsables du cinéma soviétique pour éloigner, à sa demande, un artiste décidément irrécupérable.

C’est donc en Europe de l’Ouest et particulièrement en France qu’Otar Iosseliani poursuit, depuis 1982, une œuvre atypique qui connaît une faveur et une audience croissantes. En effet, presque tous ses films réalisés depuis cette date ont reçu les plus hautes récompenses. Ainsi Les favoris de la lune – fable sur l’appétit de possession qui mène la danse des destinées humaines –, Et la lumière fut – conte écologique tourné au cœur du Sénégal – et Brigands, chapitre VII – comédie noire sur l’écrasement de la Géorgie par le pouvoir communiste – ont obtenu le Grand Prix du jury au Festival de Venise.

La chasse aux papillons, Grand Prix de l’Académie des arts de Berlin, déplore en demi-teintes la disparition d’un monde traditionnel et convivial au profit d’une société mercantile où fraternité et solidarité ne sont que mots vides de sens. Adieu, plancher des vaches !, enfin, présenté hors compétition à Cannes, prix Louis-Delluc, est un poème en images où se télescopent dans un apparent désordre des personnages farfelus qui expriment avec humour la révolte de tous ceux qui rêvent de fuir le « plancher des vaches » du monde contemporain.

Il est mort à 89 ans, le 17 décembre 2023.

FILMOGRAPHIE:

1958

Aquarelle
  Akvarel
   
1959 La chanson des fleurs perdues
  (Sapovnela). C. M.
   
1961 Avril
 

(Aprili). 0h50.

Un joli arbre abrite les amoureux. On le coupe, on fabrique des meubles. Les meubles encombrent la maison, le jeune couple passe son temps a les ranger, les nettoyer, etc. A la fin, ils se retrouvent tristes devant une souche qui n'est plus un arbre.

   
1964 La fonte
  Tudzhi
   
1966 La chute des feuilles
 

(Giorgobistve). Avec : Ramaz Giorgobiani (Nico), Gogi Kharabadze (Otari), Marina Kartsivadze (Marine).

Niko, jeune homme vivant à Tbilissi, fait ses débuts professionnels en tant que cadre dans une usine vinicole. Il se prend aussitôt d’amitié pour des ouvriers plus âgés que lui et ne parvient pas à leur donner les ordres propres à son rang...

   
1969 L'ancienne chanson georgienne
  Dzveli qartuli simgera
   
1970 Il était une fois un merle chanteur
  (Iko shashvi mgalobeli). Avec : Gela Kandelaki (Gia Agladze), Gogi Chkheidze.
   
1975 Pastorale
  Pastorali
   

1982

Lettre d'un cinéaste (TV)
   
   
1983 Sept pièces pour cinéma noir et blanc
   
   
1983 Euzkadi été 1982 (TV)
   
   
1984 Les favoris de la lune
Avec : Katja Rupé (Claire), Alix de Montaigu (Delphine Laplace), François Michel (Philippe), Jean-Pierre Beauviala (Colas), Pascal Aubier (Monsieur Laplace), Christiane Bailly (Agnès), Bernard Eisenschitz (Gustave), Hans Peter Cloos (Monsieur Duphour-Paquet), Maïté Nahyr (Madeleine Duphour-Paquet), Mathieu Amalric (Julien), László Szabó (terroriste), Yannick Carpentier (policier). 1h45.
   
1988 Un petit monastère en Toscane
   
   
1989 Et la lumière fut
Avec : Sigalon Sagna (Badinia), Saly Badji (Okonoro), Binta Cissé (Mzezve), Marie-Christine Dieme (Lazra), Fatou Seydi (Kotoko). 1h45.

Un village africain, au coeur de la forêt. La communauté vit dans une relative harmonie, malgré les chamailleries. Une menace pèse pourtant: les engins des forestiers passent et repassent, les arbres sont abattus. Les hommes lavent le linge dans un marigot. Les femmes, amazones mamelues, pratiquent la chasse à l'arc...

   
1992 La chasse aux papillons
Avec : Narda Blanchet (Solange, cousine de Marie-Agnes), Pierette Pompom Bailhache (Valerie, gouvernante), Aleksandr Cherkasov (Henri de Lampadere, voisin), Thamara Tarassachvili (Marie-Agnes de Bayonette), Alexandra Liebermann (Helene, soeur deMarie-Agnes), Lilia Ollivier (Olga, fille de Helene), Emmanuel de Chauvigny (le père André). 1h55.
   
1994 Seule, Georgie
   
   
1996 Brigands, chapitre VII
Avec : Amiran Amiranashvili (Vano), Davit Gogibedashvili (Sandro), Gio Tsintsadze (Spiridon), Nino Ordjonikidze (Eka), Aleqsi Jakeli (Victor), Niko Kartsivadze (Cola), Keli Kapanadze (Lia) .2h09.
   

1999

Adieu, plancher des vaches !
Avec : Nico Tarielashvili (le fils), Lily Lavina (la mère), Philippe Bas (le motar), Stephanie Hainque (La fille du bar). 1h58.

Nicolas, 19 ans, fils aîné d’une riche famille dirigée par la mère, redoutable femme d’affaires, passe ses journées dans la grande ville voisine. Loin de son milieu d’origine, il est laveur de carreaux, plongeur dans un bistrot. Il est, malgré son âge, déjà un bon buveur, comme son père qui semble n’avoir dans la famille d’autre fonction que celle de géniteur. Ses copains sont voyous, SDF, ou de petites gens du quartier. Les filles sont souvent belles. Dommage qu’elles ne s’intéressent jamais à celui qui pourrait les aimer...

   
2002 Lundi matin
Avec : Jacques Bidou (Vincent), Anne Kravz-Tarnavsky (La femme de Vincent), Narda Blanchet (La mère de Vincent). 2h00.

Vincent, ouvrier dans un complexe pétrochimique de la vallée du Rhône, habite avec sa mère, sa femme et ses deux fils dans une vieille maison, au cœur d’un petit village, quelque peu hors du temps. Son fils aîné, passionné de chimie, peint des fresques dans l’église locale et s’adonne au parapente avec sa petite amie...

   
2006 Jardins en automne

Avec : Séverin Blanchet (Vincent, le ministre), Otar Iosseliani (Arnaud), Lily Lavina (Mathilde, la rousse), Denis Lambert (Gégé). 1h55.

Tout va bien pour Vincent. Il est un ministre influant et épicurien, installé dans de beaux appartements, et accompagné par Odile, sa maîtresse fantasque et copieusement dépensière. Mais le vent tourne, il est viré de son haut poste et du coup largué par sa vénale compagne.
   
2010 Chantrapas
Avec : David Tarielashvili (Nicolas), Tamuna Karumidze (Barbara), Fanny Gonin (Fanny), Givi Sarchimelidze (Grand-père). 2h02.

Nicolas est un cinéaste qui ne demande qu'à pouvoir s’exprimer, et que tous voudraient réduire au silence. A ses débuts en Géorgie les "idéologues" espèrent le faire taire. Face à leur détermination, Nicolas quitte son pays d’origine pour la France.

   
2015  
Avec : Rufus (Le concierge), Amiran Amiranashvili (L'anthropologue), Mathias Jung (Le préfet), Enrico Ghezzi (Le baron). 1h57.

Certaines ressemblances sont troublantes. Ainsi celle de ce vicomte guillotiné, pipe au bec, pendant la terreur, d'un aumônier militaire au torse tatoué comme un truand et baptisant à la chaîne des militaires, pilleurs et violeurs, avec un clochard parisien réduit à l'état de planche par un rouleau compresseur et finalement d'un concierge lettré - mais aussi trafiquant d'armes - d'un gros immeuble. Presque tous les personnages du film se croisent dans cet immeuble, sauf bien sûr les sans-abri que les flics transbahutent d'un lieu à l'autre sans ménagement. Et pourtant au milieu de tout ce chaos, il y a des espaces de rêve, des histoires d'amour, de solides amitiés qui peut-être nous permettent d'espérer que demain sera mieux qu'aujourd'hui.