Bonaparte enfant, à l'école de Brienne, on le suit depuis le Club des Cordeliers où il rencontre Danton et Rouget de l'Isle jusqu'en Corse d'où il s'enfuit pourchassé par les paolistes. Le siège de Toulon; les journées de Thermidor et de Vendémiaire durant lesquelles, grâce à l'intervention de Barras, il devient général d'infanterie; le mariage avec Joséphine de Beauharnais; enfin, la ruée victorieuse de l'armée d'Italie, galvanisée par son chef.
Le scénario initial prévoyait huit parties : la jeunesse de Bonaparte, Bonaparte et la Terreur la campagne d'Italie, d'Arcole à Marengo, d'Austerlitz aux Cent Jours, Waterloo, Sainte Hélène. Seules, les trois premières furent à peu près menées à bien.
Malgré les énormes moyens qui furent mis à sa disposition (plus de cent mille mètres de pellicule enregistrée, un millier de figurants, coût global : dix-neuf millions de Francs. de l'époque), le projet initial de Gance (qui eut nécessité huit heures de projection) s'avéra irréalisable. Le tournage commença dans l'enthousiasme, voire le délire : on plaça des caméras sur le dos de chevaux au galop, on surimpressionna jusqu'à seize images l'une sur l'autre et après les prises de vues on ramassait de véritables blessés sur le terrain ! Gance imagina de tourner certaines séquences en "polyvision", (trois caméras enregistrant images distinctes ou combinées, destinées à être projetées sur trois écrans assemblés), afin de donner à l'ensemble le ton de l'épopée. Le système du triple écran ne put jamais être commercialisé de manière satisfaisante. Par la suite, en réutilisant les séquences originales muettes qu'on sonorisa et en tournant des plans parlants, Gance réalisa plusieurs moutures, en 1935 (Napoléon Bonaparte), 1942, 1955 et 1971 (cette dernière avec l'aide financière de Claude Lelouch, sous le titre Bonaparte et la révolution). La version originale fut reconstituée par K. Brownlow et projetée en 1979.
Une septième version fut projeté les 8 et 9 mai 2001 au Forum
Grimaldi dans le cadre du Printemps des Arts Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
dirigé par Laurent Petitgirard avec Jean-François Zygel au piano
et Thierry Escaïch à lorgue.
Cette nouvelle version a tout dune création, non seulement en
raison de sa longueur (6 heures contre 5 lors de la dernière restauration
qui date de 1990) mais aussi pour le travail réalisé par Marius
Constant à partir des uvres dArthur Honegger (notamment
la musique composée spécifiquement pour le film).
Six heures, cétait un record même si lépoque
était au gigantisme : en 1916, Griffith avait montré la voie
avec Intolérance et, du côté du théâtre,
Claudel osait écrire en 1924 un Soulier de satin de près
de 12 heures.
La force de ce Napoléon ne tient pas tant dans les avancées techniques dAbel Gance, dans les procédés rhétoriques de la caméra subjective ou dans la tentative désespérée de saffranchir du cadre avec ce que cela suppose de folie et de relative perversion. Non, c'est plus simplement tout cet ensemble en phase avec le jeu excessif des acteurs qui donnent une dimension épique à cette oeuvre.