Le cri du hibou

1987

Genre : Film noir

D'après le roman de Patricia Highsmith. Avec : Christophe Malavoy (Robert), Mathilda May (Juliette), Jacques Penot (Patrick), Jean-Pierre Kalfon (le commissaire), Virginie Thévenet (Véronique), Patrice Kerbrat (Marcello). 1h42.

A la nuit tombée, un homme, caché, observe une jeune femme dans sa maison. Robert, fasciné par la beauté de Juliette, se présente un jour à elle. Fragile et naïve, elle tombe vite amoureuse de ce dessinateur industriel parisien venu s'installer à Vichy et qui est en instance de divorce. Robert se sait instable et tente de dissuader Juliette de l'aimer. Mais elle s'entête dans ce sens, ce qui n'est pas du tout du goût de son fiancé, Patrick. Afin d'en savoir plus, il contacte Véronique, l'ex-épouse de Robert, laquelle lui déclare que ce dernier est un déséquilibré qui mérite une bonne correction. Violent, Patrick provoque Robert, lequel, dans la bagarre, prend le dessus et le laisse sonné.

Mais Patrick disparaît. Bien qu'ayant prévenu la police, Robert est bientôt soupçonné de meurtre. Ses amis, son voisinage se laissent aller à écouter la rumeur. Robert, certain qu'il s'agit d'une machination montée contre lui, ne peut en apporter la preuve. Même Juliette finit par être convaincue de sa culpabilité. Son amour pour lui et ses soupçons ont raison de son fragile équilibre ; elle se suicide. La suspicion à l'égard de Robert est totale ; outre la disparition de Patrick, on le rend responsable du suicide de Juliette.

Mais c'est en fait Véronique qui détient la clé de l'énigme. Elle entretient Patrick dans le seul plaisir de persécuter Robert. Patrick envoie des lettres anonymes et vient menacer sa victime -, Robert est blessé au bras par une balle de fusil. L'accident survenu au médecin venu le soigner n'écarte pas les soupçons qui pèsent sur lui; mais les aveux surprises de Patrick à la police l'innocentent enfin.

En liberté provisoire, Patrick revient voir Véronique, sa maîtresse. Toujours par jeu de la persécution, ils décident de se rendre chez Robert. Dans sa maison, sous ses yeux, Véronique et Patrick se querellent, un couteau à la main, Dans la bataille, Patrick est assommé et Véronique se coupe la gorge accidentellement. Robert tend la main vers le couteau ensanglanté...

Retour à l'inspiration hitchcockienne de Chabrol via l'adaptation d'un roman de Patricia Highsmith. Le thème hitchcockien du faux coupable avec une machination ourdie par une ex-femme qui le déclare instable, violent et fragile psychologiquement se transforme en drame noir. Le cri du hibou est un cri de désespoir poussé au fond de la nuit.

Robert se croyait observateur détaché de la situation et se retrouve pris dans une toile d'araignée. Cette métaphore de la toile d'araignée est énoncée dans la cafétéria ou le commissaire vient le trouver. La séquence alterne plan en plongée et travellings semi-circulaires autour de la table où leur conversation est épiée.

Le médecin chez lequel Robert trouve refuge se fera aussi l'écho de cette absurdité de volonté de maîtrise. Il préfère les dames aux échecs "car les échecs sont trop complexes, dit-il. On perd l'illusion de pouvoir dominer le jeu". Après avoir donné l'impression de très mal jouer, il prendra huit pions d'un coup et gagnera. Mais cette victoire n'aura aucune saveur. Il avouera n'en plus goûter aucune depuis le décès de sa femme. C'est d'ailleurs la mort que lui apportera indirectement Robert dans la séquence suivante.

Cette échappée de la maîtrise vers la folie est présente dès le pré-générique avec Robert observant Juliette, dès le générique qui cadre d'abord la règle-équerre avant d'inscrire le nom du metteur en scène sur fond d'azur et lors de la séquence finale... où la maîtrise pourrait consister à endosser le meurtre.

Ce film, l'un des plus désespéré de Chabrol est bien sur empli de réflexions humoristiques sur la télévision, les pâtisseries sous cellophane et de références culturelles ironiques : la madeleine et la mémoire, la peinture abstraite au couteau et un méchant qui s'appelle Patrick Soulages du nom du peintre de la couleur noire et au prénom permettant cette adresse de Robert à Juliette : "Avec vous Tous les garçons s'appellent Patrick".

Jean-Luc Lacuve le 27/06/2009