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Attache-moi

1990

(Atame !). Avec : Victoria Abril (Marina), Antonio Banderas (Ricki), Francisco Rabal (Maximo Espejo, le cinéaste), Loles Leon (Lola), Julieta Serrano (Alma), Rossy De Palma (fille en scooter). 1h50.

Jugé guéri et responsable, Ricki sort d'un centre psychiatrique, ce qui attriste la directrice, femme mûre qui appréciait ses talents multiples. Le jeune homme n'a plus qu'une idée : rester "normal", aimer une femme, fonder un foyer, travailler. Se souvenant de son aventure, un an auparavant, lors d'une fugue, avec Marina Osorio, star du porno quelque peu "junkie", il se rend sur le plateau madrilène où elle tourne sous la direction de Maximo Espejo, cinéaste vieillissant et amoureux fou d'elle, même si le fauteuil roulant sur lequel il est cloué réduit considérablement sa marge de manoeuvres.

Ricki suit Marina et pénètre chez elle de force. Certes, elle n'a pas froid aux yeux mais elle prend peur devant son ton exalté et sa violence. " Je vais te séquestrer pour te donner l'opportunité de me connaître à fond. Je suis sur que tu m'aimeras comme je t'aime ! ", lui dit-il. Alors qu'on fête la fin du tournage, Lola, assistante d'Espejo et soeur de Marina, s'inquiète de l'absence de cette dernière. L'actrice tente d'amadouer son visiteur, l'entraîne chez une amie médecin pour obtenir un remontant. Ricki part en quête du médicament après avoir solidement ficelé Marina sur le lit.

Quand elle lui dit : "Je ne t'aimerai jamais ! ", il éclate en sanglots et rétorque : "Ne pense pas qu'à toi ! " Elle est bien obligée de reconnaître alors qu'elle trouve l'homme qui l'attache attachant. Elle devient presque tendre avec lui et l'écoute évoquer leur avenir. Tant et si bien qu'ils font l'amour et que c'est elle qui finit par lui dire : "Attache-moi ! " quand il sort voler une voiture pour l'emmener au village de son enfance. Mais Lola découvre Marina ligotée, qui lui raconte son aventure. en omettant quelques détails.

Dans son village natal, Ricki voit arriver les deux soeurs. N'étant pas parvenue à raisonner Marina, Lola a entrepris une enquête de moralité sur Ricki, dont il sort vainqueur. Elle lui confie sa jeune soeur à qui cette perspective de bonheur fait venir les larmes aux yeux.

Attache-moi est probablement le film le plus lumineux, positif et joyeux de Alomodovar. Comme La loi du désir trois ans plus tôt, il se passe dans le milieu du cinéma et la trame narrative n'est pas très éloignée : étranger au monde du cinéma, Antonio Banderas parvient cependant ici à forcer l'amour de l'être aimé.

Beaucoup plus noir, La loi du désir était marqué par un certain dégoût du cinéma (séance de doublage, lassitude de la pornographie, titres grotesques des films tournés par le réalisateur) et ne comportait aucune citation ; ce dont ne se prive pas Almodovar ici :

"Dans Attache-moi, j'ai intégré dans le décor l'affiche de L'invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel (1956), un film que j'aime beaucoup parce que, pour moi, ces Body Snatchers étaient en quelque sorte une métaphore de l'héroïne, quelque chose qui vous vole votre corps." (1 )

Le court extrait de La nuit des morts vivants (George Romero, 1968), que regarde Marina Osorio à la télévision la dernière fois que Ricki l'attache sur son lit, joue un rôle aussi métaphorique que celui que vient de décrire Almodovar. Le sens en est seulement un peu plus positif : l'actrice était une morte vivante avant que Ricki ne la force à l'aimer.

Dans Attache-moi, même la musique est référentielle et ludique. Composée par Ennio Morricone, elle singe celle de Bernard Hermann dans les films d'Hitchcock lorsque Ricki s'apprête à pénétrer en force dans l'appartement de Marina Osorio et dans les autres moments de suspens du film.

 

(1) Pedro Almodovar, Conversations avec Frédéric Strauss, éditions Cahiers du Cinéma, 1994