Alice

1990

Voir : Photogrammes

Avec : Mia Farrow (Alice), Joe Mantegna (Joe Ruffalo), William Hurt (Doug), Keye Luke (Dr. Yang), Alec Baldwin (Ed), Robin Bartlett (Nina), June Squibb (Hilda), Marceline Hugot (Monica), Dylan O'Sullivan Farrow (Kate), Matt Williamson (Dennis). 1h49.

Depuis son mariage avec le jeune, riche et séduisant Doug Tate, Alice a abdiqué toute ambition personnelle. Pendant seize ans, elle s'est efforcée d'être une épouse irréprochable, une mère attentive et une parfaite hôtesse. Le reste du temps, elle fait des emplettes dans les magasins chics de Manhattan et fréquente les instituts de beauté, où elle retrouve ses amies oisives, fortunées et cancanières.

Mais cette existence dorée la laisse curieusement insatisfaite, en témoigne un persistant mal de dos pour lequel elle consulte à Chinatown le mystérieux docteur Yang. Celui-ci lui prescrit des potions qui ont sur elle des effets surprenants. Oubliant sa timidité, elle fait des avances à Joe Ruffalo, un saxophoniste divorcé dont la fillette fréquente la même école que ses enfants. Elle devient invisible, converse avec ses parents disparus et survole les gratte-ciel en compagnie du fantôme d'Ad, son premier flirt, mort dans un accident de voiture.

Ces expériences, peu à peu, la libèrent et lui donnent confiance en elle. Elle se réconcilie avec sa soeur Dorothy, qui méprisait son mode vie bourgeois; malgré le scepticisme de sa copine Nancy, qui fait une brillante carrière de productrice à la télévision, elle prend des cours de littérature afin d'écrire un scénario; enfin, par un après-midi de pluie, elle cède à Joe. Tous deux prennent les herbes du docteur Yang et, invisibles, se promènent sur Madison avenue. Jane et Nina révèlent alors involontairement l'infidélité du mari tandis que Joe, parvenu dans la 99e rue chez le psychanalyste de sa femme, Vicki, découvre avec émotion qu'elle tient toujours à lui et rompt avec Alice qui a découvert que son mari la trompe depuis des années

Yang donne alors à Alice un philtre d'amour qui lui permettra de s'attacher définitivement l'homme de son choix. La jeune femme renonce à l'employer sur son mari comme sur son amant. Dans un rêve, suivant l'exemple de son idole, Mère Thérésa, elle décide de se consacrer à des bonnes oeuvres dans les quartiers défavorisés de New York. Le fera-t-elle ?

Yang fait comprendre à Alice les faux semblants de sa vie, ceux à l'image du roman d'Edna St Vincent Millay qu'elle lit et provoque sa rencontre avec Joe. Elle aimerait donner rendez-vous à celui-ci devant l'enclos aux pingouins car eux, dit-elle, s'accouplent pour la vie. Là encore Yang se moquera d'elle : "Vous croyez que les pingouins sont catholiques ? ". L'amour n'est pas rationnel : c'est l'origine de son romantisme mais aussi du fait qu'il soit source de souffrance.

Lorsqu'elle m'embrasse Doug, Alice retrouve l'angoisse de l'amour, connu avec Ed mais jamais avec son mari qui lui apporta la sécurité. Pour lui, elle essaie d'être belle pour que son bon goût soit reconnu et court ainsi les magasins, les pédicures. Elle voudrait faire quelque chose de sa vie avant qu'il ne soit trop tard mais elle à toujours renoncé à la faire. "Qu'est ce qui a foiré Dorothy ? On était si proche" demande-t-elle à sa sœur. Elle avait jusqu'ici vécue dans l'admiration de ses parents, aimé la musique et les rituels catholiques. Elle se souvenait que son père coupait le gâteau d'anniversaire avec un sabre mais oublia que sa mère était alcoolique, si charmante mais si mal avisée.

Elle avait ainsi préféré l'illusion du bonheur à l'effrayant sentiment de liberté. Ce sera de nouveau le choix d'Alice après un parcourt initiatique proposé par Yang. Les herbes pour libérer la parole, pour être invisible, pour faire revenir les fantômes, pour se souvenir du passé, pour provoquer l'amour par magie. Alice partira-t-elle ? Rien n'est moins sur. La fin est un faux happy-end. Alice rêve qu'elle prend l'avion et que ses amies disent d'elle qu'elle est partie en Inde, a merveilleusement élevé ses enfants et fait du bénévolat. C'est le rêve d'Alice qui reste dans sa cuisine avec une décision à prendre.

Jean-Luc Lacuve, le 20/04/2013
Retour