The Truman show

1998

Avec : Jim Carrey (Truman Burbank), Laura Linney (Meryl / Hanna Gill), Ed Harris (Christof), Noah Emmerich (Marlon / Louis Coltrane), Natascha McElhone (Lauren Garland / Sylvia), Holland Taylor (Angela Burbank, la mère de Truman), Brian Delate (Kirk Burbank, le père de Truman). 1h43.

Truman Burbank est le héros du Truman Show depuis qu'il est né et que le studio l'a officiellement adopté. Truman Show est une émission de télé-réalité filmée 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 par plus de 5 000 caméras cachées. Christof, le créateur et producteur exécutif de l'émission, cherche à saisir les émotions authentiques du héros.

La ville natale de Truman se situe sur l'île de Seahaven. Il s'agit d'un décor intégral construit sous un énorme dôme, peuplé de membres de l'équipe et d'acteurs dont les placements de produits génèrent des revenus pour l'émission. Ce décor élaboré permet à Christof de surveiller et contrôler presque tous les aspects de la vie de Truman, y compris la météo.

Jour 10 909. Truman approche de ses trente ans. devant sa vitre de salle de bain s'imagine gravissant une montagne au risque d'y laisser la vie. Sa femme Meryl l'interrompt avant qu'il ne delire trop avant. En sortant pour aller au travail, Truman s'inquiète d'un projecteur tombé du ciel. Heureusement la radio annonce qu'un avion a dû se délester d'un chargement sans faire de blessés. En arrivant au travail, il rêve de partir aux Fidji, le point le plus éloigné sur le globe. Mais son patron l'incite à décrocher un contrat sur une île voisine. Pris d'une terrible phobie, il ne peut prendre le bateau.Le soir avec son ami; auquel il confie son rêve de voyage , il se souvient aussi de la mort de son père qu'il se reproche d'avoir causé. En effet, pour empêcher Truman de découvrir la vérité, Christof fabrique des scénarios qui dissuadent le désir d'exploration de Truman, comme la fausse mort de son père dans une tempête marine pour lui transmettre une phobie de l'eau, la diffusion constante dans les médias et par le biais de la publicité de messages sur les dangers du voyage et les vertus d'une vie locale et casanière. Son ami Marlon l'encourage aussi à rester tranquille. Truman est de nouveau inquiété par une averse de pluie qui ne tombe que sur lui,le suit avant d'être englobée dans une averse plus vaste. Il rentre chez lui avec la furieuse envie de partir. Mais Meryl lui propose plutôt un enfant comme aventure et d'aller se coucher. Les spectateurs se plaignent de ne jamais rien voir des ébats sexuels, juste des rideaux qui bougent.

Le matin, Truman voit son père habillé comme un sans-abris qui le regarde. Mais avant qu'il ai pu le questionner, il est embarqué par deux passants qui le font monter de force dans un bus sans que Truman, courant après, ne puisse le rattraper. Il vient interroger sa mère mais celle-ci veut lui faire admettre une hallucination ou une méprise et le renvoie à sa culpabilité potentielle d'avoir entraîné son père à naviguer un jour d'orage.

Christof ne peut pas prédire toutes les actions de Truman : il prévoyait de le faire tomber amoureux de Meryl pendant ses années d'université et d'en faire son épouse. Meryl devient bien l'épouse de Truman mais il n'en tombe pas moins amoureux de Sylvia, une figurante.

Sylvia est rapidement retirée de la série avant qu'elle ne puisse en révéler la nature à Truman, mais il continue à se souvenir d'elle et rêve secrètement d'une vie à ses côtés, en dehors de son mariage avec Meryl. À cette fin, il cherche à se rendre aux Fidji, où on lui a dit que la famille de Sylvia avait déménagé. Dans le monde réel, Sylvia fait partie de « Free Truman », un groupe d'activistes qui cherche à faire annuler la série et libérer Truman.

Truman continue de découvrir des éléments inhabituels et dissonants, comme une chaîne de radio qui décrit précisément ses faits et gestes et est en réalité le canal de communication de la production. Truman commence à s'interroger sur sa vie et se rend compte que la ville tourne en quelque sorte autour de lui. Le stress de Meryl, qui tente de maintenir la mascarade face au scepticisme et à l'hostilité croissants de Truman, entraîne la détérioration de leur mariage.

Un jour, Truman prend Meryl par surprise en partant pour un road trip improvisé, mais des urgences et événements de plus en plus invraisemblables leur barrent la route. Au cours d'une dispute déclenchée par la tentative de Meryl de glisser de la publicité pour un produit, Truman détermine que Meryl fait partie de la conspiration et la tient sous la menace d'un couteau, et elle est retirée de l'émission. Dans l'espoir de ramener Truman dans la fiction qu'il veut maintenir, Christof réintroduit le père de Truman dans l'émission, prétextant qu'il aurait perdu la mémoire après son accident de bateau. Après cet événement acclamé par les téléspectateurs, Christof dévoile les coulisses de son émission dans une interview en direct, tout en abordant les thèmes qui seront prochainement développés dans la série. Alors que ce coup de théâtre permet à la série de regagner la tête des audiences et que Truman semble retrouver sa routine, un nouveau chapitre commence durant lequel une ravissante nouvelle collègue est présentée à Truman. Une nuit, alors qu'il est censé dormir dans la cave, Truman disparaît secrètement par un tunnel creusé dans son sous-sol, obligeant Christof à suspendre temporairement l'émission pour la première fois de son histoire. Les téléspectateurs du monde entier sont captivés par cet événement inattendu.

Christof ordonne une recherche de Truman à travers toute la ville et brise le cycle jour-nuit de la production pour optimiser la recherche. Christof découvre que Truman, surmontant sa peur de l'eau, s'éloigne de Seahaven sur un petit bateau. La transmission de l'émission est reprise et, ne pouvant pas aller chercher Truman par bateau, Christof lance une violente tempête dans le but de faire chavirer le bateau de Truman. Après avoir failli noyer Truman sans réussir à briser sa détermination, Christof met fin à la tempête et Truman continue à naviguer jusqu'à ce que son bateau heurte le ciel peint sur la paroi du dôme.

D'abord horrifié, Truman découvre à proximité un escalier menant à une porte de sortie. Alors que Truman envisage de quitter son monde, Christof s'adresse directement à lui par le biais de haut-parleurs et tente de le persuader de rester, affirmant qu'il n'y a pas plus de vérité dans le monde extérieur que dans celui qu'il a toujours connu, dans lequel il n'a rien à craindre.

Après un moment de réflexion, Truman prononce sa célèbre phrase d'accroche : « Au cas où on ne se reverrait pas d'ici là, je vous souhaite une bonne soirée et une excellente nuit », s'incline devant son public et sort. Les téléspectateurs célèbrent son évasion et Sylvia se précipite pour le voir. Les superviseurs de Christof terminent finalement l'émission sur un plan de la porte de sortie ouverte, laissant Christof pleurer sur son échec à faire perdurer l'émission.

 

Truman Burbank a toujours vécu dans la charmante bourgade de Seahaven, sur une île à quelques encablures du continent américain. C'est là qu'il a passé son enfance avec son meilleur ami Marlon, qu'il s'est marié avec Meryl, infirmière dans l'hôpital local, qu'il a trouvé un emploi stable et qu'il croise chaque matin ses voisins et amis, au comportement aussi prévisible que le sien.

D'ailleurs, voudrait-il quitter l'île qu'il ne le pourrait pas, car il est obsédé par le souvenir de son père, noyé sous ses yeux lors d'une sortie en voilier. Cela ne l'empêche pas d'abriter un rêve secret : avoir un beau matin le courage de se rendre sur le continent et revoir la belle Lauren, qui disait s'appeler Sylvia et le supplia jadis de s'échapper de sa "prison", juste avant de disparaître brutalement de son univers.

Or, depuis quelque temps, Truman constate des anomalies dans son environnement : un projecteur, venu d'on ne sait où, s'écrase soudain à ses pieds, le ciel toujours bleu est parfois obscurci d'une averse réservée à lui seul, un clochard ressemblant à son père tente de le contacter avant d'être enlevé sous ses yeux par des passants. Toutes ses tentatives pour quitter Seahaven échouent à cause de mystérieux obstacles ou contretemps. Il est bientôt convaincu d'être en permanence observé. Et ce n'est pas une illusion. En vérité, Truman a été adopté à sa naissance par une grande chaîne de télévision et il est à son insu la vedette du Truman Show, un feuilleton diffusé depuis trente ans, 24 heures sur 24, à la grande satisfaction de plus d'un milliard et demi de téléspectateurs à travers le monde. Seahaven est en fait une bulle, un décor de studio, et tous les événements de la vie de Truman sont décidés et organisés en régie par le tout-puissant producteur Christof.

Dans le monde extérieur, certains, comme Sylvia, s'efforcent de mettre un terme à cette situation inhumaine. La décision vient finalement de Truman qui, un jour, entreprend de dominer sa phobie et de traverser l'océan. Furieux de voir sa créature lui échapper, Christof déchaîne une tempête. Sous les yeux des spectateurs atterrés, Truman est sur le point de se noyer. Pourtant, il réussit à remonter sur le voilier et atteint... la toile de fond du studio où se trouve une porte fermée. Christof supplie Truman de rester à Seahaven : la vie qui l'attend de l'autre côté est, dit-il, plus cruelle que celle qu'il a connue dans son monde factice. Truman, néanmoins, choisit la liberté.

On ne supporte plus aujourd'hui de voir des acteurs exprimer de fausses émotions. on s'est lassé de la pyrotechnie et des effets spéciaux. Et même si le monde dans lequel il évolue est plus ou moins artificiel, en ce qui le concerne,Truman ne triche jamais. Aucune script, aucune note. Ce n'est pas toujours du Shakespeare, mais c'est authentique, c'est la vie d'un homme...On a appris que certains pour se rassurer ne l'atteignent pas de la nuit..Il n'y a aucune trucage, seulement un contrôle

Préfigurant des émissions comme Survivor (1997) ou Koh-Lanta (2001) en France, notamment concernant les mises en difficulté physique et psychologique des personnages, ces films nous parlaient également déjà du regard particulier du spectateur et de ce que cela raconte de la société.

Le premier est Le Prix du danger, un long-métrage franco-yougoslave d'Yves Boisset sorti en 1983 et inspiré de la nouvelle éponyme de Robert Sheckley, publiée en 1958. Ce film aux accents satiriques raconte le parcours d'un homme qui décide de participer à un jeu télévisé à succès des plus macabres. Sous les yeux de milliers de téléspectateurs, le candidat doit rejoindre un lieu secret en étant traqué par une poignée de tueurs. S'il s'en sort, il empoche un million de dollars, mais les chances de réussite sont faibles : aucun participant avant lui n'a survécu.

Running Man (1987), de Paul Michael Glaser avec le jeune « Schwarzy » dans le rôle principal, reprend la même idée quelques années plus tard. L'intrigue se situe dans une société dystopique où, pour distraire les citoyens, des prisonniers sont forcés de s'affronter à mort ; soit l'idée que l'on se fait des gladiateurs, sauf que tout cela se déroule dans le cadre d'un jeu télévisé.

Le troisième film à avoir interrogé et devancé les nouvelles formes de télé-réalité est une œuvre emblématique de la fin des années 90, réalisé par Peter Weir et incarné par le talentueux Jim Carrey : il s'agit de The Truman Show. Le long-métrage a autant interrogé le climat ambiant de l’époque, cette société étasunienne abreuvée de consommation et de télévision, qu’anticipé le futur de la télé-réalité. Un futur particulièrement proche d’ailleurs, puisque la première émission à bouleverser ce qui se faisait alors en la matière sera programmée aux Pays-Bas seulement un an après la sortie du film

Le projet était d’enfermer une poignée de participants triés sur le volet dans une maison équipée de caméras durant trois mois, sans possibilité de sortie ni moyen de communiquer avec l’extérieur. Cela vous rappelle quelque chose ? C'est également le principe du fameux Loft (2001), of course, d'ailleurs produit par la même société, Endemol, et diffusé par M6, le concept néerlandais s'étant exporté en un rien de temps

Truman, le héros - du film comme du show - est un jeune trentenaire un brin loufoque et très attachant (Jim Carrey oblige) qui vit dans un monde totalement artificiel, et pour cause : il est l'unique candidat involontaire d'une émission de télé-réalité. Pour faire de l'audimat et donner un semblant de vie à leur personnage adoré, la production a créé de toute pièce une ville factice strictement parfaite. Le rêve enjoint à l'Américain moyen de l'époque se déploie ainsi en continu sous les yeux du téléspectateur : une épouse blonde, sourire crispé aux lèvres et consommatrice effrénée, un meilleur ami aussi prodigue de bières bon marché que de conseils paternalistes (tout aussi bon marché), un job moyen dans les assurances et, bien sûr, une maison de banlieue où la vertu des voisins se lit à la tenue de leur gazon ; voici le lot quotidien du brave Truman.

Adopté par la société de production et manipulé depuis sa naissance, Truman - on note le jeu de mot de son prénom, « True-man » qui signifie « le vrai homme », « l'homme véritable » - mène, dans cette prison dorée, une vie scénarisée, lui offrant un champ d'action personnel, disons, limité.

Une des bonnes idées de Peter Weir est de nous présenter son héros comme le perçoit le public de l'émission, c'est-à-dire depuis l'objectif des caméras disséminées dans le studio de tournage. Truman est ainsi observé sous des angles étonnants - on pense notamment à la scène filmée depuis l'intérieur de son autoradio. Surtout, ce procédé nous permet d'expérimenter le regard voyeuriste du téléspectateur venant épier les faits et gestes du jeune homme. Pour nous impliquer encore davantage, le réalisateur nous amène à dévisager le public du Truman Show par le biais de son propre poste d'observation : la télévision. Ainsi, c'est vers nous que les regards concentrés, passionnés ou incrédules sont dirigés, et c'est parfois déstabilisant. Un jeu d'arroseur arrosé qui invite à réfléchir sur notre propre façon de regarder.

Par le prisme de la fiction, le film pose un œil ironique sur la société et alerte sur les dérives bien réelles du tout consommable. Ce qui interpelle le plus est sans doute cette banalisation du mal, cette acceptation quotidienne de l'ignominie par le public : l’utilisation de Truman, d’un humain, comme pur objet de divertissement, comme un animal de cirque la maltraitance physique en moins.

Truman, poussé par son désir amoureux et sa soif de découverte choisit le monde de la connaissance, il décide de s'émanciper, de sortir de la caverne.

Le téléspectateur est placé dans une situation paradoxale : il éprouve de l'empathie pour Truman, ressent pour lui des sentiments positifs, il dirait sans doute qu'il l'aime, cependant il adhère silencieusement au concept de l'émission et accepte de voir cet homme dépossédé de sa vie. Le public se fait ainsi le bourreau ému qui tremble, rit et pleure avec sa victime. En outre, le film le montre bien, le téléspectateur est lui-même esclave du programme : les gens passent énormément de temps à regarder le Truman Show, souvent au travail, négligeant celui-ci, préférant vivre par procuration que de se confronter à la réalité.

L'élément déclencheur de l'intrigue de The Truman Show est le retour du faux père de Truman (qui bien sûr est un acteur, comme toutes les personnes que côtoient le jeune homme), pour qui le malaise dure depuis trop longtemps. Le prisonnier sent bien que quelque chose ne colle pas dans sa vie et chez les autres. C'est l'amour sincère pour une femme qui donnera à Truman le courage de remettre son monde en question. Une rencontre éphémère, mais pour une fois bien réelle, qui l'a marqué à jamais.

The Truman Show nous invite à questionner la cohérence du monde dans lequel on vit et, si besoin, à le défier. Le film rejoue l'allégorie de la caverne exposée par Platon dans le Livre VII de La République : si un humain auparavant enchaîné dans le noir avec ses semblables est libéré et conduit à la sortie, il y fera l'expérience positive mais douloureuse de la connaissance. S'il persévère dans cette voie, il atteindra « les merveilles du monde intelligible » et pourra alors, malgré les difficultés, rejoindre ses anciens compagnons pour témoigner de ce qu'il a vu et compris. Cependant, les autres humains enchaînés sont-ils capables d'entendre ce message ? « Ne le tueront ils pas ?

Truman, poussé par son désir amoureux et sa soif de découverte choisit le monde de la connaissance, il décide de s'émanciper, de sortir de la caverne. Son acte, visible par tous, sera-t-il compris par le public « enchaîné » ? Auront-ils envie de détourner les yeux de leur écran afin de vivre à leur tout leur propre vie ? La question reste ouverte.

Source : Marion Lhostis

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