Le mystère du Printemps

1963

(Acto da primavera). Avec : Nicolau Nunes Da Silva (Le Christ), Ermelinda Pires (Marie), Maria Madalena (Marie-Madeleine), Amélia Chaves (Veronique), Luis De Sousa (Le procureur), Francisco Luís (Pilate). 1h34.

Un carton introductif précise qu'à Curalha, dans le Tras-os-Montes, chaque année les paysans jouent sur un texte du XVIème des "Acto" sont proches des Mystères français du moyen-âge.

Il y a déjà des fêtes au village : un combat de taureaux est organisé et des hommes s'affrontent dans des combats de cannes en bois. Un habitant du village lit un journal dans lequel on parle d'envoyer un homme sur la lune. Chacun s'affaire à son travail. Une femme enfile une jolie robe et en est complimentée par son mari.   Elle s'en av cruche sur la tête près du puits. Vient alors jésus qui lui demande de lui donner. " La femme samaritaine lui dit : “ Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? Jésus dit Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et poursuit en lui revalant qu'il sait qu'elle a eu cinq maris et que l'homme avec  qui elle vit actuellement n'est pas son mari. Épouvantée devant ce talent de divination, la Samaritaine s'en va annoncer au village que le Christ est revenu.

C'était donc une scène de la passion ; des spectateurs locaux affluent. Une Cadillac de touristes qui passait par là s'arrête. Les paysans remarquent la jambe gainée de soie d'une des femmes. Les jeunes touristes ne sont pas d'accord entre eux pour savoir sils vont rester: ce spectacle de bouseux interprétant la passion est-il exceptionnel ou rasoir. De leur coté, Manoel de Oliveira et son équipe ont installé leur camera pour filmer le spectacle.

Un présentateur vient lancer la représentation : seront traités les principales étapes de la passion du Christ. Celles-ci défilent alors : la montée vers Jérusalem et les marchands chassés du temple; le parfum versé par Marie-Madeleine et les pieds des disciples lavés pat Jésus. La colère de Judas quand jésus met à terre son rayonnage de parfums. Le diable lui souffle d'aller dénoncer jésus et demander trente deniers pour être dédommagé. C'est ce que fait Judas auprès du Caïphe. Jésus partage son dernier repas avec ses disciples et laisse Judas aller le trahir. Il s'en va au mont des oliviers où l'ange lui confirme sa passion prochaine. Jésus est déçu de voir ses apôtres endormis à son retour.  Les romains conduits par judas veinent l'arrêter. Le Caïphe veut absolument qu'il soir condamné par Pilate mais celui-ci ne trouve pas jésus coupable et demande que ce soit le roi Hérode qui le condamne. Hérode ne veut pas davantage juger Jésus. Il est ramené devant Ponce Pilate qui propose au peuple de choisir qui libérer de Jésus ou de Barrabas. C'est ce dernier que choisissent le Caïphe et ses hommes. Jésus est condamné et Ponce Pilate s'en lave les mains
 Durant le chemin de croix, Jésus tombe trois fois et Saint Pierre le renie trois fois. Véronique recueille la trace du visage du christ sur un linge qu'elle lui a tendu. Jésus est crucifié entre le bon et le mauvais larron. Marie et jean sont éplorés. Pilate accepte que son corps soit déposé de la croix et mis au tombeau.

Le Christ ressuscite alors que le caveau est illuminé de blanc s'entend un bruit d'avion et, sur des images en noir et blanc teintées de bleu explose la bombe atomique, pleure un enfant vietnamien seul sur une route déserte, sont soignés les victimes irradiées d'Hiroshima. En parallèle sont montrées les images de jésus condamné par els hommes.

Retour au village, le paysan qui jouait le Caïphe et qui lisait le matin  l'article sur les astronautes lit un autre article pour ses voisins. Les pommiers témoignent que le printemps est là et fait renaitre les fleurs aux branches des arbres.

L'introduction et la conclusion du film sont très surprenants alors qu'Oliveira filme avec un montage efface les mystères de la passion que les acteurs ont d'habitude de jouer en public et qu'ils rejouent pour le cinéaste. Le son est postsynchronisé : Jésus (et parfois un personnage important) chante son texte.

L'introduction se présente d'abord comme un documentaire sur ce village où va se jouer la passion du Christ. Et puis soudain alors qu'une femme s'en va, le croit-on cherche de l'eau au puits, elle se transforme en samaritaine à laquelle jésus demande de 'eau (Évangile selon Jean, chapitre 4). Les habitants de la région achètent leur billet, des touristes en Cadillac s'arrêtent sans que l'on sache ce qu'il adviendra d'eux durant le spectacle et la caméra d'Oliveira est installée.

Le cours du film est constitué des étapes de la passion du Christ. Oliveira ne s'y amuse qu'avec le diable, habillé en costume de tous les jours et soudain vêtu de sa cape et d'un bonnet à cornes dans le plan suivant. Mais il saisit avec le même sérieux ce qui relève des évangiles canoniques que la dimension supplémentaire de mystère, de superstitions et de peurs du texte du XVI : les soldats juifs son équipés de costumes turcs, insistance sur l'épisode apocryphe du  voile de Véronique, rêve de la femme de Ponce Pilate, cupidité accentuée de Judas, lance pointé par un aveugle qui retrouve la vue dans le flanc du Christ pour s'assurer qu'il est mort. Le mystère n'a pas pour but d'être résolu ni expliqué mais seulement proposé comme tel afin d'être accepté dans son étrangeté. C'est cette planéité de la représentation qui intéresse Oliveira.

La conclusion est très étonnante. La condamnation de la technologie meurtrière, La bombe d'Hiroshima, le napalm du Vietnam est sans appel. Le montage parallèle de Jésus, condamné par les hommes, pourrait laisser croire qu'il s'est sacrifié en vain. Pourtant l'espoir qu'il porte est toujours là : le printemps renait chaque année avec la résurrection des branches et des fleurs.

Jean-Luc Lacuve le 28/04/2015