De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites
1972

Bridgeport, Connecticut. Béatrice Hunsdorfer élève seule ses deux filles en gagnant sa vie comme elle peut. Elle tente d'accrocher au téléphone des clients pour une école de danse et sous-loue une des chambres de la maison pour des personnes en fin de vie dont les familles cherchent à se débarrasser.

Quand elle fait ses courses, Béatrice passe prendre au lycée ses deux filles. Ruth, malgré ses crises d'épilepsie, est plutôt bien intégrée et fréquente Sonny, un garçon de son âge. Matilda est plus effacée et s'investit totalement dans les cours de sciences dispensés par le professeur Goodman. Elle a ainsi ramené à la maison un lapin auquel sa mère reproche de laisser des crottes partout et un bac où elle fait pousser différentes sortes de marguerites.

Béatrice est seule depuis que son mari l'a abandonné pour aller se suicider dans une chambre de motel en revenant de la guerre de Corée. Elle affronte néanmoins avec humour son quotidien trop terne et plaisante avec ses filles. Les occasions de s'amuser sont pourtant rares. Elle a beau s'acheter une perruque fantaisie, elle ne suscite que le mépris agacé de son voisin qui refuse obstinément ses avances. Béatrice a toutefois un rêve. Elle lit les petites annonces dans les journaux pour trouver un local à vendre qui lui permettra d'ouvrir un restaurant de cheese-cake et ainsi de sortir de la misère.

Béatrice n'apprécie ainsi pas de tout que sa fille Ruth utilise son peignoir et ses attitudes pour un spectacle de théâtre où elle fait rire en imitant les remarques caustiques de sa mère face aux petites annonces de mariage dont elle commente lucidement la tristesse humaine qu'elles révèlent.

Un jour, Béatrice trouve enfin une annonce raisonnable pour un petit restaurant situé dans un lieu très fréquenté. Elle a besoin d'un prêt de 5 000 dollars. La banque le lui refuse. Elle va voir son beau-frère qui lui avait promis de l'aide à la mort de son mari. Mais ni lui ni sa femme, petits bourgeois bien installés, n'ont la moindre confiance en Béatrice.

Celle-ci découragée prend un verre dans un bar et se fait draguer par le tenancier d'un magasin d'antiquités qui lui promet une grosse somme pour la lampe d'époque qu'elle dit avoir chez elle. Ce n'est évidemment qu'un prétexte pour l'attirer chez lui et Béatrice devra le frapper pour sortir indemne du piège dans lequel elle s'était enfermée.

Au petit matin, Béatrice sort de sa voiture qu'elle avait garée sur le bas coté d'une route de campagne. Elle gravit la petite colline alors que le soleil se lève. Elle est toutefois vite rappelé à l'ordre par deux policiers qui constatent que sa voiture est mal garée. Béatrice, sortie sans ses papiers, échappe toutefois à une amande en reconnaissant en l'un des policiers un ancien camarade de classe. Il a épousé l'une des filles sans charme de leur école. Béatrice regrette de n'avoir personne d'aussi solide sur qui compter tout en sentant bien que son ancien camarade n'a jamais aimé ou respecté la boute en train de la classe qu'elle fut, celle que l'on appelait Betty-zinzin

Béatrice revient excédée de sa pitoyable virée qui ne lui permettra pas d'acheter le restaurant espéré. Elle doit se monter ravie d'accueillir Nanny, une presque centenaire, abandonnée par sa fille pour quelques sous. Cette présence est insupportable à Ruth que rend malade ces mourrants qui viennent finir leurs jours chez eux. De plus, elle surprend la conversation du professeur Goodman et de sa collègue qui se moque de sa mère et de son surnom de Betty-zinzin.

Le professeur Goodman a en effet essuyé la colère de Béatrice alors qu'il lui annonçait que Matilda était l'une des sept finalistes du concours scientifique de fin d'année.

Le jour de la cérémonie arrive et Béatrice a très peur de faire honte à sa fille. Etant obligée de venir sur scène, elle contraint Ruth à rester à la maison surveiller Nanny. Ruth explose de colère ne supportant ni cette tache ni le fait de renoncer à sortir ce jour là avec Sonny. Elle se moque impitoyablement de sa mère lui rappelant son surnom de Betty zinzin.

Béatrice effondrée se saoule et ne peut arriver que très en retard à la cérémonie où sa fille a triomphé. Elle se ridiculise en ânonnant la phrase qu'elle avait pourtant répétée : "mon cœur déborde de fierté ".

En rentrant chez eux, Matilda découvre que sa mère a tué le lapin blanc. Béatrice se sachant fautive essaie néanmoins d'échafauder de vagues projets d'avenir en discutant avec Ruth, indulgente envers l'ivresse de sa mère. Matilda, apparemment imperméable à la douleur du quotidien, se réfugie dans ses rêves scientifiques qui, à n'en pas douter, la feront s'échapper du monde sans espoir de sa mère.

De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites fait partie des grands portraits de la femme américaine libérée en butte à l'hostilité sociale représentée par le conformisme machiste de la société des années 70. En se tenant au texte, aux situations et au décor de la pièce de Paul Zindel, Paul Newman se met au service de ses actrices mais sacrifie en partie ses personnages.

Un film féministe...

Béatrice Hunsdorfer est la soeur Natalie Ravenna (Les gens de la pluie, F. F. Coppola, 1969), de Wanda (Wanda, Barbara Loden, 1970) de Mabel Longhetti (Une femme sous influence, John Cassavetes 1974) ou de Myrtle Gordon (Opening night, John Cassavetes, 1978).

Comme elles, Béatrice cherche à faire face avec humour aux nombreuses difficultés qui entravent son quotidien. Les dialogues les plus brillants et les remarques les plus spirituelles lui sont données par le texte de la pièce dont est tiré le film durant toute la première partie.

Le film bascule après l'échec de Béatrice pour trouver des fonds lui permettant d'ouvrir son restaurant. Son échappée vers le sommet de la colline au petit matin est la plus belle, symbolique et poétique scène du film. Son rappel à l'ordre par les policiers avant qu'elle n'ait atteint le sommet et surtout la conscience d'avoir manqué quelque chose par sa joie de vivre forcenée et obstinée semble la briser pour un temps.

... qui dérive vers une mystique scientifique ambiguë.

Le discours mystico-cientifique sur la demi-vie et l'irradiation contrôlée pris en charge par Matilda se retourne alors contre le personnage principal que Newman semble aussi abandonner en chemin.

La première scène du film montrait Matilda penchée sur son bac à marguerites et le dernier plan du film lui est également confié, signes que c'est bien elle qui porte le message "d'espoir" du film. Matilda l'expliquera lors de la cérémonie. Dans son bac, elle a soigné pareillement trois sortes de marguerites. Certaines sont issues de graines non irradiées et ont donné des plantes normales. D'autres ont subi des rayons gamma en petite quantité et ont donné de somptueuses fleurs nouvelles jusqu'alors inconnues, d'autres enfin ont subi de très fortes doses de rayons gamma et sont devenues stériles, ne produisant aucunes fleurs. Ainsi, si l'on parvient un jour à maîtriser l'atome, alors comprendra-t-on tous les secrets de l'univers.

Si l'on se souvient que Béatrice voulait appeler son restaurant "Aux trois marguerites", double allusion à leur famille triangulaire et à la passion de sa plus jeune fille, on pourra tenter de trouver des correspondances entre les trois types de fleurs et Béatrice, Ruth et Matilda.

Le plus ennuyeux dans cette métaphore assez lourdaude, renforcée qui plus est par le sacrifice du lapin blanc, est d'abandonner le personnage de Béatrice en cours de route. Lors de la soirée de gala, celle-ci n'est jamais émouvante. Ruth et Sonny semblent constituer alors une famille de substitution possible pour Matilda.

Ridiculisée, Béatrice s'en revient chez elle, incomprise de ses enfants. La métaphore scientifique apparaît alors de bien peu de poids pour clore le film.

Barbara Loden et John Cassavetes avaient montré plus de générosité envers leurs personnages féminins, brisées, assagies ou victorieuses, elles étaient toujours les authentiques forces capables de renverser le conformisme.

Jean-Luc Lacuve le 01/02/2009

A noter que Joanne Woodward, qui incarne Béatrice, est "dans la vie", la femme de Paul Newman et Nells Potts, qui joue Matilda, est leur fille. Toutes deux avaient déjà participé au premier film de l'acteur cinéaste, Rachel, Rachel. Le film est présenté au Festival de Cannes 1973.

 

Test du DVD

Editeurs : Potemkine et Agnès B, mai 2013. 20 €

Suppléments :

  • Entretien avec Jean-Baptiste Thoret

  • Bande-annonce

 

 

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(The effect of the gamma rays on man-in-the-moon marigolds). D'après la pièce de Paul Zindel. Avec : Joanne Woodward (Beatrice Hunsdorfer), Nell Potts (Matilda Hunsdorfer), Roberta Wallach (Ruth Hunsdorfer), Judith Lowry (Nanny, la vieille dame), David Spielberg (M. Goodman), Richard Venture (Floyd), Carolyn Coates (Mme McKay), Will Hare (Junk Man), Estelle Omens (Caroline), Jess Osuna (Sonny). 1h40.

Genre : Drame social
Voir : édition DVD