Le garde du corps (Yojimbo)

1961

Genre : Aventures

(Yojimbo). Avec : Toshiro Mifune (Sanjuro Kuwabatake, ronin), Eijiro Tono (Gonji, vendeur de saké), Kamatari Fujiwara (Tazaemon, marchand de soie), Takashi Shimura (Tokuemon, brasseur de saké), Seizaburo Kawazu (Seibei, un partisan de Tazaemon), Kyu Sazanka (Ushitora, un partisan de Tokuemon), Tasuya Nakadai (Unosuke, son frère). 1h50.

À la fin de l'époque Tokugawa (XIXe siècle), un samouraï sans maître (un " Rônin "), arrive dans le village de Manome, près d'Edo (ancien nom de Tokyo), divisé par une lutte impitoyable entre deux clans, celui d'un brasseur de saké, Tokuemon, et celui d'un marchand de soie, Tazaemon. Ils cherchent tous deux à dominer les lieux, avec l'aide de bandes d'affreux, commandées par Seibei (du côté de Tazaemon) et par Ushitora (pour Tokuemon).

Sanjuro Kuwabatake est pris à partie par un homme qui lui demande de rétablir l'ordre dans le village. Un autre, qui tient un bar, lui conseille au contraire de partir au plus vite : son arrivée risque d'aggraver les troubles. Bien sûr, les deux bandes vont chercher chacune à s'attirer l'aide de ce guerrier qui leur a prouvé, dans une scène de bagarre expéditive, sa valeur.

Sanjuro va comprendre le bénéfice qu'il peut tirer de la situation. Il va vendre alternativement ses talents aux deux bandes rivales. Il fait croire à Tazaemon, le marchand de soie, qu'il va le suivre. Mais, après avoir surpris une conversation, il comprend qu'on veut l'escroquer. Alors que les deux bandes au grand complet sont face à face dans la rue principale, Sanjuro décide d'abandonner le combat. Il monte en haut d'un beffroi, décidant d'apprécier la scène vu d'en haut, et encourage les deux camps par ses invectives. Ceux-ci ne savent plus que faire. Heureusement, l'arrivée d'un émissaire du pouvoir central oblige les partisans à remettre leur affrontement à plus tard

Après le départ de l'envoyé du pouvoir, les choses reprennent leur cours, et Sanjuro continue à envenimer la situation: le village se met à "bouillir comme une marmite", les incidents s'enchainent, et lui s'enrichit de jour en jour. On commence à penser de plus en plus que le ronin n'est qu'un guerrier sans foi ni loi. Oui mais voilà qu'un évenement vient soulever le doute. Emu par la situation d'un homme dont Tokuemon a fait enlever la femme, il va profiter de la nuit pour la libérer et permet au couple de quitter le village, en leur offrant tout son argent. Le mercenaire est comme tout le monde : c'est un être humain bourré de contradictions.

Mais son geste héroïque est pour lui synonyme de perte : découvert par le frère cadet de Ushitora, Unosuke, qui possède un pistolet occidental, il est torturé puis enfermé agonisant dans une cellule dont il parviendra à s'échapper et va se cacher dans le cimetière. Pendant ce temps, la confrontation dans le village tourne à l'avantage de Tokuemon, qui décime tous ces adversaires et commence à crier victoire. C'est sans compter le retour de Sanjuro qui va, dans la bataille finale, tuer un à un tous ses adversaires. Dans une dernière scène, Sanjuro, très laconique, conclut : "Maintenant, il y aura un peu de tranquillité dans ce village".

Laissant la petite ville dans la désolation, le vent et la poussière, Sanjuro, véritable vainqueur, part comme il était venu, libre et solitaire, sorte de justicier autonome.

Yojimbo est un film très ironique de Kurosawa, qui filme ici une parodie de la violence. Il reprend tous les codes du film de samouraï et du western américain (que Kurosawa, grand cinéphile, connaît bien), pour mieux les détruire et faire rire le spectateur (les séquences de batailles sont truffées de visages de bagnards, patibulaires et pleutres. Il va même jusqu'à affubler l'un des combattants d'Ushitora d'une masse en bois proportionnée à son énorme corpulence, et totalement anachronique). Certaines scènes sont hilarantes, tant les personnages sont ridicules et les quiproquos cocasses.

Une telle démonstration ne pouvait qu'influencer les occidentaux : Sergio Leone, qui tombe par hasard sur le film, décide de l'adapter : ce sera Pour une poignée de dollars (1964). Sanjuro, qui signifie "trentenaire", peut être assimilé à celui de "Blondin" ou "Personne" dans ses westerns. Plus récemment, Walter Hill adaptera de nouveau le scénario, dans Dernier Recours (1996) avec Bruce Willis.

Le succès considérable de Yojimbo au Japon poussera les producteurs à demander une suite à Kurosawa: ce sera Sanjuro (1962), un autre chef-d'oeuvre d'ironie et de parodie.