Bande à part

1964

Voir : photogrammes
Genre : Film noir
Thème : Musée

D’après le roman "Fool's Gold" de Dolores Hichens. Avec : Anna Karina (Odile), Claude Brasseur (Arthur), Sami Frey (Frantz), Jean-Luc Godard (Le narrateur). 1h37.

En fréquentant un cours d'anglais, Frantz et Arthur, deux jeunes oisifs, font la connaissance d'Odile. Celle-ci, naïvement, leur apprend qu'une bourgeoise de Joinville, Mme Victoria, cache le magot d'un fraudeur du fisc dans un placard ! Le trio va repérer les lieux, dans une villa sur les bords de la Marne.

Mais, trop bavard, Frantz révèle leur projet à l'oncle d'Arthur, un truand à la retraite qui songe à devancer les jeunes gens avec la complicité d'un ami, ancien légionnaire. Odile, Arthur et Frantz doivent passer à l'action au plus vite. Ils doivent néanmoins attendre le crépuscule et, pour passer le temps, visitent le Louvre en battant le record du monde du temps de visite. Mais, dans la villa, la porte de la chambre au placard est fermée à clé et il est impossible de passer par la fenêtre extérieure. Arthur et Franz menacent Odile et la somment de trouver la clé pour le lendemain.

Le lendemain, dans la villa, Mme Victoria est bâillonnée et enfermée dans un placard, une fois qu'elle a remis la clé. Dans le coffre, il ne reste hélas que quelques billets. Un peu d'autres sont retrouvés mais, lorsqu'Arthur décide de faire parler Mme Victoria, il constate qu'elle est morte étouffée. Affolés, les trois voleurs repartent presque bredouilles.

Mais Arthur retourne seul sur les lieux pour, dit-il, vérifier si Mme Victoria est bien morte. En fait, il veut faire parler pour lui seul Mme Victoria qui est seulement évanouie. Il s'empare des billets. C'est alors qu'arrive le légionnaire, l'homme de main de l'oncle : il tire plusieurs balles sur Arthur qui réussit néanmoins à le tuer avant de s'écrouler à son tour. Odile et Frantz, qui ont suivi leur compère, constatent que le fraudeur du fisc est de retour et s'est emparé des billets épars pour les remettre, avec Mme Victoria, dans le coffre. Franz et Odile sauront se contenter de la belle somme déjà subtilisée pour s'échapper : un bateau les emporte vers une vie nouvelle...

Après Le mépris tourné en couleur et en Scope avec des vedettes sur le sol italien, Bande à part, série B, en noir et blanc, tourné avec des proches dans le Paris habituel, fait pâle figure. Et pourtant, ce film tout à la fois léger, grave et mélancolique laisse une durable impression qui n'est pas étrangère à son processus de fabrication.

Anna Karina qui tournait de son côté pendant que Godard réalisait Le mépris a fait, juste après, deux tentatives de suicide. Godard pour retrouver sa femme veut lui offrir un film qu'il lui annonce, dit-on, dans la voiture qui les ramène chez eux après les séjours en hôpital psychiatrique endurés par l'actrice durant plusieurs semaines. Godard est allé vite. Il va voir la Columbia France à l'automne 63 et obtient 100 000 dollars pour son premier film français à être produit par les américains. Le producteur croyait que Godard demandait cette somme pour son seul salaire et est évidemment enchanté de les débourser pour l'ensemble de la production. Godard adapte une série noire recommandée par Truffaut, Fool's Gold de Dolores Hichens traduit par Pigeon vole. Dans ce roman noir, deux amis séduisent une jolie fille, dont ils sont un peu amoureux, pour accéder à une femme riche

Lorsque le tournage commence à la mi-février pour un mois, Godard a un scénario de trente pages mais les dialogues ne sont pas écrits, et le titre est passé de Les mimis à Franz, Arthur et Odile avant de s'arrêter à Bande à part aux premiers tours de manivelles. Samy Frey, alors petit ami de Brigitte Bardot est un élégant acteur de théâtre avec qui Godard est immédiatement complice. Il découvre Claude Brasseur, comédien moins brillant.

Godard a peur de faire trop court donc il prend tout ce qui vient. Ainsi la traversée de la grande galerie du Louvre est improvisée par Godard au dernier moment et ne figure pas dans le scenario. Godard a demandé l'autorisation de Malraux (qui a blanchi toutes les façades du Paris anciennement noirâtre) mais pas aux autorités du Louvre. La séquence s'annonce comme un défi : "Franz avait lu dans France-Soir qu'un Américain avait mis 9'45" pour visiter le musée du Louvre. Trois plans plus tard (acteurs saisis de face, panoramique et acteurs saisis de dos), il peut annoncer : "En 9'43", Arthur, Odile et Franz avaient battu le record établi par Jimmy Johnson de San Francisco"

En revanche la séquence du Madison est longuement préparée et répétée... et repoussée. Godard trouve en effet que les acteurs ne dansent pas suffisamment bien. Et il faudra attendre la toute fin du tournage pour que la séquence soit enfin jugée bonne par Godard. Dans le café populaire où elle est enregistrée, l'équipe applaudira Godard prenant le relais des acteurs pour danser en couple avec Anna Karina.

Le couple semble ainsi retrouvé mais Godard, comme à son habitude, a mis au profit du film l'intense mélancolie d'Anna Karina notamment lors de la chanson triste chantée par Odile : "Ce que l'on fait de vous hommes et femmes..." Sans doute fait-il aussi peser sur elle un poids supplémentaire en donnant à son personnage le nom de sa mère : Odile Monot

Le film est un échec commercial attirant moins de 40 000 spectateurs mais il marquera nombre de cinéphiles critiques ou, plus tard réalisateurs, ainsi Quentin Tarantino qui appellera sa société de production Bande Apart d'après le titre du film.

critique du DVD Editeur : Gaumont. Novembre 2010. Coffret 10DVD. 80 €.
Analyse DVD

Neuf films : Une femme mariée, Bande à part, Week-end, Tout va bien, Sauve qui peut (la vie), Je vous salue Marie, Soigne ta droite, JLG/JLG, For ever Mozart.

Suppléments : Letter to Jane, Scénario de sauve qui peut (La vie), Le livre de Marie, Scénario de Je vous salue Marie, La paresse, Le grand escroc, Anticipation, Lettre à Freddy Buache, Meetin' WA. "Conversation avec JLG" : Entretien exclusif avec Jean-Luc Godard.