Douches froides

2005

Avec : Johan Libéreau (Mickael), Salomé Stevenin (Vanessa), Florence Thomassin (Annie, la mère), Jean-Philippe Ecoffey (Gérard, le père), Pierre Perrier (Clément Steiner), Aurélien Recoing (Louis Steiner), Claire Nebout (Mathilde Steiner), Denis Falgoux (l'entraîneur), Camille Japy (la femme de l'entraîneur), Magali Woch (la soeur de Mickael), Dominique Cabrera (l'infirmière). 1h42.

A la veille de son bac, Mickael a tout pour réussir. Ses parents ont de réguliers problèmes d'argent et se chamaillent à longueur de journée... Mickael passe outre. Il aime l'école, sort avec la ravissante Vanessa, et comble ses loisirs à faire du judo, dont il est le capitaine de l'équipe municipale. Tout baigne. Jusqu'à l'arrivée de Clément Steiner, fils d'un riche industriel, nouveau sponsor de l'équipe.

Ayant malencontreusement blessé son équiper de la catégorie des moins de 66 kilos, Mickael, qui concourt dans les moins de 73, s'impose de le remplacer pour les championnats d'Euope et perd kilo sur kilo. Clément qui n'était que son remplaçant prendra sa place. La santé de Mcikael se dégrade. Mais les liens qu'entretiennent les deux ados se resserrent : Clément devient le nouvel amant de Vanessa, avec l'assentiment de Mickael.

Douches froides se raconte au passé. Mickael sort de son oral du bac et se plaint qu'aujourd'hui tout soit plus difficile qu'il y à trois mois. Les gens, dit-il, ne sont pas bons ou mauvais, ils évoluent, alors pourquoi est-il plus lourd, moins agile dans son corps et son esprit qu'auparavant. Est-ce parce qu'il a été aussi aveugle et égoïste qu'il le dit ? Le long flash-back qui constitue les quatre-cinquièmes du film tente de répondre à cette question.

Sans prétendre à une exploration du temps aussi complexe et subtile que celle développée par Joseph L. Mankiewicz et particulièrement dans ses films à flash-back c'est pourtant bien, comme le cinéaste américain, l'accès à la vérité de l'être de son personnage, au-delà de l'image qu'il donne et se donne à lui-même, que recherche Antony Cordier.

D'où, probablement, la récurrence des scènes de nuit dans les salles de sport désertes qui sont comme autant de point de départ vers une exploration plus ample de la mémoire. La première dans la salle de musculation, la seconde dans la patinoire, la troisième dans la piscine et la quatrième dans la salle de judo. A ces quatre scènes de nuit se surajoutent celles des retours en vélo et celles de la fête qui se terminera par la dramatique arrestation de nuit ainsi que l'errance de Mikaël lorsqu'il laisse seuls Vanessa et Clément à l'hôtel.

Antony Cordier affirme avoir fait un film sur le bonheur, celui de l'ivresse de la victoire, de l'argent ou de l'orgasme maximum et réfute aussi bien l'étiquette de drame social que celel de drame de l'adolescence. C'est pourtant bien plutôt à ce dernier genre que se rattache le film. L'originalité étant de le traiter à partir d'un corps qui devient malade. Il permet à Mickael de trouver une vérité sur lui-même que lui masquait sa bonne santé. Engoncé dans son parka ou dans ses survêtements et kimono de judo, il perd progressivement le contrôle du quotidien qu'il s'imposait jusqu'à confondre. Ce contrôle est une réaction à celui auquel ont renoncé ses parents -sauf pour l'hilarant contrôle des dépenses électriques- pour assumer une vie plus complexe. Ils ne manqueront d'ailleurs pas de railler sans méchanceté leur fils, d'habitude si parfait, pour avoir confondu la Chine avec les États-Unis le jour du bac.

Les scènes finales, dans la cabine d'essayage, sur la plage, ou sur le camp d'ados que dirige Vanessa sont pour Mickael autant de prises de consciences successives et complémentaires : les amours enfantines et les compétitions bien encadrées sont terminées. Il va s'agir d'être au plus près de ce qu'il aime vraiment. En ce sens, il aura nettement progressé et Antony Cordier a bien raison d'estimer qu'il s'agit d'un film sur le bonheur.

Parce qu'il analyse aussi les conséquences différentes d'actes semblables (une fête alcoolisée, un échange de partenaire sexuel) sur deux classes sociales distinctes, le film accède aussi au stutut rare de film politique français.

Jean-Luc Lacuve, le 11 juillet 2005