Pickpocket

1959

Avec : Martin La Salle (Michel), Marika Green (Jeanne), Jean Pélégri (Inspecteur de police), Dolly Scal (Mère de Michel), Pierre Leymarie (Jacques), Kassagi (Accomplice), Pierre Étaix (Accomplice), César Gattegno (Détective). 1h15

Michel est un jeune homme solitaire qui, pour " dominer le monde " comme il le dit lui-même, vole, un jour, sur le champ de courses de Longchamp, le sac à main d'une femme. Certes, il a vaincu sa peur, mais il se retrouve au commissariat, d'où on le libère aussitôt.

Michel évite de rendre visite à sa mère malade, qu'une jeune voisine, Jeanne, soigne, bien consciente que la vieille dame n'a d'autre véritable besoin que celui de voir son fils. Mais celui-ci a d'autres préoccupations. Il exprime au commissaire déjà rencontré après son premier vol, sa théorie selon laquelle certains êtres d'élite auraient le droit d'échapper aux lois. Inquiet, son ami Jacques, garçon solide et honnête, tente de lui faire entendre raison et lui conseille de chercher du travail.

Du travail, Michel en a : dans sa mansarde, il s'entraîne des heures durant à subtiliser montres, portefeuilles, objets divers. Puis il passe à l'action, vole dans le métro. Sa rencontre avec un autre pickpocket, qui lui révèle ses trucs, achève d'en faire un " maître". La mort de sa mère semble n'être qu'un épisode qui le rapproche néanmoins de Jeanne. Mais, très vite, le " métier " l'accapare de nouveau. Jacques se met à fréquenter Jeanne, tandis que Michel multiplie ses exploits. Jusqu'au jour où il comprend que le commissaire est au courant de ses vols. Après avoir tenté en vain d'expliquer son attitude à Jeanne, Michel s'enfuit à l'étranger. A son retour, il retrouve la jeune femme avec un enfant de Jacques. Pour l'aider à élever cet enfant, Michel travaille d'abord en usine; puis, se croyant oublié de la police, il retourne au champ de courses et subtilise son portefeuille à un turfiste, qui n'était autre qu'un appât et qui l'arrête.

Michel, en prison, réalise enfin qu'il a plus besoin de la présence de Jeanne que de son admiration.

"Ce film n’est pas du style policier. L’auteur s’efforce d’exprimer, par des images et des sons, le cauchemar d’un jeune homme poussé par sa faiblesse dans un aventure de vol à la tire pour laquelle il n’était pas fait. Seulement cette aventure, par des chemins étranges, réunira deux âmes qui, sans elle, ne se seraient peut-être jamais connues."

Pickopquet s'ouvre sur une page de cahier sur laquelle on peut lire "Je sais que d'habitude les gens qui ont fait ces choses se taisent ou que ceux qui en parlent ne les ont pas faites et pourtant je les ait faites. Puis, plus bas et en voix off "Oh, Jeanne, pour aller jusqu'à toi, quel drôle de chemin il m'a fallu prendre". Commence alors la séquence de courses à Longchamp avec, en voix off : "Depuis plusieurs jours ma résolution était prise. Mais en aurai-je l'audace ?"

C’est par ces textes que commence le film qui adapte et transpose très librement le roman de Dostoïevski Crime et châtiment. Michel (= Raskolnikov), irrésistiblement attiré par l’interdit, séduit par l’acte presque gratuit, le geste virtuose, s’estimant au-dessus des lois, décide de devenir pickpocket professionnel, pour le plaisir (le vertige) de voler mais aussi pour l’excitation à l’idée de se faire pincer par la police qui le surveille de près. Il s’agit d’un film sur l’orgueil et la rédemption, la pesanteur et la grâce, car il existe une grâce chez ce voleur Michel, à la fois dans l’exercice de son "art" de l’escamotage et dans sa rencontre avec Jeanne qui, à la fin, vient le revoir dans sa prison. Le célèbre magicien Kassagi a servi de conseiller à Bresson et joue dans la fameuse séquence de la gare de Lyon où, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, un train entier de voyageurs est littéralement dépouillé de tout objet de valeur.

Le film est constitué de seize séquences séparées par des fondus au noir. Dans la première séquence à Longchamp, Michel ne parle pas de face : la voix est hors champ, dissociée du visage pendant une dizaine de minutes, ce qui accentue l’opacité fascinante du personnage. Michel est ce pickpocket qui ne veut pas trouver sa place dans la société et qui ne coïncide jamais totalement avec lui-même. Il ne noue pas d’échange en dehors du vol et vit dans une perpétuelle absence de lui-même jusqu'à sa prise de conscience que Jeanne lui est nécessaire.

 

Source : Synthèse de l’intervention de François NINEY du 13 octobre 2008 par Jean-Claude Vian