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Fontaine

1917

Fontaine
Marcel Duchamp , 1917
Ready-made : urinoir en faïence, haut. 60 cm
Philadelphie, Musée des Beaux-Arts,
Collection Louise et Walter Arensberg

Fontaine est un ready-made de Marcel Duchamp consistant en un urinoir en porcelaine renversé signé « R. Mutt » et daté 1917.

Fountain fut refusée lors de la première exposition de la Société des artistes indépendants de New York en 1917 avant de disparaître. Il est nommé président du comité d'accrochage du salon "Independant Artists" de New-York en 1917. A cette occasion, il ne veut rien exposé sous son nom, alors que tout le monde attendait un tableau dans le style du Nu. Il préférera opter pour un subterfuge, en inventant un artiste fictif : Richard Mutt (le mot américain Mutt signifie en langage familier "imbécile" ou encore "bâtard"), qui proposa Fontaine, 1917, le fameux urinoir. Le comité d'accrochage refusa cet objet qui risquait de discréditer le salon. Duchamp s'empressa, bien sûr de démissionner de la présidence du Comité, et ne fit savoir que bien plus tard que Richard Mutt n'était autre que son substitue artistique.

Une démonstration capitale ayant trait au statut social de l'œuvre d'art était ainsi faite, commentée par Thierry de Duve :

1) L'art n'est légitimité que par comparaison, et la comparaison ne peut se faire qu'avec ce qui est déjà légitimé. Richard Mutt, artiste inconnu, présente un objet qui en ressemble à rien de déjà légitime : il est donc écarté. Pour faire admettre la Fontaine, il aurait fallu que Duchamp l'assume lui-même en tant que personnellement légitime, mais il s'en est stratégiquement abstenu dans un premier temps.

2) Faire de l'art d'avant garde de réelle envergure signifie anticiper sur un verdict qui ne peut être que rétrospectif. Toute l'œuvre de Duchamp sera désormais anticipation et stratégie : mais, d'emblée, il aura réussi à occuper le premier rang en niant la traditionnelle légitimité de la peinture.

À la demande de Duchamp et de ses amis, Alfred Stieglitz réalise pour The Blind Man une photographie de la Fontaine . Elle est prise devant un tableau de Marsden Hartley représentant des combattants (The Warriors, 1913) alors que les États-Unis viennent d'entrer en guerre au nom du combat pour la démocratie. Ce document photographique constitue à ce jour la seule trace de « l'objet d'exposition refusé par les Indépendants » lors de l'exposition de 1917.

L'urinoir original ayant disparu, il reste aujourd'hui des répliques. Elles ont été faites à l'initiative de marchands d'art ou de commissaires d'exposition du vivant de Marcel Duchamp et avec son accord. Elles sont toutes des reproductions non de l'original, mais de la photographie d'Alfred Stieglitz. Elles sont officiellement exposées dans des galeries comme étant des œuvres de Marcel Duchamp mais sont néanmoins signées et datées « R. Mutt 1917 » comme l'original.

Réplique 1950. C’est Sidney Janis qui fut à l’initiative de la première réplique pour figurer dans son exposition de 1950 (Readymade : urinoir et peinture blanche, 30,4 x 38,2 x 45,9 cm. Localisation actuelle : Philadelphie, Philadelphia Art Museum.). Lors d’un séjour à Paris, il acheta un urinoir à un marché aux puces de Paris Duchamp approuva ce choix, comme il accepta d’exposer et de signer cet urinoir. Dans l’exposition de 1950, cette réplique fut exposée accrochée à un mur dans sa position fonctionnelle et très bas, afin, dit Duchamp, que des enfants puissent l’utiliser. Dans l’exposition de 1953, cette même réplique fut fixée au linteau séparant deux salles de la galerie. Duchamp y suspendit une branche de gui.

Réplique 1963, Stockholm ( Readymade : urinoir et peinture noire, 33 x 42 x 52 cm. Localisation actuelle : Stockholm, Moderna Museet (donné au musée, selon le vœu de Duchamp, en 1965). Réplique réalisée à Stockholm par Ulf Linde avec l’autorisation de Duchamp pour l’exposition à la Galerie Burén, Stockholm, 1963. Il s’agit d’un urinoir choisi par Linde dans les toilettes pour hommes d’un restaurant de Stockholm, acheté, démonté et minutieusement récuré avant d’être exposé. Par courrier, Duchamp approuva le choix de Linde32. En l’absence de l’artiste, cette réplique fut d’abord signée (R. MUTT) et datée (1917) par Linde au moyen de lettres et de chiffres adhésifs noirs, en bas à gauche. Quand Duchamp vit pour la première fois cette réplique lors de son exposition à Milan à la Galerie Schwarz en 1964, il retira les adhésifs avant de signer et dater « R. Mutt 1917 » de sa main à la peinture émail noir

17 répliques en 1964 . Faïence blanche recouverte de glaçure céramique et de peinture noire, 63 x 48 x 35 cm34. Tandis que les répliques antérieures étaient de véritables urinoirs, ceux de la série éditée par Schwarz furent fabriqués à la main par un procédé de moulage comme dans la sculpture traditionnelle, ce qui constitue une inversion du processus propre au ready-made .Fountain fait partie des treize readymades édités par la galerie Arturo Schwarz à Milan dans le courant de 1964