Accueil Partie beaux-arts Histoire de l'art Les peintres Les musées Les expositions Thèmes picturaux

Cours de peinture par principes

Roger De Piles

>Editeur Gallimard , Collection : Tel. 1989

Préface de Jacques Thillier.

pages 98 à 100 :

Le paysage est un genre de peinture qui représente les campagnes et tous les objets qui s'y rencontrent. Entre tous les plaisirs que les différents talents de la Peinture procurent à ceux qui les exercent, celui du paysage me parait le plus sensible et le plus commode, car dans la grande variété dont il est susceptible, le Peintre a plus d'occasions que dans tous les autres genres de se contenter dans le choix des objets. La solitude des rochers, la fraicheur des forêts, la limpidité des eaux, leur murmure apparent, l'étendue des plaines et des lointains, le mélange des arbres, la fermeté du gazon, et les sites tels que le paysagiste les veut représenter dans ses tableaux, font que tantôt il y chasse, que tantôt il y prend le frais, qu'il s'y promène, qu'il s'y repose, ou qu'il y rêve agréablement. Enfin, il est maitre de disposer de tout ce qui se voit sur terre, sur les eaux et dans les aires : parce que de toutes les productions de l'art et de la nature, il n'y en a aucune qui ne puisse entrer dans la composition de ses tableaux. Ainsi la Peinture qui est une espèce de création l'est encore plus particulièrement à l'égard du paysage.

Parmi tant de styles différents que les paysagistes ont pratiqués dans l'exécution de leurs tableaux, j'en distinguerai seulement deux dont les autres ne sont qu'un mélange, le style héroïque et le style pastoral ou champêtre.

Le style héroïque est une composition d'objets qui dans leur genre tirent de l'art et de la nature tout ce que l'un et l'autre peuvent produire de grand et d'extraordinaire. Les sites en sont tout agréables et tout surprenants : les fabriques n'y sont que temples, que pyramides, que sépultures antiques, qu'autels consacrés aux divinités, que maisons de plaisance d'une régulière architecture, et si la nature n'y est exprimée comme le hasard nous la fait voir tous les jours, elle y est du moins représentée comme on s'imagine qu'elle devrait être. Ce style est une agréable illusion et une espèce d'enchantement quand il part d'un beau génie et d'un bon esprit, comme étant celui de Poussin, lui qui s'y est si bien exprimé. Mais ceux qui voudront suivre ce genre de peinture et n'auront pas le talent de soutenir le sublime qu'il demande courent souvent le risque de tomber dans le puéril.

Le style champêtre est une représentation des pays qui paraissent bien moins cultivés qu'abandonnés à la bizarrerie de la seule nature. Elle s'y fait voir toute simple, sans fard et sans artifice; mais avec tous les ornements dont sait bien mieux se parer lorsqu'on la laisse dans sa liberté que quand l'art lui fait violence.

Dans ce style, les sites souffrent toutes sortes de variétés : ils y sont quelquefois assez étendus pour y attirer les troupeaux de bergers, et quelquefois assez sauvages pour servir de retraite aux solitaires et de sûreté aux animaux sauvages.

Il arrive rarement que le Peintre ait l'esprit d'une assez grande étendue pour embrasser toutes les parties de la peinture. Il y en a ordinairement quelqu'une qui attire notre prédilection, et qui occupe tellement notre esprit qu'elle nous fait oublier les soins que nous devrions donner aux autres parties, et nous voyons presque toujours que ceux dont l'inclination les porte vers le style héroïque croient avoir tout fait quand ils ont introduit dans la composition de leur tableau des objets nobles et capables d'élever l'imagination, sans se mettre autrement en peine de l'intelligence et de l'effet d'un bon coloris. Ceux au contraire qui font dans le style pastoral s'attachent fortement à la couleur pour représenter plus vivement la vérité. L'un et l'autre style ont leurs spectateurs et leurs partisans. Ceux qui suivent le style héroïque suppléent par leur imagination à ce qui manque à la vérité, et n'y souhaitent rien davantage.

Ainsi pour contrebalancer l'élévation des paysages héroïques, je crois qu'il serait à propos de jeter dans les paysages champêtres non seulement un grand caractère de vérité, mais encore quelque effet de la nature piquant, extraordinaire et vraisemblable, comme a toujours fait Titien.

Il ya une infinité de paysage où l'héroïque et le champêtre sont heureusement joints ensemble, et l'on en pourra reconnaitre le plus et le moins par la description que je viens de faire de ces deux manières de s'exprimer dans le paysage

Les choses qui sont particulières au paysage et sur lesquels on peut réfléchir sont, à mon avis, les sites, les accidents, le ciel et les nuages, les lointains et les montagnes, le gazon, les roches, les terrains, les terrasses, les fabriques, les eaux, le devant du tableau, les plantes, les figures et les arbres.

Retour à la page d'accueil de la section Beaux -Arts