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Les salons de peinture officiels en France de 1725 à 1815
 

À partir de 1725, le Salon carré du Louvre est régulièrement utilisé pour présenter des œuvres. Le terme Salon apparaît pour qualifier l’événement : le Salon est de fait le lieu où les Académiciens présentent leurs œuvres au public. L'institution est soutenue par l'Etat sous la conduite du directeur de bâtiments royaux. L'événement devient alors rapidement un événement majeur avec entre 300 000 et 500 000 visiteurs. Il contribue à l'émergence d'un espace public de critique de la peinture, notamment avec Diderot qui couvre les salons de 1759 et 1781. (partie 1)

En 1791 la rupture avec l'Ancien régime se manifeste dans le monde de l'art. Au nom de l'égalité et de la liberté, le Salon est désormais ouvert à tous les artistes vivants. Il est mis fin au privilège qui permettait aux seuls membres de l’Académie royale d’exposer. En 1795, est créé l’Institut de France. Il est alors formé de trois "classes" dont celle des beaux-arts qui gère les Salons. (partie 2)

1 - Les populaires salons de l'académie royale au XVIIIe siecle

À partir de 1725, le Salon carré du Louvre (nommé à l'époque Grand Salon du Louvre) est régulièrement utilisé pour présenter des œuvres. Le terme Salon apparaît pour qualifier l’événement : le Salon est de fait le lieu où les Académiciens présentent leurs œuvres au public.

À partir de 1737, la périodicité de l'exposition devient régulière, et des dessins sont exposés au même titre que les peintures. L'institution est soutenue par l'Etat sous la conduite de Philibert Orry, directeur de bâtiments royaux. D'abord annuelle, elle n'a ensuite lieu qu'une fois tous les deux ans, les années impaires, de 1751 à 1795 et devient d'autant plus populaire avec pour récompense suprême le prix de Rome institué en 1666.

Dans les années 1780, c'est jusqu'à mille personnes par jour qui fréquentent le salon (35 000 en tout rien que pour l'année 1781). L'évènement contribue à l'émergence d'un espace public et international de critique de la peinture, amplifié par la couverture de portée européenne que lui assure Diderot dans les commentaires qu'il lui consacre dans la Correspondance littéraire, historique et critique de Frédéric Melchior Grimm entre 1759 et 1781.

Diderot suit l'ordre du Livret, qui regroupe les œuvres par artiste et classe les artistes par métier (peinture, gravure, sculpture) puis par position hiérarchique au sein de l'Académie (professeurs, puis simples académiciens, puis artistes agréés). En principe Diderot décrit chaque œuvre (en fait, il sélectionne, regroupe… et va plus vite pour certaines que pour d'autres). La Correspondance littéraire n'est pas imprimée mais recopiée à la main pour chaque abonné; a fortiori elle n'est pas illustrée.

Salon de 1759 Louis Michel Vanloo : Portrait de M. le Maréchal d’Estrée (1) ; Jean Restout, La Salutation angélique (4), Mardochée refuse d’adorer Aman (5), La Purification (6) ; Carle Vanloo : Mlle Clairon en Médée (7) Les Baigneuses (8). Jeaurat : Chartreux en méditation (10); Nattier : Mme Adélaïde en habit de cour tenant un livre de musique (12) Une Vestale (14). Vien : Guérison d’un infirme à la piscine de Bethesda (18). Chardin : Panier de pêches avec un rafraîchissoir, Panier de prunes avec un verre d’eau, Théière blanche avec raisin blanc et noir, Jeune dessinateur (36 à 39). Greuze, Le Repos (103), La Simplicité (104), La Jeune fille qui pleure son oiseau mort (107), Portrait d’Ange-Laurent de Lalive de Jully (108). Boucher : Le Sommeil de l’enfant Jésus (165)

Salon de 1761 1. Louis Michel Vanloo, Louis XV en habits de sacre 5. Carle Vanloo, Un tableau représentant une lecture 9. Boucher, La Halte 42. Chardin, Le Bénédicité 45. Le Melon entamé Le Bocal d’abricots 46. Le Panier de fraises des bois 97. Greuze, Portrait de François Babuti 100. L’Accordée de village, 101. Un jeune berger 105. La Marchande de marron

Salon de 1763 3. Restout, Orphée aux enfers, 5. L’Évanouissement d’Esther, pp. 242-243 6. Louis Michel Vanloo, Portrait de l’artiste avec sa sœur devant le portrait de leur père, 23. Vien, La Marchande à la toilette 24. Glycère ou la Marchande de Fleurs 26, Proserpine orne de fleurs le buste de Cérès sa mère (l’Été) 27 Offrande présentée à Vénus (l’Automne) 28. Vien, Une Prêresse brûle de l’Encens sur un Trépied (L’Hiver) 29, Une femme qui sort des Bains 62. Chardin, Le Bocal d’olives , La Brioche 69. La Tour, Portrait de Jean-Baptiste Lemoyne 81. Vernet, La Nuit par un clair de lune 89. , Vue du port de Rochefort 90. Vue du port de La Rochelle 91. , Le Soir ou le coucher du soleil 92. La Bergère des Alpes, 138. Greuze, Le Tendre Ressouvenir 139. Le Miroir cassé 140. Greuze, La Piété filiale

Salon de 1765

Gabriel saint Aubin : Vue du salon de 1765

1. Carle Vanloo, Auguste fait fermer les portes du temple de Janus 2. Les Grâces, 6. Les Arts suppliant le Destin d’épargner Mme de Pompadour 8. Boucher, Jupiter transformé en Diane pour surprendre Callisto 9. Boucher, Angélique et Médor, p. 311-312 10 et 11. Boucher, Quatre pastorales (n°12 du livret), p. 313-315 14. Boucher, Un Paysage où l’on voit un Moulin à l’eau 15. Hallé, La Justice de Trajan, p. 316-318 16. Hallé, La Course d’Hippomène et d’Atalante, p. 318-319 18. Vien, Marc Aurèle faisant distribuer au peuple du pain, p. 320-322 20. Lagrenée, Saint Ambroise présentant à Dieu la lettre de l’empereur Théodose, p. 323-324 22. Lagrenée, La Justice et la Clémence, p. 325 23. Lagrenée, La Bonté et la Générosité, p. 325-326 28. Lagrenée, La Charité romaine, p. 329-330 31. Deshays, La Conversion de saint Paul, p. 331-332 33. Deshays, Achille prêt à être submergé par le Scamandre est secouru par Vulcain, p. 332-333 39. Bachelier, La Charité romaine, Cimon dans sa prison allaité par sa fille, p. 338-340 46. Chardin, Les Attributs des Arts, p. 347 47. Chardin, Les Attributs de la musique, p. 347 48. Chardin, Canard mort pendu, p. 348 49. Chardin, Corbeille de raisins, p. 348 66. Vernet, Vue du Port de Dieppe, p. 356 67. Vernet, Le Midi, une tempête, ou les laveuses 68. Vernet, Vue de Nogent-sur-Seine, p. 357 97. Baudouin, Le Cueilleur de cerises, p. 372-373 99. Baudouin, La fille éconduite, p. 372 101. Baudouin, La Fille querellée par sa mère 103. Roland de la Porte, Nature morte aux pêches 105. Descamps, Une Cauchoise dans sa cuisine avec deux de ses enfants 110. Greuze, La Jeune fille qui pleure son oiseau mort, pp. 381-384 111. Greuze, L’Enfant gâté, p. 384 117. Greuze, Portrait de Georges Wille 124. Greuze, Le Fils ingrat, pp. 389-391 125. Greuze, Le Fils puni, pp. 391-393 127. Briard, Résurrection 131. Greuze, Portrait de Claude-Henri Watelet 132. Brenet, Le Baptême de Jésus-Christ, pp. 396-398 135. Loutherbourg, Une Caravane, pp. 403-404 144. Le Prince, Le Joueur de Balalaïka 150. Le Prince, Le Berceau pour les enfants, pp. 411-412 ss n°. Le Prince, Le Baptême russe, pp. 413-415 152. Le Prince, Paysage aux environs de Tobolsk, dit aussi Vue d’un pont de la ville de Nerva 162. Lépicié, La Descente de Guillaume le conquérant en Angleterre, pp. 416-418 176. Fragonard, Corésus et Callirhoé, pp. 423-431 178. Fragonard, L’Absence des père et mère mise à profit

Salon de 1767

Gabriel saint Aubin : Vue du salon de 1767

4. Louis Michel Vanlo, Portrait de Laure-Auguste de Fitz-James, princesse de Chimay 8. Michel Vanloo, M. Diderot, pp. 531-533 13. Hallé, Minerve conduisant la Paix à l’Hôtel de Ville, pp. 535-537 14. Hallé, La Force de l’union, ou la flèche rompue par le plus jeune des enfants de Scilurus, pp. 537-538 15. Vien, Saint Denis prêchant la foi en France, pp. 538-548 16. Vien, César face à la statue d’Alexandre, pp. 549-551 17. Vien, Saint Grégoire pape, pp. 551-552 19. Lagrenée, Le Dauphin mourant, environné de sa famille, pp. 572-578 26. Lagrenée, Mercure, Hersé et Aglaure jalouse de sa sœur, pp. 563-564 27. Lagrenée, Renaud et Armide, pp. 567-568 38. Chardin, Deux Tableaux représentant divers instruments de musique, pp. 592-593 39. Vernet, La Source abondante, Premier site de la promenade Vernet, pp. 594-598 39. Vernet, Les Occupations du rivage, Quatrième site de la promenade Vernet, pp. 605-612 39. Vernet, Le Fanal exhaussé, Cinquième site de la promenade Vernet, pp. 612-617 39. Vernet, Marine, Sixième site de la promenade Vernet, pp. 617-626 44. Vénevault, Apothéose du prince de Condé, pp. 639-640 47. Roslin, Portrait de Marmontel 57. Machy, Le Péristyle du Louvre et la démolition de l’hôtel de Rouillé, pp. 642-643 62. Drouais, Portrait d’une jeune femme en vestale 65. Voiriot, Un Tableau de famille, p. 646 67. Doyen, Le Miracle des Ardents, pp. 647-661 68. Casanove, Une Petite Bataille et son pendant, pp. 662-663 73. Baudouin, Le Coucher de la mariée, pp. 667-670 74. Baudouin, Le Sentiment de l’amour et de la nature cédant pour un temps à la nécessité, pp. 671-672 77. Baudouin, La mère qui surprend sa fille sur une botte de paille 82. Bellengé, Un Tableau de fleurs et de fruits, pp. 674-675 86. Leprince, On ne saurait penser à tout, pp. 678-679 87. Leprince, La Bonne Aventure, pp. 679-680 88. Leprince, Le Berceau, ou le réveil des petits enfants, pp. 680-682 101. Hubert Robert, Port de Rome, orné de différents monuments d’architecture antique et moderne, VERS 707-708 ; DPV XVI 347 104. Hubert Robert, Cuisine italienne, VERS 710-714 ; DPV XVI 352 105. Hubert Robert, Écurie et magasin à foin, peints d’après nature à Rome, VERS 708-710 ; DPV XVI 349 107. Hubert Robert, La Cour du palais romain, qu’on inonde dans les grandes chaleurs, pour donner de la fraîcheur aux galeries qui l’environnent, VERS 707 ; DPV XVI 347 110. Hubert Robert, La Cascade tombant entre deux terrasses, au milieu d’une colonnade et Une Vue de la Vigne-Madame, VERS 705-707 ; DPV XVI 345 111. Hubert Robert, Un Pont sous lequel on découvre les campagnes de Sabine, à quarante lieues de Rome, VERS 698-699 ; DPV XVI 334 115. Mme Therbouche, Portrait de Diderot, VERS 726 ; DPV XVI 375 120. Loutherbourg, Un tableau représentant des animaux, VERS 744 ; DPV XVI 401 121. Loutherbourg, Une Bataille, VERS 735-736 ; DPV XVI 387 123. Loutherbourg, Autre tempête, VERS 739 ; DPV XVI 394-395 127. Loutherbourg, Combat de mer, VERS 737 ; DPV XVI 390-391 127. Loutherbourg, Autre paysage, VERS 740 ; DPV XVI 397-401 134. Lepicié, Un Tableau de famille, pp. 752-754 137. Fragonard, Tableau ovale représentant des groupes d’enfants dans le ciel, pp. ,755-6

Salon de 1769. Boucher : Une Marche de Bohémiens (1). Louis-Michel Vanloo : Le Marquis de Marigny et sa femme (2) Une Espagnole jouant de la guitare (4). Chardin, Une femme nue occupée à traire une chèvre (34). Deux Tableaux de fruits (Plateau de pêches avec noix, couteau et verre de vin à demi plein)(35). Maurice Quentin de La Tour: Portrait de l’abbé Réglet (36), Portrait d’Hubert Gravelot (37). Greuze : Septime Sévère reprochant à Caracalla son fils d’avoir attenté à sa vie dans les défilés d’Écosse (151), La Mort du père dénaturé(152) Une jeune fille qui fait sa prière à l’autel de l’Amour(153), La Petite Fille en camisole qui saisit et joue avec un chien noir (155), Portrait d’Étienne Jeaurat (157) La Mort d’un père, regretté par ses enfants (160).

Chardin est le "tapissier" du salon; celui qui tapisse les murs de tableaux (parfois aussi appelé "placier"). L'impression est celle d'une saturation mosaïque. Le tapissier a une responsabilité énorme car il décide seul de l'accrochage des tableaux, des places les moins favorables à six mètres de hauteur ou à 70 ou 80 cm, ou des plus favorables : sur la cimaise. Mais les appariements sur la cimaise peuvent être fatals à tel ou tel artiste comme le note Diderot dans son Salon de 1769 :

Ce tapissier de Chardin est un espiègle de la première force, il est enchanté quand il a fait quelques bonnes malices ; il est vrai qu’elles tournent toutes au profit des artistes et du public ; du public qu’il met à portée de s’éclairer par des comparaisons rapprochées ; des artistes entre lesquels il établit une lutte tout à fait périlleuse.

 

L'accrochage se fait sans logique thématique ; comme on peut toujours le voir dans les gravures de Pietro Antonio Martini dans ses représentations des salons de 1785 et 1787.

Pietro Antonio Martini : Vue du salon de 1785 et Vue du salon de 1787.

Importante fonction isolante du cadre quand 3 000 à 4 000 oeuvres sont exposées ensemble. Tableaux parfois nomades dans le salon durant ses 50 jours. On y voit aussi l'entrée des spectateurs dans la peinture : c'est un événement mondain, un rite de passage et d'appartenance.

Cinq femmes demandent leur admission durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Thérèse Reboul, souvent citée sous son nom d'épouse, madame Vien est admise à l'Académie le 30 juillet 1757 en tant que "peintre de miniatures et gouaches spécialisée en fleurs, papillons et oiseaux". Anne Vallayer-Coster (1744-1818) est admise le 28 juillet 1770 à vingt-six ans. Marie-Suzanne Giroust (1734-1772) épouse d'Alexandre Roslin est reçue le 1er septembre 1770. Après son admission, l'Académie, qui se sent de plus en plus menacée par ces talents féminins, limite leur nombre à quatre : "l'académie ayant considéré que, quoiqu'elle se fasse un plaisir d'encourager le talent dans les femmes en en admettant quelques unes dans son Corps, néanmoins ces admissions, étrangères en quelque façon à sa constitution, ne doivent pas être trop multipliées; elle a arrêté qu'elle n'en recevrait point au delà de quatre". Marie-Suzanne Giroust, dernière à y être entrée, meurt deux ans plus tard d'un cancer du sein. Et lorsque Anna Dorothea Therbusch décède à son tour en 1782, ce sont deux places qui se libèrent. Adélaïde Labille-Guiard (1749-1803) se porte candidate à l'Académie royale en 1783 avec un portrait de 1782, du sculpteur Augustin pajou, académicien depuis 1760 et ami de la famille, en train de modeler le buste de son maître Jean-Baptiste II Lemoyne. Le 31 mai 1783, l'Académie l'agrée et la reçoit par 29 voix sur 32. Le même jour, Elisabeth Vigée Le Brun (1755-1842) espère aussi obtenir le titre le plus prestigieux pour une peintre.

Le Salon de Paris n'est pas l'unique manifestation artistique de ce genre dans la France des Lumières. Sur Paris, on trouve trace de comptes rendus des expositions de la place Dauphine dites "de la Jeunesse" (1722-1788), des présentations des œuvres des élèves de "l’École royale des élèves protégés" (1750-1769), d'événements organisés par l’Académie de Saint-Luc (1751-1774), de l’exposition du Colisée (1776), des livrets des deux "Expositions de la Jeuness " (1789-1791) organisées par J.-B. Lebrun, du "Salon de la Correspondance" (1779-1787) organisé par Pahin de La Blancherie, des expositions de la "Société des amis des arts de Paris" (1790-1793).

Le succès du Salon de l’Académie de Saint-Luc fut tel que l’Académie royale de peinture et de sculpture en prend ombrage. L’édit de mars 1776 abolit « jurandes, communautés et confréries d’art et de métier ». L’Académie de Saint-Luc ferme donc ses portes en 1777. Après la fermeture de l’Académie de Saint-Luc, le Salon de la Correspondance, un Salon permanent, est créé en 1779 rue de Tournon par Pahin de la Blancherie. Les artistes n’appartenant pas à l’Académie royale de peinture et de sculpture peuvent y exposer leurs œuvres contre une cotisation minime. Il ouvre en 1781.

Et les Provinces françaises ne restèrent pas à l’écart de ce mouvement parisien. En 1786, il existe 33 académies de province. Des Salons se sont tenus dans des capitales provinciales à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ainsi : à Toulouse (1751-1791), Marseille (1756-1763), Dijon (1771-1777), Bordeaux (1771-1787), Lille (1773-1800), Poitiers (1776-1777), Montpellier (1779-1786), Amiens (1782, 1784), Lyon (1786), Valenciennes (1786, 1787) et Versailles (1799, 1800).

2 - Fin de l'Académie royale,
création de l'Institut de France et de l'Académie des Beaux-arts

Les Bâtiments du Roi commandent un tableau à Jacques-Louis David pour le Salon de 1787 mais celui-ci ne le réalise que deux ans plus tard. Suite aux événements révolutionnaires du printemps et de l’été 1789. Il entreprend alors un grand tableau dont il choisit le sujet Les Licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils. Lucius Junius Brutus (vers 500 av. JC) qui peut être d’ailleurs aisément associé à son homonyme, le fils et assassin de César, est alors considéré comme un Républicain qui lutte victorieusement contre la tyrannie royale jusqu’à ordonner la mort de ses fils comploteurs pour rétablir la monarchie.

Acheté 6 000 livres par le roi, le tableau est exposé au Salon de 1789, déjà ouvert. L’œuvre est rapidement récupérée à des fins politiques et est même à nouveau exposée au Salon de 1791.

Jacques-Louis David, bien qu’il en fût membre, s’était toujours rebellé contre l’autorité de l’Académie et les privilèges de ses membres, qu'il assimilait, non sans raisons, à ceux des corporations dissoutes par la Convention, comme en son temps Lebrun s'était rebellé contre la corporation des peintres et imagiers. En septembre 1789, prenant la tête, avec Jean-Bernard Restout, des « Académiciens dissidents », un groupe fondé pour réformer l’institution des Beaux-arts, il demande la fin des privilèges de l’Académie, et notamment le droit pour les artistes non agréés de pouvoir exposer au Salon. Tout en poursuivant son activité artistique, il entre en politique, en prenant la tête en septembre 1790 de la « Commune des arts », issue du mouvement des « Académiciens dissidents ». Il milite auprès de l’Assemblée pour la suppression de toutes les Académies et obtient la fin du contrôle du Salon par l’Académie royale de peinture et de sculpture.

Il participe comme commissaire adjoint au premier « Salon de la liberté », qui ouvre le 21 août 1791. Au nom de l'égalité et de la liberté, le Salon est désormais ouvert à tous les artistes vivants par un décret de l'Assemblée nationale. Il est mis fin au privilège qui permettait aux seuls membres de l’Académie royale d’exposer. Le "Salon libre" de 1791 met, pour la première fois, les prestigieuses cimaises du Louvre à la disposition de chaque peintre, sculpteur ou graveur, sans condition d’âge, de statut, de nationalité ou de sexe. De nouveau, le Salon consacre David qui triomphe avec trois tableaux déjà exposés, dont le Brutus, mais aussi le dessin préparatoire du Serment du Jeu de Paume.

David dépose une motion à la Convention en novembre 1792 et obtient effectivement la dissolution de l'Académie. La décision n’est entérinée, par un décret soutenu par le peintre et l’abbé Grégoire, que le 8 août 1793 ; entre-temps, il fait aussi supprimer le poste de directeur de l’Académie de France à Rome.

En juillet 1793, c'est la « Commune générale des arts » dont Jean-Bernard Restout est président qui organise le Salon dans un contexte difficile, évoqué par le livret de l'exposition : « Il semblera peut-être étrange à d'austères républicains de nous occuper des arts, quand l'Europe coalisée assiège le territoire de la Liberté. » David, occupé à peindre La Mort de Marat, n'y participe pas, mais ses élèves y figurent en bonne place. Joseph Ducreux présente les portraits de Couthon et de Robespierre, et Isabey y fait ses débuts. Si l'on trouve encore des paysages et des scènes de genre, l'actualité y tient sa place avec des œuvres telles que Le Départ pour les frontières, La Fête des Sans-culottes sur les ruines de la Bastille, La Montagne et le Marais ou encore Le Siège des Tuileries par les braves Sans-culottes, aujourd'hui bien oubliées avec leurs auteurs.

Sur les 258 artistes qui se présentent, les femmes peintres et sculptrices sont 31. Elles sont plus nombreuses qu'en 1791. Marie Geneviève Bouliard et Rose Ducreux y exposent de nouveau tandis que Nanine Vallain et Jeanne-Philiberte Ledoux y font leurs débuts. Mais d'autres sont absentes. Elisabeth Vigée Le Brun, inscrite sur la liste des émigrés et dont tous les biens ont été saisis s'abstient. Adélaïde Labille-Guiard s'est retirée à la campagne. En septembre 1793, elle est priée comme tous les ex-académiciens de venir déposer [leurs] titres et brevets afin de les livrer aux flammes. La commune générale des arts, elle-même soupçonnée d'être devenue "un nouveau repère d'aristocrates" est dissoute pour être remplacée le 23 décembre par la Société populaire et républicaine des arts et il est demandé à ses membres d'être des citoyens d'un "patriotisme épuré".

Dans La commune générale des arts, il y avait 13 femmes sur 200 membres. Il n'y en a aucune dans La société populaire et républicaine des arts car le rapport Amar a été accepté par la convention. Celui-ci declare que les hommes et les femmes étant par nature tres différents, chacun se devait d'etre employé à des occupations propres à son sexe. La Convention nationale, décrèta ainsi le 31 octobre dans son article 1er. "Les clubs et Sociétés populaires de femmes, sous quelques dénominations que ce soit, sont défendus".

Les académies de l’Ancien Régime dissoutes, le besoin demeure d’une assemblée d’écrivains, de savants et d’artistes et la Convention, en son avant-dernière séance, le 25 octobre 1795, crée l’Institut de France. Il est alors formé de trois "classes" dont celle des beaux-arts gère les Salons. Ils sont encore dominés par les élèves de David, les Gérard, Hennequin, Gautherot, Debret, Broc, Berthon, Girodet ou Antoine-Jean Gros. Pour pallier l’abondance des envois, la création d’un jury, chargé de se prononcer sur la recevabilité des œuvres, est décidée en 1798. L'esthétique néoclassique prédomine dans les Salons après la Révolution, sous le Directoire, le Consulat et le Premier Empire. Les femmes ne sont pas admises comme membres mais continuent de participer aux salons à condition d'être retenues par le jury.

Le Salon de 1799 est marqué par l'exposition du tableau de Pierre-Narcisse Guérin, Le Retour de Marcus Sextus, dont le succès est dû au sujet même, perçu comme une évocation du retour des émigrés et un message de réconciliation nationale.

En 1800, David Refuse de participer au Salon de peinture, et s'inspirant de l’exemple des peintres américains Benjamin West et John Singleton Copley, il organise une exposition payante des Sabines (1798) dans l’ancienne salle de l’Académie d'architecture, prêtée par l’administration du Louvre. Il installe en face du tableau un miroir où par un effet d'illusion, les visiteurs peuvent se croire intégrés dans l’œuvre. À cause du retentissement dû à la nudité des personnages et à la rumeur que les sœurs de Bellegarde, célèbres dans la société du Directoire, ont posé comme modèles, et à la controverse liée à son caractère payant, l’exposition, qui se déroule jusqu’en 1805, connaît un grand succès, attirant près de 50 000 visiteurs et rapportant 66 627 francs, ce qui permet à David de s’acheter en 1801 un ancien prieuré devenu une propriété de 140 hectares, la ferme des Marcoussis, à Ozouer-le-Voulgis en Seine-et-Marne.

L'arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte suscite un nombre croissant d'œuvres dévolues à la célébration de ses faits militaires : le Salon de 1804 voit le succès d'Antoine-Jean Gros avec Les Pestiférés de Jaffa, et celui de 1808 témoigne de la prééminence de l'iconographie napoléonienne avec deux grandes toiles, Le Sacre de Napoléon de David et La Bataille d'Eylau de Gros. Les anciennes académies siégeaient au Louvre. Celui-ci étant devenu le grand musée Napoléon décida de donner à l’Institut un nouveau siège, particulièrement prestigieux. Le 20 mai 1805, les membres de l’Institut franchissent la Seine et s'installent au Collège des Quatre-Nations.

Bibliographie :