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Centre Georges Pompidou

Galerie 2, niveau 6

19 septembre 2007 – 8 janvier 2008

Alain Bergala avait proposé à Jordi Ballo, directeur du centre contemporain de Barcelone, de réaliser une première exposition de cinéma sous forme d'une correspondance entre Abbas Kiarostami et Víctor Erice. Il sait que ce dernier, grand cinéphile, connaît les films de Kiarostami. Le projet prend corps lorsque Bergala interroge Kiarostami sur Erice et que celui-ci lui déclare son admiration pour Le songe de la lumière, l'un des plus grands films sur les rapports entre peinture et cinéma.

La correspondance entre les deux cinéastes, tout deux nés en juin 1940 à une semaine d'intervalle, l'un dans l'Iran de l'ancien régime, l'autre dans l'Espagne franquiste, s'articule autour de trois sujets : l'enfance, la situation politique et ses effets sur la difficulté de la création, la possibilité pour les autres arts de régénérer leur pratique de cinéaste.

Víctor Erice comme Abbas Kiarostami sont des cinéastes de l'enfance. L'esprit de la ruche (1973), Le Sud (1983) du cinéaste espagnol, Le Passager (1974), Devoirs du soir (1989), entre autres nombreux titres du cinéaste iranien, sont devenus des références absolues en matière de cinéma de l'enfance.

Pour Victor Erice, l'enfance est le foyer des sensations. Mais, comme le révèle La morte rouge (2006), sa scène primitive est profondément marquée par Franco ce qui génère probablement chez lui une difficulté pour tourner des films dans l'Espagne contemporaine.

Pour Kiarostami, l'enfance est peut-être, malgré les chefs-d'œuvre qu'il a produit, un thème de circonstance. Il devient cinéaste en travaillant à L'Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (le "Kanun"). Où est la maison de mon ami ? et Devoirs du soir (1989) sont l'occasion de parler quand même de l'Iran alors que la censure interdit presque tout en matière de dialogues ou de contact entre adulte. Son sujet principal est, selon Alain Bergala, comment la loi se transmet dans une société. Il y a ainsi très peu de différence entre les films d'avant et d'après la révolution. Le passager, marquant sans doute une présence de la société plus grande que dans Où est la maison de mon ami ? au style plus poétisé.

Bergala propose donc en introduction du parcours de chacun des deux cinéastes L'art de l'enfance pour Erice : un art qui part effectivement des pures sensations de l'enfance et L'enfance de l'art pour Kiarostami : un cinéma des origines sans trop de montage.

E1-K1 : introductions.
E2 : Alain Bergala : l'art de l'enfance

K2 : Alain Bergala : l'enfance de l'art.

E3 : Enfantement K3 : Roads.
E4 : Le rêve du peintre, approches K4 : sleepers
E5, E6, E7 Tumultes du monde, silence de la peinture (oeuvres d'Antonio Lopez)  
E8 : la morte rouge K5 : Five.
  K6 : Rain. Ten minutes older
Correspondance
K7 : untitled photographs. K8 : Forest without leaves.
   

E1-K1 : Introductions : Sur deux écrans de projections côte à côte, des extraits des films des deux cinéastes, ponctués de chapitres choisis par Alain Bergala.

E1 : L'art de l'enfance : Les enfants des rues, La rencontre de l'étranger, Les signes et le don, le monde est fantastique, les portes du futur, La communauté des enfants

K1 : L'enfance de l'art : La caméra des origines, la frontalité des débuts, le temps qu'il fait, filmer des vrais gens, les chemins, les mysteres sous la terre.
"Placer la caméra devant les choses et les êtres qu'ils ont choisi. Les enregistrer avec attention et respet. Cinéaste du plan avnt d'être des cinéastes du récit. L'être des choses, respect de la liberté à laquelle a droit le spectateur.

 

K3 : The roads of Kiarostami (1978-2003) Une quarantaine de photographies de paysages arides, désolés, en noir et blanc, rayés par le tracé d’une route, le plus souvent un chemin de terre. Rien d’autre. L’usage du noir et blanc élimine toute suggestion de verdure et lesarbres y sont très rares. Une sorte de vision obsédante d’une nature sombre sous des nuages menaçants. « J’adore l’automne et l’hiver. Je prends énormément de photos durant ces deux saisons. » Presque toutes ces routes partent du premier plan et fuient vers le lointain en suivant une ligne brisée ou, au contraire, des sinuosités qui leur donnent un caractère graphique très marqué. « La géométrie et l’art de la proportion existent déjà dans la nature […]. Il faut seulement les découvrir et en connaître le sens ou, au moins, l’interpréter. »

Les routes sont une constante visuelle et dramatique dans les films de Kiarostami : ses personnages sont en perpétuel déplacement, que ce soit à pied ou en voiture (certains films se passent presque exclusivement dans l’habitacle d’une voiture). « Pourquoi la route ? […] Je pense que les raisons de tout choix sont à chercher dans l’enfance et mon attirance pour les routes doit venir de cette époque. » Quel sens donner à cette image récurrente, mise en valeur ici puisqu’elle constitue le sujet de la série ? « La route est existence, la route est l’essence de l’homme. » Pour Kiarostami, les routes sont symboles de quêtes, « quêtes affectives ou quêtes pour un bout de pain ». Ces photos, qui semblent dans un premier abord ignorer l’homme, le placent en fait au cœur même du discours. Le fossé entre l’œuvre cinématographique et l’œuvre photographique n’est alors qu’apparent… C’est là, sans doute, une clé essentielle pour pénétrer plus avant dans cet univers photographique : nous avons affaire à des photos d’absence. D’absence et de solitude. L’arbre solitaire renvoie à la solitude de l’homme, la solitude de celui qui regarde la photographie, la route perdue dans un vaste paysage renvoie à l’homme, aux hommes qui l’ont tracée et que l’on ne voit pas. Le photographe procède par épures successives, choisissant également l’absence du détail ou tournant le dos à tout pittoresque, ne retenant dans le champ de son objectif que l’essentiel, refusant tout ce qui pourrait distraire l’œil, tout ce qui relèverait de l’anecdotique. C’est d’ailleurs pour Kiarostami le réel privilège de la photographie que de pouvoir se passer de l’anecdote : « La différence entre photographie et cinéma vient de ce que le photographe, contrairement au cinéaste, n’est pas obligé de raconter une histoire. C’est pour cela que j’aime la photographie ».

« Les premières années de la révolution nous ont freinés dans notre travail. Un jour où je n’avais rien à faire, je me suis acheté un appareil photo Yashika bon marché et j’ai pris le chemin de la nature. J’avais le désir de faire un avec elle. J’avais en même temps le désir de partager avec les autres ces moments agréables dont j’étais le témoin. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à prendre des photos. Éterniser en quelque sorte ces moments de passion et de douleur », déclaret- il dans un entretien avec Michel Ciment.

Alors que le cinéaste est avant tout le scrutateur des visages et des corps de ses acteurs, le chroniqueur précis de l’aventure intérieure de ses personnages, le photographe, lui, se réfugie dans la solitude de la nature ; il ne saisit jamais aucun visage avec son objectif et presque jamais aucun être vivant. Alors que le réalisateur met presque obstinément l’être humain au tout premier plan, le photographe le dissout (quand il apparaît) dans l’ensemble d’une vaste composition. « Si parfois on peut trouver des êtres vivants dans mes photos, ils font partie de la nature. […] Les chiens errants, le mouton, le berger et les paysans sont des particules de la nature. » Aucune photographie ne porte de titre ou même de numéro. Le titre serait infléchir la pensée ou la contemplation du visiteur dans un sens. L’influencer. C’est au contraire l’absence de sens clos qui séduit Kiarostami dans la pratique de la photographie. « Le mystère d’une image reste scellé parce qu’elle n’a pas de son, il n’y a rien alentour. Une photo ne raconte pas une histoire. »

K4 : Sleepers (Les Dormeurs, 2001), projetté à la verticale. Le specateur peut se promener autour du lit...voir dessus. Un jeune couple dort d’un sommeil sans cesse perturbé par les bruits d’une grande ville au cours d’une nuit chaude.

Abbas Kiarostami, Sleepers Installation, 2001 Courtesy Galerie de France, Paris

Ce film de plus d’une heure et demie n’est pas conçu pour être vu dans sa continuité et son intégralité. Le public peut entrer, sortir, tourner autour du couple. En faisant cela, le visiteur change continuellement l’angle de vue, ce qui est impossible au cinéma, où le spectateur reste assis devant un écran vertical.

K5 : Five (2002) : film de cinéma qui a connu une sortie « commerciale » mais se présente le plus souvent comme une installation muséale ; c’est ainsi qu’il a été montré en cinq salles différentes à New York, au Moma.

Des cinq moments de Five, film dans lequel le cinéaste s’affranchit de l’obligation de raconter une histoire, le cinquième est peut-être le plus radical : une séquence de près d’une demi-heure où, à l’écran, n’apparaît que de temps en temps, dans le noir le plus complet, le reflet de la lune sur la surface d’un étang. Le jour se lève à la fin de ce qui se présente comme un seul et même plan (en fait plusieurs plans « soudés » à la faveur d’un noir à l’image).

Si la bande image est d’une rigueur extrême, la bande son est d’une grande profusion. Les bruits, voire le tumulte de la nuit au bord d’un étang, avec ses coassements et sifflements de toutes les familles imaginables de batraciens, les jappements au loin des chiens, le grondement de l’orage, le bruit d’un moteur d’avion rôdant dans la nuit, le premier éveil du coq puis le chant des oiseaux à l’aube, tout cela compose un paysage et une dramaturgie sonores d’une saisissante richesse. À l’heure où, dans le cinéma le plus courant, la bande son est traitée comme une amplification pléonastique de l’image afin d’en souligner les moindres effets, chaque bruit ici est dissocié de son support physique afin de laisser la place, par son pouvoir de suggestion, à une image mentale.

« Je ne supporte pas le cinéma narratif. Je quitte la salle. Plus il raconte une histoire et mieux il le fait, plus grande devient ma résistance. Le seul moyen d’envisager un nouveau cinéma, c’est de considérer d’avantage le rôle du spectateur. » (Entretien avec Kiarostami, Jean-Luc Nancy, L’Évidence du film, Abbas Kiarostami, Klincksieck, 2007).

 

K6 : Rain (2007) C’est, poussée à un degré extrême, ce travail d’épure qui semble dominer dans la série Rain, neuf grands tirages, en couleurs cette fois. De l’habitacle de sa voiture Kiarostami photographie le paysage mais derrière l’ « écran » des vitres (pare-brise ou vitre de portière) brouillées par la pluie.

Abbas Kiarostami, Un jour de pluie Lettre 6, 11 mars 2007 CCCB / Abbas Kiarostami

« La voiture est tout simplement une belle idée. Ce n’est pas simplement un moyen de locomotion pour aller d’un endroit à un autre. Cela représente aussi une petite maison, un habitacle intime avec une grande fenêtre dont la vue change à tout moment. » (Laurent Roth, Abbas Kiarostami, textes, entretiens, « Cahiers du cinéma », Petite bibliothèque, 1997)

Il y a comme un souvenir en creux des tableaux impressionnistes dans cette série, accentué par le fait que les épreuves ont été tirées (à une exception près) sur des toiles tendues sur des châssis et que le modelé des gouttes d’eau donne un sentiment de « pâte ». Après l’épure, cette série a un caractère plus charnu, plus sensuel. Kiarostami a pratiqué la peinture, avant d’en venir à la photographie mais, de son propre aveu, il ne s’est jamais considéré comme un peintre. La démarche esthétique est ici toujours d’éliminer l’anecdote. On ne saisit à peu près rien du paysage sinon quelques formes incertaines, des masses plus ou moins sombres et identifiables, et des couleurs atomisées. Il est vrai que nous percevons clairement être dans un environnement urbain, avec notamment l’éclat rouge des feux de position des automobiles. Mais la précision du rendu des gouttes d’eau fuyant sur les vitres, et qui confère à l’image un caractère proche de l’abstraction, l’emporte de beaucoup sur la lisibilité du réel.

C’est là une piste pour aborder Rain, en cohérence avec la démarche qui avait nourri The Roads of Kiarostami : suggérer qu’une autre réalité est latente au-delà du premier regard. Mais à l’inverse de la première série qui donnait le plus souvent une sensation d’intemporalité, Rain rend tangible l’instant qui fuit. Aucune des photos de cette série ne serait la même une fraction de seconde plus tard. Quoi de plus mouvant que le ruissellement de la pluie sur un parebrise en mouvement ? Bien avant d’entreprendre cette série, Kiarostami précisait à Michel Ciment : « Il n’y a que la photographie qui puisse nous offrir ce luxe d’enregistrer pour l’éternité les moments uniques qui ne durent qu’un instant. » Le réseau dense des gouttes de pluie sur la vitre matérialise en quelque sorte la transparence et fait écran. Le parallélisme des plans de l’objectif et de la vitre fait qu’ils se confondent et, par là, aplatissent la représentation. Ce que nous voyons, à l’inverse de la série des routes, ne suggère jamais la profondeur, une réalité en trois dimensions mais au contraire une surface plane, une image seulement de la réalité.

 

K6 (suite) et E3 : Ten minutes Older (Plus vieux de dix minutes, 2001) de Kiarostami. correspond avec Enfantement (Alumbramiento 2002) de d’Erice Les installations ont été réalisés à l’occasion d’un long métrage sur le temps. Les réalisateurs,l'ont traité avec le même thème d'un enfant qui dort.

Abbas Kiarostami, Ten minutes older Installation, 2001 Museo Nazionale del Cinema de Torino

Une histoire réduite à sa plus simple expression.Un enfant dort puis se réveille Un seul plan de dix minutes. Quand l’enfant se réveille en pleurnichant, lui comme nous sommes devenus « plus vieux de dix minutes ». Une façon lumineuse dans son extrême simplicité d’appréhender le temps qui passe. Le film est projeté au sol.

 

Correspondance : au cœur du dispositif, sur un écran à deux faces est projetée la Correspondance des deux réalisateurs. La Correspondance est actuellement composée de dix lettres composées depuis 2005 mais une onzième, voire une douzième lettre, viendront compléter l’ensemble d’ici la fin de la manifestation.

Kiarostami intitule ses deux premières lettres Mashhad et Un jour de pluie. Víctor Erice a le souci d'entretenir un dialogue avec son interlocuteur iranien (1 et 2). Sa première lettre se termine sur un titre célèbre de Kiarostami Et la vie continue (3) et, pour la lettre suivante, il part dans le bourg d’Arroyo de la Luz filmer un instituteur qui présente à ses élèves Où est la maison de mon ami ? (4)

Víctor Erice, Sea Mail Lettre 7, 10 août 2006

Lorsqu’Abbas Kiarostami lui envoie une lettre montrant un coing emporté par le courant d’une rivière (allusion au Songe de la lumière), Víctor Erice montre ce petit film à Juan, un berger espagnol, (5) et la lettre suivante filme ses réactions et ses commentaires (6).

Plus tard, Erice enroule un message écrit à la main dans une bouteille qu'il jette à la mer depuis l'île de Moro (Baléares) et qui atterrit sur une plage iranienne dans les filets de pêcheurs qui essayent en vain de déchiffrer le texte en espagnol (7) Ne recevant pas de réponse immédiate de la part de Kiarostami, il envoie une seconde lettre où il imagine les tribulations de cette bouteille plusieurs fois trouvée et rejetée à la mer (8). Kiarosatmi répond enfin (9) imaginant la lettre transportée par les airs. La dernière lettre à ce jour est de Erice (10). L’ensemble de ces lettres-vidéo projetées en continu dans l’exposition dure plus d’une heure et demie.

 

K7 : Untitled (Sans titre, 1978-2003). Dans les quatorze grands tirages d’Untitled nous retrouvons des paysages sous la neige, comme dans Roads, mais le tracé des routes a disparu sous l’abondante couverture de la neige. « J’ai toujours la nostalgie de la neige. Elle a un lien avec notre enfance. » Tout disparaît sous la neige, sauf les troncs des arbres, un corbeau ici, là un cheval. Le graphisme des troncs noirs sur de grandes plages blanches parachève ce sentiment d’épure qui travaillait la série précédente ; il nous fait pénétrer dans un univers esthétique japonisant et nous remet en mémoire qu’Abbas Kiarostami, le poète, compose des haïkus… « Les paysages perdent leurs détails quand ils sont couverts de neige et trouvent une nouvelle beauté. » Le photographe joue des ombres pour faire entrer dans le cadre la part de réel restée dans le hors champ et suggérer la présence de ce que l’œil ne voit pas : l’ombre d’un branchage vient ainsi se développer au pied d’un tronc en un raccourci saisissant, les arbres se dressent ou s’inversent, tracent des raies noires verticales ou horizontales dans des compositions aux multiples jeux de symétrie proches de l’art du tapis. Toujours aucun être humain, des arbres, rien que des arbres, des arbres sans feuilles puisque c’est l’hiver mais « l’arbre et la vie de l’homme sont liés de façon inséparable ». « J’ai l’impression qu’avant il neigeait avantage. Au point qu’on était obligé de fermer les écoles. C’est peut-être pour cette raison que nous étions joyeux. Ou bien la neige rend-elle tout simplement les gens joyeux ? Car même les petits qui n’avaient pas l’âge d’aller à l’école étaient heureux. »

K8 : La fôret sans feuilles (2005) Le visiteur pénètre dans un espace planté d’arbres. L’installation est spectaculaire et ludique. Ce sont des photographies d’écorce de troncs d’arbre qui entourent des cylindres d’aluminium.

Abbas Kiarostami, La Forêt sans feuilles Installation, 2005 Courtesy of the Victoria and Albert Museum and Colin Morris Associated, London

La définition de ces photographies est telle que le visiteur a la très nette illusion de la présence réelle, au point qu’il ne peut réprimer son envie de toucher. La démultiplication de ces arbres par les miroirs qui couvrent les murs de la salle (qui prend des allures de palais des glaces des fêtes foraines) nous installe au cœur d’une forêt dense et sans limites. C’est le domaine des illusions et des divagations poétiques car nous sommes dans la forêt des rêves et celle des mythes ou des contes de l’enfance. Le souvenir d’un poème persan du 14e siècle « Le jardin sans feuille », lu sur le mur, face à l’entrée, et le cri régulier du corbeau inclinent notre déambulation parmi les arbres vers un sentiment plus mélancolique ; et, pour certains, reviennent en mémoire les premiers vers d’un sonnet de Baudelaire : La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers dont le titre est précisément « Correspondances » !

Ces arbres entrent en résonnance avec le cognassier du Rêve du peintre de Víctor Erice et celui du tableau d’Antonio López, le peintre dont Erice a suivi le travail dans son film le Songe de la lumière. Lorsqu’on voit les coings pourrissant du Rêve du peintre, comment ne pas penser au poème Le Jardin sans feuille de Mehdi Akhavan-Saless, qui introduit à la Forêt sans feuilles de Kiarostami et plus particulièrement à ces vers : « Il raconte l’histoire de tous ces fruits / qui, après avoir touché le firmament, gisent aujourd’hui / ensevelis au fond de la terre » ?

E5, E6, E7 Tumultes du monde, silence de la peinture (2006). Le dispositif « met en scène » quatre œuvres d’Antonio López, le peintre du Songe de la lumière. Au cours d’un cycle de trois ou quatre minutes, chaque tableau émerge de l’obscurité totale et «vit» dans des variations d’intensité et de colorations lumineuses, tandis qu’une bande son place la toile dans le contexte de son exécution ; ainsi nous entendons le bruit de la circulation intense de ce carrefour animé de Madrid pour Gran Via (Grand rue).

En soulignant le « manque » apparent dans la peinture silencieuse, Erice révèle la recherche du peintre qui volontairement a peint les moindres détails de cette rue mais l’a vidée de ses voitures et de ses passants. Une peinture d’absence donc, comme la photographie de Kiarostami est une photo d’absence. Par ailleurs, en installant la contemplation dans la durée d’une bande son, le cinéaste force le regard du visiteur à s’arrêter quand celui-ci ne fait le plus souvent que passer. Nous nous interrogeons alors sur notre propre capacité à regarder un tableau.

Víctor Erice, Le Songe de la lumière (El sol del membrillo, 1992) Rosebud Films

E8 : La morte rouge. Méditation sur la rencontre de Erice avec le cinéma alors quil était enfant, dans le décor quasi fantastique d'un casino fermé, plongé dans la semi-obscurité, aux tables de jeu fantomatiques recouvertes de draps immenses. Cette rencontre est celle d'un film, La griffe sanglante (Roy William Neill, 1944) sur lequel l'enfant s'est posé, sans avoir les réponses, des questions essentiels sur son rapport au monde, aux adultes, aux acteurs, sur la relation entre l'écran et la vie.

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