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Bacon en toutes lettres
Centre Pompidou
11 septembre 2019 – 20 janvier 2020

Cette exposition singulière, la première depuis plus de vingt ans (la dernière rétrospective française date de 1996, déjà au Centre Pompidou), permet de voir l’évolution de la peinture de cet artiste au cours de ses vingt dernières années.

À sa mort, l’inventaire de la bibliothèque de Francis Bacon (1909-1992) recense plus de mille ouvrages. L’artiste affirmait que la littérature constituait un stimulus puissant de son imaginaire. Ses lectures lui inspiraient une atmosphère générale, des images qui surgissaient, comme le font les Furies dans ses tableaux. C’est donc sur ce thème littéraire que Didier Ottinger, commissaire de cette exposition, a conçu celle-ci en présentant une soixantaine d’œuvres allant de 1971, année de l’exposition que lui consacra le Grand Palais, procurant à Bacon une renommée internationale, jusqu’à sa mort.

Bacon perd son compagnon, George Dyer, mort en se suicidant, quelques jours avant le vernissage de l’exposition de 1971. Il en est très affecté et éprouve un sentiment de culpabilité qui prend la forme symbolique et mythologique des Erinyes (Les Furies) appelées à proliférer dans sa peinture. Les trois triptyques dit « noirs » peints en souvenir de son ami défunt (In Memory of George Dyer, 1971 ; Triptych-August 1972 et Triptych, May-June 1973) commémorent cette disparition.

L’exposition ne montre que cinq œuvres d’entre 1967 et 1971, date de l’exposition Bacon au Grand Palais, et s’attache aux deux dernières décennies : les 55 autres pièces, dont douze grands triptyques (3 panneaux de près de 2 mètres sur 1,50 mètre chacun) auxquels s’ajoutent des portraits, des autoportraits et diverses toiles. Or cette période est souvent tenue pour moins inventive que les débuts, les variations à partir du portrait du pape Innocent X de Velasquez et d’un autoportrait de Van Gogh, les boucheries, les cages. En faisant venir des œuvres d’Australie, des Etats-Unis et de toute l’Europe, issues de collections privées et publiques, l’exposition démontre à quel point cet a priori est faux. Dans ces tableaux, la peinture de Bacon est stylistiquement marquée par sa simplification, par son intensification. Il use d’un registre chromatique inédit, de jaune, de rose, d’orange saturé. Ainsi, non seulement Bacon ne faiblit pas en vieillissant, même quand il reprend des compositions antérieures, mais il prend des risques nouveaux, en épurant, en allant jusqu’à des formulations elliptiques à l’extrême, si elliptiques parfois que leur interprétation est ouverte à plusieurs hypothèses.

En dehors d’un panneau introduisant dans cette exposition, il n’y a aucune autre explication sur les cartels relatifs aux tableaux exposés. En revanche sont entendues dans des pièces ad hoc des lectures en continu, en français et en anglais, de six auteurs : des textes d’Eschyle (Les Euménides), de Nietzsche (La vision dionysiaque du monde), de TS Eliot (La terre dévastée), de Michel Leiris (Miroir de la tauromachie), de Joseph Conrad (Au cœur des ténèbres) et de Georges Bataille (Chronique Dictionnaire), tous auteurs appréciés de Bacon et l’ayant inspiré; en effet dans chacune des pièces où l'on écoute ces textes figurent des livres, exemplaires venus de la bibliothèque de Bacon et en mauvais état, preuve qu’ils ont servi.

 

Salle 1 :

Pour pallier l'indisponibilité de Painting 1946 et de Etude d'après Innocent X (1962), l'état de ces oeuvres ne leur permettant pas d'être présentées au Grand Palais, Bacon en réalise des "copies". Ce sont ces copies qui ouvrent l'exposition...Les originaux n'ayant toujours pas fait le déplacement :

Salle 2 : In Memory of George Dyer

De 1971 à 1973 Francis Bacon peint trois triptyques que la critique anglaise qualifie de "noirs" et qui commémorent le suicide de son compagnon George Dyer qui survient deux jours avant le vernissage de l'exposition au grand palais.

Une page de l'art et de la vie de Francis Bacon se tourne en 1971. L'état français lui ouvre les portes des galeries nationales du grand palais qui lui consacrent une importante rétrospective. Deux jours avant le début de l'exposition, son compagnon George Dyer succombe à une overdose de barbiturique dans la chambre d'hôtel parisien qu'il partage avec le peintre.

Ce décès et l'exposition du Grand Palais conduisent Bacon à porter un regard rétrospectif sur son œuvre comme sur son existence. Lui qui dans sa peinture s'était jusque là évertuer à saisir l'instant présent, à fixer le passage du temps en une image instantanée, se voit assailli par le souvenir du temps perdu. "Après l'exposition de Paris, je vais résolument entreprendre de peindre une autobiographie. J'espère cristalliser le temps à travers cette série à la façon dont Proust l'a fait dans ses romans. (Francis bacon dans Richard Cork "Why Bacon will paint his life story", Evening Standard, 4 octobre 1971)"

Le sens, la finalité de l'art de Bacon semble alors s'inverser. S'il s'était jusqu'alors attaché à montrer comment la vie, à tout instant, est la proie de l'action corruptrice du temps et de la mort, il allait désormais en appeler à cette énergie pour animer les images inertes et figées puisées dans sa mémoire.

In Memory of George Dyer, 1971
Huile et letraset sur toile, chaque panneau 198 x 147.50 cm , Bâle, Beyeler Museum

Dans le panneau central de In Memory of George Dyer, 1971, le bras gorgé de vie que Bacon greffe sur la silhouette de Dyer que la mort a réduit à une ombre éclaire ce processus. Ce bras qui tourne la clé dune serrure est celui des baigneuses de Dinard de Picasso, de la compagne de ses jeux érotiques, que Bacon avait découvert à Paris en 1927. Les figures de Dyer que Bacon installe dans les panneaux latéraux de son triptyque disent elles aussi sa fin. Son entrée irrémédiable dans le monde des souvenirs. L'athlète qu'il a été devient un boxeur au moment du KO qui le précipite dans l'abîme. Dans le panneau de droite, Dyer retrouve la pause dans laquelle l'avait figé le photographe John Deakin, celle, altière, d'un marbre de Michel Ange, inspiré d'un modèle impérial. Du théâtre d'ombres de la photographie à un portrait romain né du culte des ancêtres défunts, Bacon accompagne Dyer dans sa traversée du Styx, le fleuve des enfers.

Triptyque août 1972
Huile et sable sur toile, chaque panneau 198,1 x 147,3 cm Londres, Tate Gallery

De leur apparition dans la peinture de 1953 deux personnages à leur interprétation synthétique dans l'ultime Triptyque 1991, les deux lutteurs inspirés au peintre par une photographie de Muybridge constituent les figures les plus centrales de l'oeuvre de Francis Bacon. Ce sont elles que l'on retrouve dans les panneaux centraux de cinq triptyques. En 1991, la copulation des deux figures est come déployée iconographiquement par l'apparition, sous forme de "photographies" épinglées des deux protagonistes de la scène : José Capelo Blanco, le dernier amant de Bacon, et le peintre lui même. Cette lecture qui tend à faire des personnages du panneau central, la "somme" des figures des panneaux latéraux a conduit les rédacteurs de cartels de Triptyque aout 1972 lors de l'exposition à la Tate Liverpool en 2016 à identifier Dyer à gauche et Bacon lui-même à droite, s'insérant chronologiquement entre les deux triptyques noirs en hommage à son compagnon. Il permet à Bacon de délaisser la chronique de la mort de Dyer, en célébrant les sentiments et en ravivant la passion qui le liait à lui.

Triptyque mai-juin 1973
Huile sur toile, triptyque, chaque panneau 198 x 147.5 cm . Collection privée

La narration que réfute Bacon a propos de ses tableaux est cependant amoindrie par ses déclarations a propos de Triptyque mai-juin 1973. La narration est ici directement liée aux circonstances du décès de George Dyer, aux vomissements provoqués par son ingestion d'une dose massive de barbituriques, à la decouverte de son corps inanimé sur les toilettes d'une chambre d'hôtel. Le tableau injecte dans la peinture de Bacon, un symbolisme, une métaphysique dont il s'était défié jusqu'alors. L'ombre jusque là signe objectif de la métamorphose bidimensionnelle de la figure, prend ici la forme d'une chauve-souris, symbole ancien de la nuit et de la mort.

Salle 3 : Eschylle

Des la fin des années 30, Bacon lit Eschyle. Le eumédides,chargés de poursuivre les coupables, font un retour en force dans sa peinture dans les années 70 lorsquil se repproche la mort de George Dyer. Dans le Triptyque inspiré par l’Orestie d’Eschyle de 1981, Etude pour les Euménides de 1982, Œdipe et le Sphynx d’après Ingres de 1983 et Peinture Mars 1985 apparaît une créature qui tient de l’oiseau, de la chauve-souris et du mollusque. Elle se suspend à une barre horizontale, sa tête cornue en bas. Elle est la sœur ou la progéniture des monstres qui hurlent dans Trois études de figure au pied d’une crucifixion, premier et décisif triptyque de Bacon de 1944, dont la seconde version, de 1988, est au bout de l’exposition, final terrible. Effilée, lisse, grisâtre ou rosâtre, on la reconnaît, tête dressée cette fois, gueule ouverte, dans le Triptyque de 1976, où vole un vautour ou un corbeau noir, et où les corps humains sont écrasés jusqu’à exploser et répandre organes et sang.

Une image de presse de la rue où fut assassiné Olof Palme (Scène de rue avec voiture au loin)

 

Salle 4 :

 

 

Salle 5 :

Dans son atelier,  

 

Salle 6 : Nietzsche

Un portrait du président Wilson après la signature du traité de Versailles (Triptyque 1986-87),

 

Salle 7 : T. S. Eliot

The waste land

 

Salle 8 : Michel Leiris

Parmi ses contemporains, Michel Leiris est l’écrivain le plus proche de Bacon. C’est lui qui fait la traduction en français des entretiens du peintre avec David Sylvester et surtout il collabore avec Bacon à la conception d’un ouvrage illustré, Miroir de la Tauromachie, publié en 1990.

 

Salle 9 : Joseph Conrad

 

 

 

Salle 10 : Georges Bataille

Une scène de corrida fait écho à un extrait du Miroir de la tauromachie de Michel Leiris et une peinture de carcasse au texte ironique de Bataille sur notre rejet des abattoirs. Une Étude d’après le corps humain, happé par un paravent noir, plonge au Cœur des Ténèbres, à l’unisson d’un Joseph Conrad.

 

Salle 11 :

Étude d’un taureau. Un tableau testament où l’artiste minotaure, réduit au noir et blanc, nous toise, au seuil de l’arène, prêt à s’évanouir dans l’ombre. « La poussière semble éternelle, disait-il, c’est la seule chose qui dure toujours. »

Source : Fiche de Spectacles-sélection