du vendredi 24 au dimanche 26 octobre 2008.

Le colloque était co-organisé par l'Université de Paris-X Nanterre, Les cahiers du cinéma, le mémorial de Caen, le Café des images et l'université de Caen (pour la partie théâtre)

Le colloque a permis de revenir sur l'analyse de deux films contestés Redacted (voir : résumé du débat) et La guerre des mondes (samedi matin) pour en montrer la complexité de mise en scène et de faire découvrir Saïa de Florent Marcie.

L'influence du onze septembre au cinéma a été remarquablement analysée par François-Xavier Molia qui la voit comme une parenthèse de trois ans dans la production des blokbusters américains où est convoquée la mémoire oblique de l'évènement (voir : résumé de la conférence).

Laurent Veray a montré comment la guerre du golfe a marqué une déréalisation du filmage de la guerre et comment, au contraire, la guerre d'Irak, a été totalement encadrée pour revenir aux règles de la propagande classique. Son film d'une dizaine de minutes mettant en parallèle les figures de la propagande de la grande guerre avec celles des guerres du golfe a été particulièrement éclairant.

Le débat du samedi soir fut intense tout à la fois avant et après la projection. Avant la projection, Eugenio Renzi rappelait le soutien des cahiers à Redacted et l'importance du onze septembre dans les films tels que Cloverfield ou V pour vendetta. Les professeurs de théâtre de l'université de Caen se demandaient s'il y avait vraiment besoin que les intellectuels des Cahiers se portent au secours des grosses machines hollywoodiennes et s'il n'y avait pas mieux à faire que de défendre un peu d'engagement dans un océan de fabrication commerciale.

Après la projection le débat s'est focalisé sur l'intérêt de terminer Redacted, Valse avec Bachir et Khiam 2000 sur des photographies, des objets, ou des vidéos de reportage comme pour attester d'une réalité que la fiction aurait été incapable de produire.

 

Programme et résumé des conférences

 


vendredi 24 octobre à 20 h 45
: Soirée d’ouverture au Café des Images à Hérouville-Saint-Clair.

Introduction au colloque par Laurent Véray (Maître de conférences en cinéma à l’Université de Paris X-Nanterre) et Jean- Michel Frodon, (Directeur de la rédaction des Cahiers du Cinéma). Projection de Saïa en présence du réalisateur Florent Marcie et de Redacted de Brian de Palma, présenté par Jean-Michel Frodon.

Les Cahiers ont en effet immédiatement et ardemment défendu le film. Redacted s'appuie sur dix sources d'images différentes : un journal en vidéo HD, un documentaire français, des images de vidéosurveillance, un journal intime en ligne sur you Tube, un entretien en webcam, une cassette d'Al-Qaeda, des reportages télévisés en direct...

Les images utilisées ou, plus exactement, reconstruites par De Palma ne sont pourtant pas des images plus justes. Elles ne constituent pas la garantie d'un surcroît de vérité par rapport à celles de la fiction hollywoodienne. Elles produisent au contraire l'idée d'un pastiche de la réalité, d'un faux dispositif contrôlé par un metteur en scène omniscient.

Le faux documentaire français est emphatique dans son commentaire et sa musique et esthétisant dans ses couleurs et ses plans de soleils couchants. Ce pourrait être un pastiche d'un reportage arty pour Arte ou un pastiche du documentaire des frères Naudet sur le onze septembre. Enfin pour un reportage, filmé de l'extérieur comment expliqué le plan subjectif vu depuis la voiture où la femme enceinte va être tuée?

Le son des caméras de vidéosurveillance est d'excellente qualité et non pas déformé et souvent à peine audible comme il devrait l'être. L'effet de réel que l'on pourrait attendre d'une source supposée neutre et plate est également détruit par le fait que la caméra est calée sur les bonnes informations données au bon moment sur la préparation du viol et plus tard sur l'intimidation de B. B. Rush envers Mc Coy.

Les faux reportages télévisés ignorent la règle du contre-champ interdit. On voit mal dans un vrai reportage télévisé, la caméra s'attarder sur le visage de la reporter après la déclaration désespérée et rageuse du père après le massacre de sa famille.

Il semble donc que De Palma n'ai pas voulu jouer la carte d'un surcroît de réalité dû au recyclage des nouvelles images. Sans soute a t-il voulu subvertir encore davantage le sous genre du film d'atrocité de guerre qu'il avait déjà abordé avec Outrages, réalisé il y a presque vingt ans.

Ce que décrit aujourd'hui de Palma c'est un monde qui communique sans savoir bien discerner le vrai du faux. Les soldats se pastichent eux-mêmes en se filmant ou en interprétant un curieux happening après la mort de Salazar. B. B. Rush et Reno Flake, déguisés avec des têtes de canards rendent hommage à leur copain. Soudain Flake raconte une scène de son enfance avec son frère qui n'a rien à faire ici. Ce sera le seul moment de vérité capté par le film au sein du pastiche organisé.

 

Samedi 25 octobre : Au Mémorial de Caen dans le cadre de la 2ème édition de"Les Etats de la Paix"

9 h 30 : "Over there : Iraq is on Tv" par Fabien Boully (Maître de conférences en cinéma à l’Université de Paris X-Nanterre).



11 h 00 : "Réminiscence, occultation : images du 11 septembre dans le film-catastrophe contemporain" par François-Xavier Molia (Maître de conférences en cinéma à l’Université de Poitiers).

Les attentats du 11 septembre 2001 ont immédiatement conduit les studios hollywoodiens a abandonner quelques projets et à reporter la sortie de 40 films, le plus connu étant Dommage collatéral de Andrew Davis qui sortira finalement en 2002. Spiderman se verra également amputé de sa séquence où le héros tend sa toile entre les deux tours.

Pendant quatre ans de 2002 à 2005, les films seront soumis aux deux contraintes de décence et pudeur. Décence parce qu'un divertissement ne pouvait être irrespectueux vis à vis de la mémoire des victimes et pudeur afin de ne pas rappeler cet événement à la population. Cette autocensure hollywoodienne est tacitement levée en 2006 avec World trade center et vol 93 et plus nettement encore en 2007 avec Cloverfield.

François-Xavier Molia appelle ère du soupçon, cette période de 2002-2005 réticente à l'évocation d'un désastre sur le sol national. Trois films catastrophe marquent pour lui cette période où les cinéastes évoquent de manière oblique la mémoire du 11 septembre : Fusion, Le jour d'après et La guerre des mondes. Certes ce dernier film relève de la science-fiction avec l'attaque extra-terrestre mais il est néanmoins vécu par son spectateur comme une catastrophe en marche.

Finalement ce sera sur une période de courte durée qu'auront coexisté blockbuster et mauvaise conscience avec une occultation partielle de la catastrophe. Les analystes, les Cahiers du cinéma en premier lieu, auront sans doute exagéré les conséquences sur le public de cet événement devenu un événement socioculturel comme les autres alors que le goût pour le spectacle pyrotechnique est une constante. En 2006, Poséidon, remake de L'aventure du poseîdon marque la volonté de faire des blockbuster comme avant le 11 septembre.

Si sur longue période on a continuité de la forme, cet événement traumatisant aura néanmoins comme la crise de 29 par exemple conduit à une éclipse de la masculinité héroïque au profit d'une complexité plus grande des personnages principaux. C'est ce que démontre brillamment François-Xavier Molia avec l'analyse des trois films catastrophe de l'ère du soupçon : Fusion, Le jour d'après et La guerre des mondes.

Remise en cause du leadership de l'Amérique

Le jour d'après remet en cause l'autorité du leadership de l'Amérique. Il s'inscrit dans le climat d'inquiétude et de repentance qui marque cette période comme Farenheit où Syriana qui mettait en cause le président et la CIA.

Ici le vice-président parcourt un trajet initiatique depuis son refus des accords de Kyoto au nom des principes du libéralisme jusqu'à son allocution alors qu'il est devenu le nouveau président "we were wrong, i was wrong". On notera aussi qu'il a du, annuler la dette des pays pauvres pour fuir le sol national. Laurent Emrich s'en prend à l'arrogance des USA en montrant les frontières avec le Mexique franchies dans le sens inverse des émigrés économiques par la population américaine.

Fusion s'en prend au chef tout puissant. Qu'est-ce qu'un bon leader ? Beck ne doit pas compter seulement sur sa compétence mais assumer l'échec et les erreurs

La guerre des mondes invalide l'autorité paternelle. C'est un homme en fuite qui refuse l'action. Il entre en conflit avec son fils et surtout avec Allen car ne croit pas en la possibilité de riposter. Ray abandonne son ancienne amie de l'autre côté du pont. A la fin, il n'a pas résolu sa crise de paternité


Exigence de décence et de pudeur
Un article du Los Angeles Time rappelait l'exigence de décence et de pudeur que l'on attendait alors d'un film de fiction. Fiction qui ne devait montrer "ni corps qui tombe ni tour en feu". Cela a bien entendu des conséquence sur la visibilité du désastre : s'il est difficile de montrer la catastrophe, comment alors concilier destruction et spectacle. Charles Tesson dans un article des cahiers d'avant le onze septembre évoquait ces films où le spectateur pouvait jouir du spectacle de la destruction car il savait que la catastrophe ne pouvait se passer au-delà du film contrairement à d'autres qui jouent avec des peurs ancrées dans le quotidien comme La tour infernale ou Les dents de la mer.

Fusion et La guerre des mondes appartiennent à la première catégorie avec leur voyage au centre de la terre ou une invasion extraterrestre peu probable. Le premier allie aussi fantaisie géologie farfelue et solution improbable (un savant fou a inventé un alliage capable de résister aux chaleurs extrêmes). Il s'agit alors de mettre en scène une catastrophe inouïe qui ne s'est jamais produite et n'a pas de passé.

Cette déréalisation de la diègese ne ce trouve pas dans le jour d'après qui est une mise en garde plausible des effets du réchauffement climatique.

Une autre constante des trois films est de ne pas montrer des corps morts défigurés ou brûlés mais des "cadavres propres" les premières victimes de Fusion sont ainsi des porteurs de pacemaker qui décèdent suite au dérèglement des ondes magnétiques sans que les autorité scientifiques ou militaire ne puisse le percevoir. Dans le jour d'après les victimes meurt par le froid ce qui garde leur corps intègre et, dans la guerre des mondes, les rayons mortels font disparaître les corps. Dans la gurre des mondes la poussière grise qui couvre les survivants rappelle celle issu d ela destruction des deux tours.

La destruction de New York et notamment de sa sky line avait déjà été vue de nombreuse fois au cinéma (Armagedon, Deep impact, Indepandance day). ll est cependant vu d'assez loin et par un raz de marée dans le jour d'après avec seulement ensuite des bâtiments détruits et en ruines.

Mémoire oblique
Dans Le jour d'après il n'y a pas de cadavres visibles, même la statue de la liberté reste debout. Cependant le processus juxtaposition centre ville et avion catastrophe est appréhendée par les acteurs du film depuis la télévision. Il y a dans ce dispositif d'appréhension de la réalité la mémoire oblique de comment ont été appréhendés par les spectateurs les événements du onze septembre. Si reproduire la scène est interdit, l'imaginaire travaille le film. Dans la guerre des mondes, les pharses phrases de Welles. Il semblait que tout le pays brûlait, et "ils sont déjà parmi nous " prennent un sens nouveau bien loin de la parodie à l'eouvre dans Armaguedon lorsque le chauffeur d etaxi déclarait "Sadam nous attaque" qui faisait rire,


L'acte de voir enjeu politique
Réfugié dans une maison Sam et Allen ne savent d'abord pas de quoi ils ont été témoin. Allen rappelle que, dans son métier d'ambulancier, seuls ceux qui parvenaient à garder les yeux ouverts s'en sortaient Pour Allen la seule manière de s'en sortir, c'est de regarder le danger en face, de ne pas rester ignorant du monde. Ce personnage est pourtant disqualifié. Affronter les extra terrestres paraît suicidaire et Ray préfère sans doute à juste raison protéger sa fille. L'aspect "gore" de l'attaque extra terrestre est occulté. Le corps dont le sang est aspiré est hors champ. Le sang est pourtant dispersé, omniprésent. Ray en voit la trace sur ses doigts et sur son visage. Ray met un bandeau sur les yeux de sa fille quand il se décide tuer. Il lui demande aussi de chanter une comptine pour qu'elle n'entende pas les bruits de la lutte. Il ferme la porte qui le sépare de sa fille. C'est la violence des pères. Protection partielle la comptine se révèle plus efficace que dans A history y of violence où la petite fille est tuée dans la scène initiale mais là elle entend et enlève le bandeau une fois le meurtre accompli et avant que son père ne revienne. Les enfants sont conscients de la violence des protecteurs impossible d'occulter complètement le génocide indien et la violence inhérente des protecteurs


Débat :

Eugenio Renzi voit une critique du Potriot acte dans Inside man et V pour Vendetta. En Amérique même, chacun est un terroriste en puissance l'ennemi est à l'intérieur. Remet en cause l'idée d'axe du mal, puisque le mal est au sein même de la société et que ce sont les membres de la société qui retourne la violence contre elle. Les attentats sont montrés comme un spectacle pyrotechnique (sans victime et dans une société répressive)

Critique développée par Robert Altman : les terroristes ont pensé l'attentat comme un spectacle. Ils ont utilisé les moyens vidéo et Internet et de mise en scène qui sont ceux de la société du spectacle. Interprétation qui a sans doute le tort de culpabiliser la société américaine en la rendant responsable de ce qui lui arrivée.

Les frères Naudet dont on pourrait voir dans le reportage "barrage" de Redacted une caricature de leur film montrent des témoins du drame s'écriant "c'est La tour infernale"

 

14 h 00 : "Guerres post-11 septembre et jeux vidéo" par Alexis Blanchet (ATER en cinéma à l’Université de Paris X-Nanterre) et Olivier Mauco (ATER en science politique à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne).

15 h 30 : "Correspondances de guerres : de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, en passant par la Grande Guerre" par Laurent Véray (Maître de conférences en cinéma à l’Université de Paris X-Nanterre).

Laurent Veray note enfin que la représentation de la première guerre en Irak est allée trop loin dans le sens d'une déréalisation manifeste. Les gens ont vite cessé d'y croire. La seconde a été mieux planifiée par les responsables de la communication, mais finalement ça ne tient pas la distance : aujourd'hui la guerre en Irak est une guerre occultée par les médias américains et le désintérêt des citoyens. Celui-ci se voit dans l'échec commercial des films sur le sujet, une grande victoire de la propagande.

17 h 00 : "Les créations artistiques libanaises d’après-guerre : tentatives de représentation d’un espace-temps chaotique" par Ghada Sayegh, (Université de Saint-Joseph à Beyrouth).


Clôture à 18h00. Puis, au Café des Images à Hérouville-Saint-Clair à 20 h 30 : Projection de ... Film présenté par Eugenio Renzi.

Dimanche 26 octobre : Au Café des Images à Hérouville-Saint-Clair

9 h 00 : Accueil autour d’un café

9 h 30 : "Le 11 septembre au théâtre" entretien avec Sophie Lucet (Maître de conférences en Arts du spectacle, Université de Caen) autour de trois auteurs : 11 septembre 2001 de Michel Vinaver Trois semaines après le paradis de Israël Horovitz Theorbe de Christian Siméon + Captation d’un entretien avec Michel Vinaver à propos de 11 septembre 2001

10 h 30 : projection de la captation du Monologue/ Art, vérité et politique/Poèmes de guerre de Harold Pinter, suivie d’un entretien avec Jean-Marie Besset, auteur dramatique, traducteur, créateur du Festival Nava qui a mis en espace ce spectacle avec Jean-Louis Trintignant et Roger Dumas (Limoux 2006).

11 h 30 : "Les conflits du Proche Orient sur scène" par Chantal Meyer-Plantureux (Professeur en Arts du spectacle, Université de Caen Basse-Normandie), présentation de trois textes : Terre Sainte de Mohamed Kacimi Beyrouth Blues de Israël Horovitz Par ici, on ne joue pas les malheureux de Idan Meir (inédit en France)


Suivi d’un débat avec le public. Fin du colloque à 12h30

 

 

Ciné-club de Caen