Editeur : Arte vidéo. Octobre 2007. Durée DVD : 161 min. Durée film : 137 min. Dolby Digital 5.1 et Stéréo.

Suppléments :

  • Entretien avec Guillaume Depardieu - 10 min
  • Entretien avec Manu de Chauvigny, décorateur du film – 9 min

Armand de Montriveau, général français, débarque dans une île espagnole lors de l'expédition française pour rétablir l'autorité de Ferdinand VII. C'est dans le monastère qu'abrite cette île qu'il découvre que soeur Thérèse est la femme qu'il recherche depuis cinq ans. Il obtient l'autorisation de la voir en présence de la mère supérieure...Cinq ans plus tôt sous la Restauration. Dès leur première rencontre, le général Armand de Montriveau tombe follement amoureux de Antoinette de Navarreins, coquette parisienne et épouse du duc de Langeais.

Jacques Rivette domine, et de loin, tous les autres metteurs en scène pour l'adaptation d'Honoré de Balzac au cinéma. L'atmosphère de fantastique social, les puissances secrètes et les pouvoirs occultes le rapprochent de l'auteur de L'histoire des treize et du Chef-d'œuvre inconnu, deux romans dont il s'inspira précédemment pour Out one spectre (1971) et La belle noiseuse (1991).

Ne touchez pas la hache est le premier titre de Ferragus chef des dévorants, le premier opus de L'histoire des treize dont La duchesse de Langeais et La fille aux yeux d'or constituent une sorte de suite. C'est donc bien le fantastique qui imprègne la trilogie que Rivette souhaite réintroduire dans l'opus central, peut-être le plus mondain et le moins criminel des trois.

La première partie sur l'île espagnole mêle les thèmes de la forteresse (le monastère haut perché), de l'interdiction (les grilles et le rideau rouge qui interdisent l'entrée dans le chœur de la chapelle) et du déchiffrement (le dessin en mosaïque sur le sol). On ignore d'abord comment Montriveau reconnaît Antoinette de Langeais. Ce n'est que bien plus tard, lorsque l'on comprendra qu'il a été bouleversé par un morceau joué par Antoinette, que l'on saura que d'entendre seulement chanter celle qu'il aime a suffit pour la reconnaître.

L'entrevue en présence de la mère supérieure se clôt théâtralement et dramatiquement par ces mots hautement prononcés "J'ai menti ma mère, cet homme est mon amant". Le rideau brutalement refermé nous renvoie au passé.

Les phrases de Balzac apparaissant à l'écran ponctuent l'avancée de l'intrigue qui s'organise comme une tragédie. Acte 1 : Antoinette se fait peur et s'amuse de son général. Acte 2 : Montriveau se venge. Acte 3 : Antoinette tente une dernière démarche avec l'envoi de la lettre par Vidame de Pamiers et la pendule arrêtée empêche Montriveau de la rejoindre.

L'acte un vaut par la légèreté d'Antoinette, sa façon de mettre en scène ses fleurs ou la lumière, d'inventer une pose pour s'opposer au désir du général au nom de sa santé, des convenances ou de la religion.

L'acte deux revient au général : ses menaces lorsque Antoinette le provoque sur la banalité de ce mot "Ne touchez pas la hache" et où bascule alors la décision de se venger dans la soirée (acier contre acier). L'introduction dans cette partie de personnages plus actifs qui gravitent dans l'entourage d'Antoinette renforce la position inflexible de Montriveau.

La dimension fantastique culmine dans la troisième partie avec l'ivresse de De Trailles et de De Marsay ressassant les occasions d 'employer "Etourdissante" ou "il y a du drame", les torches dans la nuit et les larmes d'Antoinette.

Rivette emporte définitivement l'adhésion par le retour dans l'île espagnole et l'atmosphère sauvage, au-dessus des lois qu'imposent les Treize qui n'emporteront qu'un cadavre : Antoinette croyait qu'elle n'avait d'autre choix que de mourir de consomption.

La violence des propos des Treize, le cimetière par où l'abordage a lieu, le voilier seul sur la mer plate, l'atmosphère crépusculaire du cloître, l'appel à se souvenir d'Antoinette comme d'un poème de jeunesse, tout ici renvoi à un fantastique immémorial, aux noces de l'amour et de la mort dans l'éternité du mythe du hollandais volant.

L'édition DVD permet aussi de vérifier que lorsque Montriveau reconduit la duchesse après l'avoir menacée de la marquer au fer, au pied de l'escalier de son hôtel, on entend le cri des mouettes. Ce cri des mouettes s'intensifie dans le couloir qui les conduit dans la salle du bal.

Rien d'autre ne vient justifier ces cris que le pressentiment du drame qui se nouera dans la citadelle et que préfigure le discours halluciné d'Antoinette : "Mon ami je vous aime comme aiment vos bourgeoises. Ce monde horrible ; il ne m'a pas corrompue. Je suis jeune et viens de me rajeunir encore. Je suis une enfant, ton enfant tu viens de me créer. Ne me bannit pas de ton eden". Ce à quoi, Montriveau, buté, ne répond que par un "Avancez !" qui nouera le drame final.

Jean-Luc Lacuve le 16/10/2007

 

Entretiens avec Guillaume Depardieu et Manu de Chauvigny

Guillaume Depardieu avait d'abord rencontré jacques Rivette pour un projet sur un autre film, l'histoire d'une société secrète dans un Paris moderne. Il a été surpris de constater que le scénario était très écrit contrairement à ce que disait Bonitzer à propos de la façon dont Rivette travaillait auparavant.


Manu de Chauvigny, décorateur du film voulait des décors discrets et vivants et ne pas donner l'impresssion de vieux murs. Rivette souhaitait aussi de la couleur et des costumes vifs. Ensuite il a fallu se renseigner sur les accessoires. Les éclairages par exemple changent considérablement entre 1750 et 1830. Location d'un château près d'Arpajon, que l'on n'avait pas beaucoup vu au cinéma, tout de même moins cher que la location d'un studio. Création complète du boudoir d'Antoinette à partir duquel le film prend sa source. Scène de bal tourné à l'hôtel de Soubise. Regret du manque d'argent pour la scène du départ de Paris. Il aurait fallu une maquette pour voir les lumières rougeoyantes de Paris sur lesquelles se retourne Antoinette, évoquées par le texte de Balzac.

Moment d'intense émotion que la découverte de l'île italienne avec la citadelle imprenable. A partir de là l'histoire pouvait exister dans son contraste entre le monde clôt de la nuit pariesienne et cette blancheur lumineuse.... Le chef opérateur a dû ensuite se débrouiller pour éviter que l'on voit les fils haute tension.

 

 
présente
 
Ne touchez pas la hache de Jacques Rivette