Editeur : Arte Editions. Octobre 2009. Edition 4 DVD, masters restaurés. DVD1 : Au Bonheur des Dames (Julien Duvivier, 1930) . DV2 : Comédiennes (Ernst Lubitsch, 1924). DVD3: Nana (Jean Renoir, 1926). DVD4 : Le voleur de Bagdad (Raoul Walsh, 1924). 35 €.

Suppléments :

  • Présentations de Serge Bromberg, Patrick Brion ou Noël Simsolo.
  • Les étapes de la restauration
  • Des entretiens, des courts-métrages.
Un coffret de quatre chefs-d'oeuvre du muet

Un coffret à 35 euros pour quatre chefs-d'œuvre du muet : deux des adaptations les plus éblouissantes de deux des plus grands romans d'Emile Zola, la naissance d'un nouveau genre cinématographique avec Comédiennes de Lubitsch et la fantaisie et l'aventure aux frontières du kitsch et de l'expressionnisme avec Le voleur de Bagdad.

Serge Bromberg présente Au Bonheur des Dames

La version originelle muette est présentée à la profession le 24 mars 1930. Le film sort en salle dans une version sonorisée le 3 juillet. Seule la première version, muette, survit aujourd'hui.

Le monde change sans nostalgie avec les grands magasins comme cathédrales de temps moderne et une mutation qui laisse sur le carreau les petits métiers d'autrefois. Zola s'est inspiré de Auguste Heriot, co-fondateur des Grands magasins du Louvre dont il fait un homme moderne sans scrupule mais non sans charme.

Heriot avait loué le rez-de-chaussée de l'hôtel du Louvre en 1855 pour créer Les galeries du Louvre. En 1875, il rachète l'ensemble de l'immeuble de la rue de Rivoli pour créer Les grands magasins du Louvre. Le bâtiment est occupé aujourd'hui par le Louvre des antiquaires.

Duvivier transpose ce Paris en pleine mutation dans les années 20 où la mécanisation accentue encore la modification des rapports sociaux et l'émergence de ce monde meilleur tant attendu et que la caméra exalte avec ses travellings vertigineux et son dynamisme qui plonge dans la foule ou au coeur du trafic.

Duvivier utilise les décors des galeries Lafayette. L'extérieur de l'immeuble est filmé avec le procédé "mach shot", conçu par l'anglais Percy Day qui consiste à filmer, pour une partie du décor, un modèle réduit haut de quelques centimètres.

La fin, fleur bleue, avait été choisie par Zola. Elle est reprise par Duvivier.

Noël Simsolo et Patrick Brion présentent Comédiennes de Lubitsch

Lubitsch considérait ce film comme son vrai premier film américain, un de ses films préférés dont il fera un remake caché avec Une heure auprès de toi. Il était aussi le film préféré de Lubitsch de Hitchcock et Chaplin et le film préféré de Kurosawa qui décida de son goût pour le cinéma.

Le film initie aussi le genre de la comédie matrimoniale. Comédiennes, le titre français qui s'est imposé après Qu'en pensez-vous ?, pourtant meilleur, ne se justifie que par la comédie que joue Mizzi en se prétendant malade pour séduire Franz Braun.

Lubitsch sous l'influence du Fruit défendu (De Mille, 1921) et de L'opinion publique (Chaplin, 1923) est passé avec ce film, d'un coup, des farces allemandes à la célèbre Lubitsch touch. Il s'est débarrassé des devoirs que lui avait imposés Mary Pickford qui l'avait fait venir à Hollywood pour intensifier la psychologie de ses films à grands spectacles. Il ne choisit ainsi pas de vedettes mais deux comédiens de la Warner sous contrat et deux autres venus d'ailleurs. Son opérateur affirme que Lubitsch jouait tous les rôles la veille de la scène et exigeait qu'elle soit projetée le lendemain aux acteurs afin qu'ils se calent sur son jeu.

Le premier plan du film, la chaussette trouée, dit déjà que le mariage ne va pas car la femme ne s'occupe pas de son mari. Ce que redoublera le plan du tiroir avec juste des cols mais pas de chemises.

La Lubitsch touch c'est ainsi d'abord faire parler les objets : les deux verres, la rose, le vase, les gants, le cocotier et la tasse de café. C'est aussi jouer avec les regards car chacun interprète de manière différente l'objet et la situation.

Lorsque le spectateur pense avoir deviné ce qui se joue entre Mizzi et Franz devant le taxi, Lubitsch intercale le regard du mari qui observe ce que les autres ne savent pas. Le spectateur se trompe encore sur la signification de ce regard : Josef sourit en évoquant ce qu'il va pouvoir tirer de ce qu'il croit avoir compris.

Même jeu de regards trompeurs avec le poignet pris et repris, les deux verres, le cocotier et la tasse de café.

Charlotte ne croyait pas envoyer une rose à Gustave. Elle se rie d'abord de l'infatuation du Gustav puis croit ensuite en voyant le bouquet abandonné que son mari ne l'aime plus. La rose que l'on verra ensuite dans le verre sera interprétée différemment par Charlotte et Gustav.

Plus tard le vase brisé accable Franz alors que pourtant il n'a rien fait. Le lapsus sur le changement de sexe se retourne contre lui avec la paire de gants que découvre sa femme et chaque geste va ensuite l'enfoncer, tel le carton d'invitation

Le rôle des portes s'élabore aussi dès ce film. En ouvrant la première porte du cabinet, Gustav est trompé. Il croit voir mari et femme. Mais, en ouvrant la seconde, il en sait plus alors que les deux autres. Il a découvert que la femme du bureau ne peut être celle de son collègue. Il lance alors sa machination...

Noël Simsolo présente Nana de Jean Renoir

Pour François Truffaut "Nana fut réalisé sous l'influence directe de Folies de femmes ; c'est probablement pourquoi la cupidité de l'héroïne est à ce point soulignée ; c'est aussi pour la même raison, le seul film de Renoir où l'argent tient une si grande place. Mais ce qu'il y a de neuf et de fortement personnel, c'est le parallélisme constant entre les valets et les maîtres. Renoir se souviendra de Nana en tournant La règle du jeu puis Le journal d'une femme de chambre.

 

Noël Simsolo et Patrick Brion présentent Le voleur de Bagdad de Walsh

Douglas Fairbanks, producteur fondateur des Artistes Associés avec sa femme, Mary Pickford, Chaplin et Griffith, qui choisit ses sujets et ses réalisateurs, qui a adapté le conte et qui est l'acteur principal est le véritable auteur de cette oeuvre.

Il a engagé William Cameron Menzies, décorateur débutant qui a tout de même réalisé les décors de Roseta de Lubitsch mais pas encore ceux qui le rendront encore plus célèbre, ceux de Pour qui sonne le glas de Martin Ritt et de Autant en emporte le vent. William Cameron Menzies qui n'est pas décorateur du théâtre ne ressent pas les contraintes de la scène et s'inspire de la chorégraphie Shéhérazade de Diaghilev et des illustrations du conte. Le jeu des acteurs prolonge par des gestes parfois excessifs le grandiose des décors. Fairbanks perpétuellement léger et bondissant maintient un rapport dynamique entre le gigantisme des décors et l'action physique. Bondissant, sur de sa santé corporelle, il l'impose comme une force anarchisante, un droit au bonheur qui est le vrai conte de fée de cette histoire.

Walsh accepte le film par amitié vis à vis de Fairbanks même si l'énergie du personnage est proche de celle qu'il défendra toujours.


 
présente
 
Coffret cinéma muet