Editeur : Arte Editions. Octobre 2009. Deux parties de 52 minutes : La crise boursière et La grande dépression. Langues : français, anglais. Sous-titres français. 20 €.

Supplément :

  • Entretiens avec Joseph Stiglitz et Daniel Cohen
12 intervenants pour 52 minutes


Les intervenants s'expriment sur la crise de 29. William Karel remet en forme leurs propos sur des images d'archive et des extraits de film (tous recadrés au format 16/9). Classique formellement, le documentaire est néanmoins un support pédagogique très intéressant. Les leçons économiques contemporaines figurent dans le bonus avec les deux interviews passionnantes (parce qu'assez longues) de Joseph Stiglitz et Daniel Cohen.

A signaler la version originale sous-titrée qui permet d'entendre sans doublage les interventions des historiens, économistes et écrivains américains.

La crise boursière

En 1929, la société de consommation triomphe avec la voiture, la machine à laver, le cinéma parlant, la première élection de miss américa et le jazz. Il y a toujours des laissés pour compte mais, grâce au crédit, le nombre de voitures produites passe de six millions en 1919 à 27 millions en 1929, soit une voiture pour cinq américains.

En cinq ans, les cours de la bourse sont multipliés par quatre. Le Down Jones passe de 100 à près de 400 (dix ans pour Salsman)

En 1929 deux milliards de dollars sont investis sur le marché. Ce nouveau moyen de s'enrichir est sans risque croit-on et n'est pas réservé à une élite comme en Europe. Jouer en bourse fait parti du mode de vie moderne.

John Raskob, le patron de General Motors écrivait, un an avant le krach, comment s'enrichir sans risque. L'économie étant stable, 15 dollars par mois en bourse peuvent, d'après lui rapporter 80 000 dollars en un an. Wall street se transforme en ruée vers l'or. Des bureaux de courtage fleurissent dans les petites villes. Les téléscripteurs sont partout.. Un américain sur trois investit en bourse. Création d'une société d'investissement par jour. Les classes moyennes se voient accorder des prêts sans garanties, les courtiers font des bénéfices, les banques font fructifier leur capital. Avant que l'on vous demande l'argent emprunté, vous avez déjà revendu. Si jamais l'action baisse, il n'y a à payer que la différence entre le montant emprunté et la valeur de l'action.

Pour Hoover, la prospérité est au coin de la rue. Thème qui se décline bientôt sous la forme d'une chanson populaire. Il y a stabilité générale des prix et les perspectives de l'économie sont favorables. Hoover n'aurait pas pu dire que les cours étaient trop hauts car il aurait été tenu responsable de l'effondrement. La bourse continue de monter en juin, juillet, août 1929 sans tenir compte du ralenti habituel des vacances.

Il y a des spéculations organisées. Certains s'entendent pour acheter de grandes quantités d'actions faisant ainsi monter les prix puis les revendent rapidement afin de réaliser des profits, c'est les particuliers qui en pâtissent.

Constatant que le processus se déconnecte de l'économie réelle, seul le statisticien Roger Babson prévoit, un mois avant, que le crack va se produire : terrible et colossal.

La bourse commence à vaciller en septembre, chute début octobre et s'écroule dans la troisième semaine d'octobre.

Le jeudi 24 octobre, 13 millions de titres sont à vendre en quelques heures. La bourse s'écroule (-25 %) . Personne ne peut la fermer car le président est en vacances à Hawaï. La bulle spéculative éclate et c'est la panique financière. En six jours (ou de fin octobre à la mi-novembre), les cours moyens baissent de 50 %.

Les pertes cumulées s'élèvent à 30 milliards de dollars, dix fois le budget de l'Etat fédéral américain et plus que ce que les Etats-Unis avaient dépensé durant toute la première guerre mondiale. La panique s'explique car personne ne s'attendait à cette baisse.

Les défenestrations et suicides sont exagérés. On connaît l'anecdote du patron du Ritz qui aurait demandé aux clients s'ils voulaient une chambre pour dormir ou pour sauter par la fenêtre. La seule défenestration connue est célèbre parce que Churchill, en visite à New York, voit effectivement un courtier se défenestrer. Mais certains voient un plombier en train de réparer une gouttière et parlent de suicide.

Des hommes d'affaires essaient de vendre leur voiture de luxe pour une bouchée de pain. On envoie Rockefeller acheter des actions alors que son patrimoine a fondu de 80 %. En hiver la bourse a récupéré le tiers de ce qui avait été perdu (80% de la valeur au plus bas).



Après la crise financière, la crise économique

Lorsqu'une banque fait faillite, les déposants sont ruinés. C'est la ruée sur les retraits. La crise financière entraîne une crise des liquidités et une crise du crédit. Les entreprises font faillite. Les gens sont au chômage et ne consomment plus. Les sociétés ne font plus de profit et font faillites. L'économie sombre lentement. C'est notamment vrai pour l'automobile, où l'on constate un arrêt des achats pendant un an et des licenciements en masse.

60% des emprunteurs sur leur logement font défaut. La chute générale des prix se conjugue à la chute générale de l'activité. Les Américains pensaient avoir réussi dans la vie, et ne pas à avoir à préparer leur retraite.

Hoover rapatrie tous les capitaux prêtés à l'Allemagne : 14 milliards en or et devises faisant s'écrouler une industrie en reconstruction et rendant insurmontable le remboursement des dettes de la guerre. Il y a de marches de la faim et des soupes populaires.

Taux de chômage à 25 % mais surtout la crise traverse l'atlantique; La production industrielle s 'effondre de moitié. Des milliers de familles font la queue à la soupe populaire. En octobre 1930, c'est la dépression.

Pas d'assurance chômage, pas d'aide sociale. Les gens qui perdent leur emploi sont jetés à la rue et dépendent des œuvres de charité privés. C'est l'époque des marathons de la danse, jeux du cirque, où l'on offre 500 dollars pour le dernier couple à rester debout.

Entretiens avec Joseph Stiglitz puis Daniel Cohen

 

Joseph Stiglitz fut économiste en chef de la banque mondial durant "la période passionnante" où il y a à résoudre les problèmes complexes des pays en voie de développement, la crise du sud-est asiatique qui devient crise financière généralisée en 1997 et 1998, le passage du communisme à l'économie de marché. Tout cela est très mal géré par le FMI et le trésor américain qui auraient dû pratiquer une politique fiscale expansionniste, baisser les taux d'intérêt et effectuer une bonne régulation du marché financier.

Les économistes au pouvoir "croient à la concurrence des marchés mais pas à celles des idées". Pour Stiglitz, c'est aux pays de décider. Mais ils doivent savoir que les économistes ont des avis divergents. La politique américaine et celle de la banque mondiale n'avaient pas pour but de protéger les gens d'Indonésie ou de Thaïlande mais les intérêts des banques occidentales. Comme celles qui sont encore en faillite aujourd'hui, les banques sont sauvées par l'argent du contribuable qu'il soit du Mexique, du Brésil, de Russie, d'Argentine ou de Thaïlande. Son discours ne passe pas et il est contraint à la démission car dit-il "un fonctionnaire international travaille pour les gens de tous les pays, pas pour le trésor américain ou des banques nationales."

Pour Stiglitz, le problème est que nous sommes dans une économie globalisée où la demande est inférieure à l'offre. La capacité est supérieure à la production. La mondialisation économique a devancé la mondialisation politique. Et pourtant, il y a des besoins pour lutter contre la pauvreté et le réchauffement climatique. Il faudrait proposer de meilleurs cadres de coopération économique. La commission de l'ONU qu'il dirige propose ainsi de créer un conseil de coordination économique mondial pour améliorer la coordination des politiques de relance au lieu de niveler par le bas.

Stiglitz propose aussi de modifier complètement le système financier et notamment le système de réserves presque exclusivement en dollars.

C'est être allé dans le mauvais sens que d'avoir abandonner la séparation entre banques d'investissement et banques de crédit, de ne pas avoir régulé les nouveaux produits financiers (les produits dérivés). Il y a cinq lobbyiste par membre du congrès ainsi rien ne change. Mais la crise est à venir : le déclin connaît un répit mais, bientôt, ce sera la fin des 39 semaines de chômage indemnisées pour tous les sans-emploi américains.

 

Daniel Cohen rappelle qu'aux premiers temps de la crise, il s'agissait de savoir si l'économie allait s'affaiblir par la monnaie et le crédit ou par le chômage et la faiblesse de la consommation.

Ben Bernacki, universitaire de Princeton qui avait attribué la crise de 29 à l'inertie face à la crise bancaire, montre brillamment que c'est le nombre de faillites plus que la baisse de la production qui est le meilleur indicateur au mois le mois. En juillet 2008, le pétrole bat tous les records. La crise semble finie, elle n'aura été que celle de l'occident alors que l'orient a semblé continuer sa course (on semble ne pas s'apercevoir que le Japon et tous les exportateurs asiatiques sont frappés).

Ben Bernacki semble avoir correctement modélisé la crise et, tout en le remerciant, les journaux économiques se moque un peu de lui et de Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, pour avoir nationalisé les banques en faillite comme on l'aurait fait en Russie. Le 15 septembre 2008, piqués par ces critiques, ils laissent mettre en faillite Lehman Brothers. Quelle que soit l'audace que l'on a au début on finit par être rattrapé par le conformisme intellectuel, par l'idéologie.

Ce jour peut être comparé au mardi noir de 1929. C'est une onde de choc terrible qui entraîne un retour en force de la crise. Pour dégager les actifs toxiques de banques on va faire appel aux edges fonds pour évaluer leur prix. C'est le Troubled Asset Releve Program (TARP)

Il aurait bien mieux valu suivre les recommandations de Paul Krugman, prix Nobel d'économie 2008; qui préconisait la solution suédoise. Dans les années 90, le gouvernement suédois avait nationalisé ses trois plus grandes banques en faillite. Il pouvait se tromper sur le prix des actifs toxiques qu'il rachetait aux banques pour les mettre dans une structure ad hoc. C'était toujours dans la poche de l'Etat que restaient, d'une part les banques débarrassées de leurs actifs toxiques qui redevenues actives participaient à la relance économique, et d'autre part, la structure ad hoc qui essayait tant bien que mal de revendre des actifs parfois pas si sous-évalués que cela.

Le plan Obama (2 500 milliards au lieu de 700 pour le TARP), concocté par Timothy Gardner, le nouveau secrétaire au Trésor, un chèque de 400 dollars à chaque foyer risque d'être inefficace car transformé pour les 2/3 en épargne. Il aurait mieux valu sauver les classes moyennes de la crise hypothécaire. Si les américains qui, comme en 29, victimes du crédit facile et pensant se dispenser d'épargner pour leurs vieux jours car la bourse allait tout faire, veulent remonter leur taux d'épargne de -2 % à 10 %, la reprise sera très lente. S'ils se contentent de 5 %, elle pourra être plus rapide.

 

 

 
présente
 
1929 de William Karel