Editeur : Carlotta-Films. Novembre 2012. Edition double DVD. 17 €. Blu-ray 20 €

Suppléments :

  • Préface de Samuel Blumenfeld (8 mn)
  • Un cri de vérité (27 mn) : Une analyse de Jean Douchet
  • Retour à Philadelphie (18 mn) : George Litto, producteur de Blow out, se souvient de la génèse du projet et du tournage à Philadelphie
  • Le noir et blanc en couleurs (27 mn) : Vilmos Zsigmond revient sur sa collaboration avec Brian De Palma à travers le traitement particulier des couleurs et les trucages employés dans le Film.
  • Souvenirs d'une poupée de chiffon (21 mn) : Nancy Allen évoque son travail avec John Travolta sur le tournage de Blow out.
  • Multipistes (27 mn) : Pino Donaggio, compositeur, revient sur sa carrière de violoniste, puis de chanteur populaire jusqu'à sa collaboration avec Brian De Palma
  • La bande-annonce

Preneur de son, Jack Terry enchaîne les séries Z. Une nuit où il enregistre des sons d’ambiance, il assiste à un accident de voiture et sauve la vie de Sally, sa passagère. À l’hôpital, l’identité du conducteur décédé crée la stupeur : il s’agit du gouverneur McRyan, politicien pressenti pour être le prochain Président des États-Unis. Désormais persuadé qu’on a tiré sur la voiture, Jack réécoute de façon obsessionnelle les bandes de l’enregistrement…

Blow-up (Michelangelo Antonioni, 1966) retraçait le parcours d'un jeune homme, Thomas, qui essaie de sortir du milieu de photographe de mode, qui lui permet de gagner sa vie, pour devenir photographe d'art. Ici, Jack veut sortir de son travail de preneur de son de série Z pour le plus grand destin de redresseur de torts et devenir metteur en scène de sa propre vie. Chez Antonioni, il s'agissait d'agrandir (blow up) l'image initiale pour mieux la comprendre. Pour De Palma, la réalité a explosé (blow out) et il s'agit de réunir une centaine de photogrammes et une bande son pour aboutir à un montage cinématographique. Blow-up décrivait un éprouvant parcours vers la libération artistique. Quinze ans plus tard, Blow out révèle la vanité du travail de metteur en scène quand ce sont abattu sur l'Amérique l'assassinat de John Kennedy, l'accident de Chappaquiddick (1969) impliquant Ted Kennedy et sa maitresse, le Watergate et ses microphones indiscrets. Ici rien ni personne, pas plus la police que les journalistes ne viendront révéler le scandale, sauver Sally et libérer Jack de son asservissement. (voir : suite de la critique).

 

Préface de Samuel Blumenfeld (8 mn)

Outre L'assassinat de Kennedy, Brian de Palma évoque l'accident de Chappaquiddick (1969) impliquant Ted Kennedy et sa maitresse. La noyade de celle-ci mettant fin aux ambitions présidentielles du frère de John. Il évoque aussi le Watergate et le pouvoir politique corrompu révélé par la pose des microphones.

Le film doit beaucoup à Blow-up d'Antonioni mais aussi à Conversation secrète de Francis Ford Coppola. De Palma interviewe celui-ci à propos de son film pour un magazine de cinéma, ce qu'il n'avait jamais fait depuis qu'il était devenu cinéaste.

Le scénario plait tellement que le budget passe de 2 à 3 millions de dollars à 18 millions de dollars ce qui permet d'engager Travolta et d'avoir un final spectaculaire. C'est un échec commercial car rien ne prépare à la fin tragique. Les spectateurs voulaient un final heureux avec John Travolta. Ils boudent le film. La maison de production fait faillite.

 

Un cri de vérité (27 mn) : Une analyse de Jean Douchet

De la séquence d'ouverture, Jean Douchet déduit que c'est nous, spectateur, qui voulons des scènes érotiques et que c'est nous qui assassinons le vigile et voyons ensuite, par des regards furtifs, les filles s'enlacer et le couple s'étreindre. Nous imposons le voyeurisme hitchcockien le grand couteau de Psychose. C'est nous, petit spectateur malhabile, qui ouvrons le rideau de douche pour faire crier la jeune fille.

Le film obéit à un système de doubles et de leur multiplication. La frustration de Jack le conduit à se créer un grand sujet de film. Pendant que la présentatrice de télévision parle sur une image sans fond, plate de l'élection présidentielle, il met en place sur futur scénario en annotant des bouts de sons qui serviront ensuite dans le film dont il a besoin pour donner du sens à sa vie. Il manipule des bandes magnétiques et donne au sens propre (bandes qui se tortillent dans la machine, boutons protubérants) comme au sens figuré, du relief à sa vie. Il se choisit un grand sujet qui a du relief pour vaincre le monde lisse. Philadelphie, haut lieu de l'indépendance avec sa cloche de la liberté, amplifie ce sujet.

Il y a certes un aspect documentaire du travail du preneur de son mais la scène nocturne, où Jack capte le son, est bien davantage fantastique, cauchemardesque avec son crapaud et surtout mentale avec ces arcs de ponts qu'accentuent plongées et contreplongées de plus en plus excessives. Le monde de Jack se construit. I en est devenu le metteur en scène : l'accident peut arriver

Jack est le double du spectateur qui se prétend le réalisateur du spectacle qu'il compte consommer. Délire la société américaine qui s'abandonne aux plaisirs factices de plus en plus spectaculaires et truqués. Le monde des images déréalisées, faussées, intéressées prive la société de son besoin de dépassement, réduit les hommes à l'impuissance. Hollywood, qui jadis a sublimé les rêves les plus fous du mythe américain, les abâtardit désormais. Ses images ont été confisquées par la vision mercantile de la publicité, le triomphe des effets spéciaux, des images chocs, des invraisemblances hurlantes, bref que son imaginaire cancérise l'imaginaire collectif et le pousse à se déliter. La vérité du cri a été arrachée aux vivants pour planer sur un monde désolé.

 

Retour à la page d'accueil

 
présente
 
Blow out de Brian De Palma