Histoires du cinéma
Voir : Films et cinéastes argentins
Leonera (Pablo Trapero, 2006)
La femme sans tête (Lucrecia Martel, 2008)

Considérée souvent comme un prolongement de l’Europe, l’Argentine n’en appartient pas moins au continent sud-américain, avec un particularisme culturel et politique très marqué.

Outre le riche héritage de la conquête espagnole, l’Argentine est fortement influencée depuis le XIXe siècle par la culture européenne, et notamment italienne. Les traces des cultures amérindiennes y sont beaucoup moins visibles que dans les autres pays sud-américains.

Parallèlement à l’émergence du sentiment national, au XIXe siècle, des thèmes spécifiques à l’Argentine apparurent dans la culture. Ainsi, le personnage du gaucho, le gardien de troupeau de la Pampa, est présent dans la littérature et en particulier dans la poésie : Fausto (1866), d’Estanisláo del Campo ou Martín Fierro (1872), de José Hernández, souvent considéré comme un hymne à la Pampa. La peinture célébra également le genre gauchesque, comme les oeuvres du peintre Prilidiano Pueyrredon (1823-1870). De même, la musique traditionnelle argentine s’inspire beaucoup du folklore des hommes de la Pampa.

Le tango, originaire de Buenos Aires et qui devint, partout dans le monde, l’une des danses de bal les plus répandues, constitue peut-être la plus fameuse contribution de l’Argentine à la musique contemporaine. Astor Piazzolla, compositeur prolifique de tango du XXe siècle, chef d’orchestre et interprète, intégra à son oeuvre l’influence du jazz et de la musique classique. Sous l’influence des Italiens, la musique symphonique et l’opéra sont, par ailleurs, devenus parties intégrantes de la vie culturelle argentine.

La littérature argentine du XXe siècle est également prolifique avec les écrivains : Julio Cortázar, Manuel Puig et Jorge Luis Borges.

Le premier cinéaste qui compte est José Augustin Ferreyra, un métis de mère noire et de père espagnol. Cinéaste du Buenos Aires pauvre et populaire, il réalise El Tango de la muerte (1917), El Organito de la tarde (1925) et Muñequitas porteñas (1931), premier film parlant argentin.

 

Le cinéma parlant

Au cours des années trente s’implante une industrie puissante, la seule à concurrencer le Mexique sur le marché hispanophone (13 films en 1935, 50 en 1939). Les films s’adressent soit aux classes dirigeantes et moyennes, à travers des comédies douceâtres, soit à un public urbain tenté par des films populistes, parmi lesquels ceux du prolifique Luis Cesar Amadori (plus de 60 longs métrages entre 1936 et 1938).

Un cinéma esthétisant se manifeste en marge, qui influencera ultérieurement le style du cinéma argentin. Dans la lignée d’une recherche d’une authenticité nationale à la manière de Ferreyra, Mario Soffici réalise en 1939 Prisioneros de la tierra, qui dénonce l’exploitation dans les champs de maté, et Leopoldo Torres Ríos, La Vuelta al nido (1938).

En 1942, l’industrie cinématographique argentine à son apogée contrôle trente studios employant 4 000 personnes et produit cinquante-six films (le Mexique en crise n’en produit que 42). En 1950, l’Argentine, toujours avec cinquante-six films, se situe loin derrière le Mexique (125 films).

Pendant la décennie péroniste (1946-1955), l’industrie régresse (12 films en 1956). La relance ne vient qu’en 1958, avec la «génération des ciné-clubs» et l’encouragement au court métrage. La figure la plus connue de cette époque est alors Leopoldo Torre Nilsson (fils de Torres Ríos). Fin de fiesta (1960) fut l’un des premiers films à attirer l’attention de l’Europe, qui y reconnaissait son esthétique. Fernando Birri, avec le film d’enquête sociale, donna son impulsion à l’École de cinéma de Santa Fé.

Tandis que le cinéma argentin, dans le climat de crise de la société, cherche son public entre folklore et témoignage, un réalisateur atypique émerge avec un modèle de film qui va faire école en Europe : Fernando Solanas, fondateur de "Cine Liberación" et auteur de L’heure des brasiers (1966-1968), vaste montage de documents d’actualités, d’interviews et de citations, qui se veut une contestation de l’ordre politique non seulement argentin, mais aussi sud-américain tout entier. Ce disciple de Bitti devient la référence du cinéma politique de tout le continent, et le second réalisateur argentin international après Torre Nilsson.

De mai 1973 à juillet 1974, la production, à dominante commerciale, s’élève à cinquante-quatre films. Le nombre de spectateurs augmente de 12 % en 1973 et de 40 % en 1974. La législation est améliorée. Mais l’arrivée des militaires au pouvoir provoque la chute de la production et de la fréquentation et marque le début d’une longue nuit de censure et de répression.

En 1983, la censure est abolie et la démocratie de retour. Le cinéma est désorganisé, les cinéastes en exil ou réduits à des travaux mineurs. Quelques films évoquent l’horreur passée, comme Les Trottoirs de Saturne (1985) d’Hugo Santiago, ou Noces secrètes (1988) d’Alejandro Agresti. Dans l’ensemble pourtant, la production flatte la bonne conscience du pays et entretient la conviction largement partagée que les exactions de la junte se sont déroulées dans l’ombre, sans que personne n’en sache rien. L’histoire officielle (1986) de Luis Puenzo, oscar du meilleur film étranger, est représentatif de ce cinéma opportuniste et amnésique. Une femme soupçonne que sa fille adoptive est une enfant de disparus : le ressort dramatique n’est pas le sort de la fillette, ni celui de ses parents torturés et tués, mais la crise d’identité de l’héroïne, condamnée au doute.

Solanas réalise en 1986, en coproduction avec la France, Tangos, l’exil de Gardel, interrogation sur l’identité argentine, puis en 1988 Le Sud, retour halluciné sur la période de la dictature.

Économiquement, le cinéma argentin doit faire face à l’inflation, qui fait chuter les recettes de façon vertigineuse. Les spectateurs, qui étaient 61,4 millions en 1984, ne sont plus que 28,5 millions en 1988. Plus dérangeant, le «nouveau cinéma» qui perce n’est guère encouragé. En 1994, une loi sur le cinéma crée deux nouveaux impôts – sur les cassettes vidéo et sur la diffusion par la télévision – qui s’ajoutent à la taxe sur les entrées en salle. Or, elle accorde les aides a posteriori, non en fonction de la qualité des films, mais de leur rentabilité. A peine promulguée, la loi est victime de la crise économique et le fonds de soutien réduit au tiers de sa valeur. Quant aux clauses visant à aider le cinéma d’auteur, elles n’ont jamais été appliquées. Résultat, Manuelita (1999) a reçu, grâce à ses deux millions de spectateurs, une subvention bien supérieure à celles de Mundo Grua (respectivement 68 000 et 14 000 entrées).

La production argentine de la fin des années 90 oscille entre 20 et 30 titres par an. Le marché intérieur ne suffit pas à amortir des films qui ont coûté un à deux millions de dollars, mais les cinéastes consacrés ne veulent pas renoncer à ce type de budget. Esteban Sapir affirme lui : «Il faut réaliser des films sur la vie quotidienne, aller chercher la dureté dans la rue. Il faut transformer le cinéma en poétisant la réalité». Tous racontent l’histoire douloureuse du pays, portent l’empreinte de leur génération, utilisent les mêmes moyens de production, rejettent toute rhétorique et s’intéressent à l’identité. Ils évoquent souvent, sans pitié mais avec passion, l’Argentine d’Alfonsin et de Menem, l’après-dictature et les ravages de la libéralisation économique.

 

Le nouveau cinéma argentin

En 1999, Pablo Trapero remporte le prix du meilleur réalisateur pour Mundo Grua au terme du premier Festival international de cinéma indépendant de Buenos Aires (Bafici). Le nouveau cinéma argentin était né.

Le film a du succès parce qu’il brosse un portrait mélancolique de ceux qui résistent à la tentation de perdre leurs illusions. De ce mélange de mélancolie et de résistance est né une entente profonde entre Rulo, le personnage principal et son public.

En Europe, les succès publics de Les neuf reines (2001) de Fabián Bielinsky (1959-2006) et de Historias minimas (2003) de Carlos Sorin (né en 1944), accompagnent ceux ce la nouvelle génération.

Les fers de lance de cette nouvelle génération sont, outre Pablo Trapero (né en 1971, Leonera -2006), Lisandro Alonso (né en 1975, Los muertos -2004), Lucrecia Martel (née en 1966, La femme sans tête 2008) tous trois sélectionnés à Cannes ou Gonzalo Moreno qui présenté El Custodio à Berlin en 2006. Lucia Cedron (née en 1974, Agnus dei) et Diego Lerman (né en 1976, Tan de repente, 2002) complètent ce sextette de choc.

Sextette de choc donc car ces cinéastes réussissent à trouver des budgets malgré la crise tout en affrontant l'histoire de leur pays.

Face à des financements insuffisants, les jeunes cinéastes argentins préfèrent prendre des raccourcis. Juan Villegas, qui avait réalisé avec Sabado l'un des films fondateurs du nouveau cinéma argentin, se propose de réaliser son prochain film pour 100 000 dollars (74 500 euros). Sergio Wolf, le directeur du Bafici, se réjouit de cette attitude : "Le système des coproductions internationales et de l'aide de l'Incaa ralentit la création", déplore-t-il, en citant l'exemple de Celina Murga (Ana et les autres), qui a mis cinq ans à réaliser son second film, Una Semana Solos. Présenté à Venise en 2008, bénéficiant du patronage de Martin Scorsese, ce long métrage n'a toujours pas été distribué.

Economie

Selon les chiffres communiqués par Nielsen EDI et Ultracine, les entrées dans les salles de cinéma argentines reculent de 1 % en 2008 et s’établissent à 34,2 millions (34,5 millions en 2007). Les recettes, portées par l’augmentation de 20 % du prix moyen de la place, progressent de 18 %. La part de marché des films nationaux augmente à 11,5 % (9,0 % en 2007), tandis que les films américains captent 79,9 % du marché (82,1 % en 2007). Les films européens, asiatiques et autres latino-américains se partagent 8,6 % (8,9 % en 2007) du marché. Les 73 films argentins (coproductions comprises) sortis en 2008 génèrent 4,0 millions d’entrées (3,1 millions en 2007). La comédie romantique de Juan Taratuto, Un Novio Para mi Mujer, est le seul film national figurant parmi les dix premiers succès de l’année, avec 1,45 million d’entrées. Il prend la deuxième place derrière Kung Fu Panda qui capte 1,55 million d’entrées. La comédie britannique de Frank Oz, Death at a Funeral, est le seul film européen populaire de la période (550 000 entrées).

 

Bibliographie et ressources internet :

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