The catch

1983

(Gyoei no mure). Avec : Ken Ogata (Fusajiro Kohama), Masako Natsume (Tokiko Kohama), Kôichi Satô (Shunichi Ida), Yukiyo Toake (Aya), Saburô Ishikura (Kishimoto). 2h20.

 Dans un village isolé sur la presqu’île de Shimokita, Kohama un vieux pêcheur de thon têtu regarde d'un mauvais œil Shunichi, le petit ami de sa fille unique, Tokiko, surtout lorsque celui-ci le supplie d'apprendre les secrets du métier. Kohama est un vieil ours solitaire dont toute l'attention est obnubilée par la pêche, ce qui lui a valu d'être quitté par sa femme et d'être un père absent malgré qu'il vive avec sa fille. Le rapprochement entre Shunichi et Kohama est laborieux et la première sortie en mer se fait après moult supplications sans que le père ne se montre très coopératif.

Le passé de mari indigne de Kohama ressurgit quand il recroise sa femme Aya, qui l’a quitté vingt ans plus tôt et que parallèlement le thon se refuse désormais à lui en se libérant systématiquement de sa ligne. La réconciliation, le nouveau départ, entrevus à l’issue de cette séquence feux d’artifices inclus, se heurte pourtant aux dangers de la mer et à l'obsession de Kohama de faire une belle prise à tout prix.

Après trois premiers films placés sous le signe de l'adolescence : The terrible couple (1980), Sailor Suit and Machine Gun (1981) et P.P. Rider (1983), Shinji Somai effectue un virage surprenant avec The Catch, adapté d'un roman de Akira Yoshimura dont Shohei Imamura transposera plus tard L'anguille (1997). The Catch, entre documentaire et chronique familiale, est la première œuvre de Somai axée sur les tensions entre les générations. Les séquences de pêche au thon rivalisent avec celles de Stromboli de Rossellini, notamment une scène célèbre dans laquelle l'acteur légendaire Ken Ogata (Ballade de Narayama) réussit à sortir un énorme thon de la mer.

Somai crée une tension grâce à son utilisation hypnotique et sensuelle des plans-séquences. S’y déploient en particulier deux longues scènes de sexe filmées en temps réel. Mais le plan d'ouverture sur le générique saisit déjà tout l'enjeu du film avec un plan-séquence qui débute sur le front de mer pour revenir sur la plage saisir des pas dans le sable pour accrocher Shunichi et Tokiko grimpant une dune, s'asseyant pour discuter, puis reprenant leur chemin alors que la caméra s'élève pour saisir à nouveau l'horizon. Cette disjonction entre terre et mer, la raison et l'obsession, se retrouve dans l'autre grand plan-séquence du film : les retrouvailles des ex-époux amorcées par une impressionnante scène pluvieuse, à  travers un mouvement de grue où l'on passe des hauteurs du village à ses ruelles, accompagnant le regard d'Aya et Kohama qui se reconnaissent et vont longuement se poursuivre. Là encore, la disjonction est marquante entre le vieux loup solitaire et son ex- femme qui aurait préféré une autre vie.

Les dangers de la mer aussi bien psychologiques que physiques sont magnifiquement capturés par les plans de pêche en mer jusqu'à la séquence fatidique où Kohama tarde à sauver Shunichi grièvement blessé pour finir d'amener à bord l'énorme thon accroché à sa ligne.

Source : Justin Kwedi sur Chroniques du Cinéphile Stakhanoviste