Angela poursuit sa route

1981

(Angela merge mai departe). Avec : Dorina Lazar (Angela), László Miske (Gyuri), Dorina Paunescu, Cornelia Radulescu, Felicia Popica, Stela Hauliga. 1h16.

Angela est une conductrice de taxi qui vit seule après avoir divorcé d'un mari alcoolique. Son existence est partagée entre les courses en taxi, les visites à sa mère âgée et les soirées passées seule devant la télévision. Son métier n'est pas sans danger, notamment lors des quarts de nuit, ce qui explique la présence d'une énorme clé mécanique qu'elle garde près d'elle pour se défendre.

Les choses changent lorsquelle rencontre un client, Gyuri, qu'elle avait transporté un mois auparavant. C'est est un ouvrier pétrolier venu à Bucarest pour se spécialiser. Affichant une sorte de virilité taciturne, Gyuri est aussi un loup solitaire issu d'un mariage malheureux. Angela partage sa vie entre la conduite dans les rues de Bucarest et les soirées avec des films classiques à la télévision, à la maison avec thé au rhum. Bien qu’ils finissent par vivre ensemble et finalement se marier, les deux ne renoncent pas à être maîtres de leur propre destin. Leur relation connaît un tournant lorsqu'Angela lui révèle qu'elle est tombée enceinte de lui et qu'elle a décidé d'abandonner l'enfant, affirmant à cette occasion son indépendance. Gyuri, de son côté, fait passer son travail avant leur nouveau mariage et part en stage de 3 ans en Inde, laissant Angela derrière lui.

Le film laisse peu de place à la propagande. À l'exception d'une brève intervention d'un membre de l'UTC dans l'enquête disciplinaire contre le collègue d'Angela accusé de harcèlement, aucune autre référence au parti n'est faite dans le film. Angela parvient à imposer un personnage de femme ordinaire, placée par le réalisateur sur un pied d'égalité avec celui de l'homme. La Bucarest du début des années 80, telle que captée dans le film, est une ville au trafic agressif et nerveux, avec des klaxons et des insultes, que la conductrice gère avec brio, tout comme elle parvient à gérer la faune urbaine qui peuple la voiture à chaque course.

Peu à peu, le scénario écrit par Eva Sîrbu, critique de cinéma et rédactrice en chef du magazine de culture cinématographique de longue date Cinema, révèle davantage de détails biographiques sur le personnage principal. Angela est une femme célibataire, divorcée d'un mari alcoolique et violent. À un moment donné, elle avoue qu'elle était enceinte de 4 mois lorsqu'elle a été battue par son ex-mari, suggérant indirectement qu'elle aurait pu faire une fausse couche à cette occasion. La condition des femmes célibataires est longuement discutée avec la productrice de TVR, Cornelia Rădulescu, qui joue elle-même dans le film une passagère qu'Angela emmène en taxi jusqu'au district d'Uranus, qui sera rasé quelques années plus tard par la brutale urbanisation céausiste.

Angela est une femme à l'air dur mais en réalité vulnérable et ampathique. Elle sauve d'un éventuel viol une jeune femme de Botoşani (à 500 kilomètres au nord-est de de Bucarest) qui s'est enfuie de chez elle et a atterri dans la capitale. Elle aide ensuite à devenir chauffeur de taxi. Elle intervient auprès d'un collègue plus jeune qui risque d'être sanctionné au travail parce que, étant amoureux d'une autre collègue mariée, il la harcele avec des messages d'amour.

Angela échange à un moment donné avec un client misogyne qui, remarquant un roman de Marin Preda dans la voiture, a une réaction condescendante : "Nous nous cultivons, nous nous cultivons", puis déclare "Ce n'est pas vraiment un travail pour une femme." Apprenant que l'homme travaille comme cuisinier, Angèle éclate de rire et le corrige : "Allez, ce n'est pas un travail pour un homme, qui nécessite de la force; C'est une blague."