Les liaisons dangereuses

1988

Genre : Drame social

(Dangerous Liaisons). D'après le roman de Pierre Choderlos de Laclos. Avec : Glenn Close (Marquise de Merteuil), John Malkovich (Vicomte de Valmont), Michelle Pfeiffer (Madame de Tourvel), Swoosie Kurtz (Madame de Volanges), Keanu Reeves (Chevalier Danceny), Mildred Natwick (Madame de Rosemonde), Uma Thurman (Cécile de Volanges), Peter Capaldi (Azolan), Joe Sheridan (Georges). 2h00.

La marquise de Merteuil demande à son ancien amant, le vicomte de Valmont, de séduire la fille de Madame de Volanges, sa cousine. Elle veut ainsi se venger de son amant, Bastide, qui la quitte pour épouser la jeune Cécile de Volanges. Elle donne à Valmont de l'été à décembre pour réussir. Valmont refuse cette proposition, beaucoup trop facile et qui nuirait ainsi à sa réputation. Celle qu'il a choisi de séduire est la prude Madame de Tourvel qui séjourne chez la tante du vicomte, Madame de Rosemonde, pendant que son mari préside un procès en Bourgogne. Il la sait fidèle et très pieuse et veut la voir trahir ce qu’elle a de plus sacré. Valmont se montre jaloux de Belleroche que la marquise a pris pour amant. La marquise promet de lui donner une nuit s’il lui ramène la preuve écrite qu'il a conquis Mme de Tourvel.

Ne pouvant compter sur Valmont, la marquise présente le chevalier Danceny à Cécile tout en indiquant à sa mère de l’employer comme professeur de musique pour sa fille.

Chez Madame de Rosemonde, Valmont tente de séduire Mme de Tourvel en lui indiquant que sa rencontre a fait de lui un autre homme qui veut s’engager dans la voie du bien. Mais Mme de Tourvel refuse de la croire. Elle est au fait de sa réputation grâce lui dit-elle à une de ses amies.

Le valet Valmont, Azolan, a séduit Julie, la femme de chambre de Mme de Tourvel. Il indique à son maître que celle-ci le fait suivre par un de ses valets pour savoir s'il va bien à la chasse. Pour se faire bien voir de cet espion, Valmont décide de payer la taille d’un paysan qui allait être exproprié. Il s’attire ainsi les bonnes grâces de sa tante et de Mme de Tourvel. Pour connaître sa correspondance, Valmont a convenu avec Azolan de surprendre Julie dans ses bras et de connaître ainsi qui la met en garde contre lui. Le soir, Valmont lui déclare son amour, son adoration et la sollicite pour être guidé sur le chemin du bien.

Pendant ce temps à Paris, le plan de la marquise fonctionne. Cécile et Danceny s'aiment. Merteuil en devient la confidente de Cécile qui est effarée par l'âge de son futur mari, le comte de Bastide : « 36 ans, c'est un grand-père » et avoue sans y prendre garde qu'elle a déjà correspondu avec Danceny.

Au château, le lendemain matin de sa déclaration d'amour, Mme de Tourvel se dit offensée par celle-ci. Valmont insiste: jusqu'à présent il avait connu le désir seulement; l'amour jamais. Il la complimente habilement : la beauté est la moindre de vos qualités. Vertueux il veut la mériter. Inflexible mais chancelante, Mme de Tourvel veut qu’il quitte le château. En échange, il veut un échange de lettres. Il découvre que celle qui le dénonce est Madame de Volanges.

De Paris, sur le dos d'Emilie, sa maîtresse, Valmont écrit sa "passion" à Mme de Tourvel. Il revient vers la marquise, décidé cette fois à exécuter son projet puisqu'il veut se venger  de Madame de Volanges, sa délatrice auprès de Mme de Tourvel. Ils veulent profiter du fait que la jeune Cécile est amoureuse de son maître de musique, le chevalier Danceny, qui, aux yeux de la mère, n'a pas les qualités requises pour être accepté comme prétendant. Merteuil demande à Valmont de l'aider "à durcir la volonté de Danceny". Comme bien des intellectuels, il est d'une extrême stupidité. Elle raconte à Valmont sa propre éducation qu' elle résume dans le précepte : "vaincre ou mourir; pas d'autre choix".

Merteuil dénonce auprès de Mme de Volanges les amours de sa fille avec Danceny. Puis comme Cécile semble gravement atteinte, elle suggère d'amener Cécile chez la tante de Valmont. Celui-ci devra ainsi réussir deux missions et le prouver par écrit.

De retour chez tante, Valmont transmet avec grande difficulté une lettre de Danceny à Cécile tant la jeune fille est naïve et sans duplicité. En contrepartie, il exige d'elle une clé de sa chambre qu'il ira copier après que Cécile la subtilise durant quelques heures à sa mère. Il prend la clé, se déclare de nouveau à Mme de Tourvel et, le soir même,  force la porte de Cécile qui ne sait pas dire non de façon convaincante. Valmont écrit sa chute à Merteuil. Celle-ci vient chez la Tante et conseille à Cécile d'épouser le comte de Bastide, de faire son éducation avec Valmont et d’aimer Danceny. Valmont en fait une parfaite amante et lui dit que son mari sera fort satisfait de son savoir.

Mme de Tourvel accepte son amour et lui son amitié. Il se promène avec elle de plus en plus longtemps. Alors que dans une crise passionnée, elle va s'abandonner, Valmont se retire Sur les conseils de la tante, Mme de Tourvel fuit en pleine nuit. Valmont envoie son valet à Paris la surveiller.

Il fait écrire des lettres à Cécile. Il la sait enceinte. Merteuil le défie de nouveau. Il la voit jeudi accompagné du père Enselme.

Il vient s'en vanter :"charme secret, parfaite candeur, ivresse qui survécu plaisir de la chair". Il lui jura un amour éternel et cru le penser. Il exige sa récompense. Elle regrette son amour perdu avec lui, cette passion qui m'assaille. Ce n'est pas ma faute.

Elle part avec Danceny et elle promet si lettre; Mme et Tourvel le retrouve avec Emilie. Elle est jalouse. Ils passent de nouveau une nuit ensemble. Cécile perd l'enfant de Valmont. Il retrouve Valmont et Danceny ensemble. Il montre à la marquise comme quoi Danceny lui préfère Cécile et lui apporte la lettre.

Elle lui demande d'être plus séducteur et surtout de rompre avec "ce n'est pas ma faute»; Il file la voir et lui dit qu'il s'ennui depuis quatre mois "ce n'est pas ma faute".

Elle sait qu’il l'aime et lui fait remarquer que la vanité et le bonheur sont incompatibles. Elle refuse de se marier et les ordres. Elle veut aller avec Danceny mais il l'a envoyé chez Cécile. A la guerre, je dis oui.

Elle dénonce Valmont à Danceny. Ils vont se battent en duel. Les Volanges vont voir Mme de Tourvel qui se meurt. Valmont se laisse tuer et exprime le besoin d'un conseil et d'une prière auprès de Danceny ; se garder de la marquise de Merteuil dont il lui remet les lettres pour les rendre publiques. Il le prie aussi de rendre visite à Mme de Tourvel pour lui dire son amour qui fut son seul bonheur sur cette terre. A Danceny qui s'excuse du coup mortel il lui dit : "Votre cause était digne d'un homme. Personne ne peut faire cet éloge à propos d'un homme comme moi".

Danceny vient auprès de Mme de Tourvel lui donner les derniers mots de Valmont. Elle lui demande de tirer les rideaux, elle meurt.

Merteuil crie de rage après ce qui s'est passé. Huée et humiliée par l'assistance à l'opéra, elle est ainsi chassée du théâtre. Elle se démaquille; elle ne pourra plus jouer le rôle social qui la protégeait.

Deuxième des six adaptations cinématographiques du roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos paru en 1782, celle proposée par Stephen Frears est la plus fidèle. Du moins, comme celle de Miloš Forman, elle conserve le cadre du XVIIIe siècle français alors que la version de Vadim de 1959 et les suivantes, de 1999 à 2012, transposent le contexte historique et géographique.

En 1986, Christopher Hampton avait adapté pour un théâtre de Londres Les Liaisons dangereuses de Laclos. Miloš Forman refuse d'acheter les droits et préfère, avec Jean-Claude Carrière, réaliser une adaptation qui leur permettra de garder toute leur liberté vis-à-vis du roman épistolaire. Les droits de la pièce sont vendus à Stephen Frears. Forman en est très vite informé et poursuit malgré tout son travail, soutenu par son ami producteur Claude Berri et Paul Rassam. Le film de Frears sort en décembre 1988 (le 19 mars 1989 en France) et Valmont presque un an plus tard, en novembre 1989 (le 6 décembre 1989 en France), Claude Berri ayant étiré le plus possible la période séparant la sortie des deux films. Peine perdue, le film de Frears ramasse la mise : son film, moins cher que celui de Forman (respectivement 14 millions de dollars contre 33 millions de dollars), rapporte 34 millions rien qu'aux États-Unis, pour seulement 1,1 million de dollars au niveau mondial pour le film de Forman.

Le roman est ainsi passé au filtre de la pièce de Christopher Hampton qui est le scénariste du film pour lequel il gagne l'Oscar du Meilleur Scénario d'adaptation. Le film et la pièce de théâtre changent principalement la fin du roman, dans laquelle Madame de Merteuil reste pour toujours défigurée par sa maladie. On peut noter que les sombres destinées de Cécile (Elle fait une fausse couche et se retire au couvent) ou du chevalier Danceny (Fuyant la justice qui le poursuit pour le meurtre de Valmont, il rejoint le siège de l'ordre, à Malte) ne sont pas évoquées.

Les oscars récompenseront aussi les créateurs des costumes et du décor. Le film est tourné en décors naturels au château de Vincennes dans le Val-de-Marne, aux châteaux de Champs-sur-Marne et de Guermantes en Seine-et-Marne, au château du Saussay dans l'Essonne et au théâtre Montansier de Versailles. George Fenton fut nominé par la bande-son qui fait la part belle à la musique baroque de Vivaldi, Bach, Handel et Gluck. Glenn Close fut nominée pour la meilleure actrice et Michelle Pfeiffer pour le second rôle féminin.

L'interprétation de John Malkovich fut plus contestée alors que son énergie, jamais démentie jusque dans le suicide, est l'une des qualités première du film ainsi que son inoubliable prononciation de la phrase : "Ce n'est pas ma faute !", bien belle dénégation de la machine à détruire les sentiments tout en jouissant des corps qui s'en imprègnent qu'il est devenu. Cette puissante force mécanique qui détruit les raffinements hypocrites et décadents de la société aristocratique est l'axe principal de la mise en scène de Frears. Ainsi le démaquillage final de la marquise qui succède à la scène de l'opéra dit, mieux que sa disparition honteuse due à la petite vérole dans le roman, son échec à garder le masque en société pour y vaincre.

la lettre 81 est résumée ainsi "Mais a-t-on le choix si l'on est une simple femme ? Une femme est obligée d'avoir bien plus de talents que vous messieurs. Un homme ruine notre réputation avec quelques petites phrases bien venimeuses. C'est pourquoi, j'ai du inventer la femme que je suis et surtout des échappatoires inédites pour me garantir contre votre pouvoir. Si j'ai réussi c'est que je savais que je suis venu au monde afin de dominer votre sexe et de venger le mien, enfin le notre... Quand j'ai fait mon entrée dans la société j'avais 15 ans. Je savais déjà le rôle qu’on m’assignait pour le reste de mes jours : me taire et faire ce qu'on m’ordonnait. Cela m'a appris à écouter, sentir. Oh je me moquais bien de ce qu’on me disait ; cela n'avait aucun intérêt mais je m'exerçais à voir ce qu'on essayait de cacher. Je pratiquais le détachement. J'étais entrainé à sourire pendant que, sous la table, j'enfonçais une fourchette entre ma peau et les ongles. Je devins très vite une virtuose de l'hypocrisie. Ce n'était pas le plaisir que je voulais atteindre mais la connaissance. Je consultais d'austères moralistes pour acquérir le maintien; les philosophes pour apprendre à réfléchir et des auteurs pour voir dans leur roman jusqu'où je pouvais aller. Et tout cela je l'ai distillé dans un unique et merveilleux précepte : vaincre ou mourir"; pas d'autre choix.

Merteuil est plus romantique que dans le roman. Elle rappelle à Valmont le début de leur histoire :"Je ne vous connaissais pas encore que je vous voulais. Mon amour propre l'exigeait. Et en vous voyant épris de moi, je vous ai voulu avec passion. Jamais jusqu'à ce jour là ma volonté avait été occultée par mon désir." Si elle se refuse in fine à Valmont c'est qu’il la traite sans égard, comme un dû alors qu'elle voudrait qu’il fasse preuve d'élégance avec elle. Ce n'est pas tant le contrat de la lettre qu'elle exige que d’être traitée d'égal à égal. 

Jean-Luc Lacuve, le 03/02/2013.