Histoires du cinéma
Voir : Films et cinéastes allemands
Metropolis (Fritz Lang, 1928)
Yella (Christian Petzold, 2007)

Max et Emil Skladanowsky présentèrent publiquement des images animées au Berlin Wintergarten grâce à leur bioscope, un système à double projecteur, dès le 1er novembre 1895, soit plus d'un mois avant la première démonstration publique des Frères Lumière.

Avant la Première Guerre mondiale, l’Allemagne possédait une industrie cinématographique significative, avec ses chercheurs (Oskar Messter), ses personnalités souvent venues du théâtre (Max Reinhardt, Paul Wegener), ses techniciens et vedettes, parfois empruntés au Danemark, comme l’actrice Asta Nielsen.

1- Le cinéma muet

Pendant la période du muet, Paul Wegener produisit des longs métrages dont les thèmes étaient tirés de la littérature fantastique allemande du XIXe siècle : L’étudiant de Prague (Der Student von Prag, 1913) et Le Golem (1915, copie perdue puis 1920).

À la fin de la Première Guerre mondiale, et après que la UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft soit née en 1917, Ernst Lubitsch devint l’un des principaux cinéastes allemands avec ses comédies et ses drames historiques.

Aussitôt après la guerre, quelques films furent largement influencés par l’expressionnisme de la peinture et du théâtre : Le cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene (1920). Ce film resta sans vraie postérité, les principaux cinéastes, tels que Friedrich Wilhelm Murnau, Fritz Lang et Georg Wilhelm Pabst, développèrent leur propre style.

Le cinéma allemand met alors en scène l'imaginaire avec une audace surprenante et des budgets pharaoniques (Metropolis). C'est l'époque de ce que la critique de cinéma Lotte Eisner appela l'écran démoniaque (Die dämonische leinwand). Les principaux sites de production étaient alors Babelsberg près de Berlin et Geiselgasteig (aujourd'hui les Bavariastudios) à Munich.

Parallèlement à une production de films de fiction diversifiée et conquérante, des documentaristes posaient les bases d’un cinéma réaliste qui produisit, en 1930, Les hommes le dimanche, et plusieurs films «prolétariens» engagés pendant que des expérimentateurs travaillaient sur le cinéma de montage (Berlin symphonie d'une grande ville de Walter Ruttmann) et un cinéma d’animation versé vers l’abstraction.

 

2- Le cinéma parlant

Avec l’avènement du parlant dont le premier succès fut L'ange bleu (Der Blaue Engel, 1930) de Josef von Sternberg, on assiste à l’émergence de réalisations audacieuses, tirant bien parti de l’utilisation du son, notamment avec Fritz Lang (M le Maudit, 1931), Georg Wilhelm Pabst (La Tragédie de la mine, Kameradschaft, 1931), Ludwig Berger (Moi le jour, toi la nuit, Ich bei Tag und du bei Nacht, 1932) et Max Ophüls (Liebelei, 1932). De bonnes comédies musicales au confluent de l’opérette viennoise (le Congrès s’amuse, Der Kongress tanzt, d’Erik Cherell, 1931) et de la chanson de variétés (Le chemin du paradis, Die Drei von Tankstelle, de Wilhelm Thiele, 1930), tournées en plusieurs langues avec l’actrice Lilian Harvey connaissent aussi le succès.

 

3-Le cinéma nazi

Joseph Goebbels s'intéresse très tôt au potentiel du cinéma en tant qu'arme de propagande. Il propose à Fritz Lang un poste dans la Internationale Filmkammer, IFK (Camera internazionale del film/Bureau international du cinéma).

Lang avait pourtant réalisé coup sur coup M le Maudit (1931) et Le Testament du docteur Mabuse (1933). Dans le premier la culpabilité gagnait implacablement toutes les couches d’une société avec les délibérations de la pègre et de la police réunies dans un montage d’une lucidité prophétique. Le second dans lequel un bandit fou dirige son gang depuis la cellule de l’asile où il est enfermé avait été interdite par Goebbels.

Les nazis ont néanmoins besoin d’un Potemkine qui chantera selon eux l’idéologie nationale-socialiste et sont aussi prêt à passer sur les origines juives de Lang. cependant le soir même de cette flatteuse proposition, Lang qui avait maudit par avance la sombre fascination à laquelle cède soudain un grand peuple, s’exile définitivement (en fait quelques jours plus tard malgré ses déclarations) d'abord en France avant de rejoindre les États-Unis.

Beaucoup d'autres émigrent, les réalisateurs Robert Siodmak, Billy Wilder, Max Ophüls, Erich Pommer, Fritz Körtner, Georg Wilhelm Pabst, Wilhelm Thiele, Wilhelm Dieterle, Curt Bernhardt, Friedrich Holländer, Eugen Schüftan, Otto Preminger qui se retrouvèrent à Hollywood, où ils connurent des fortunes diverses mais aussi les acteurs acteurs Marlene Dietrich, Conrad Veidt, Curt Bois, Lilian Harvey, Fritz Körtner, Peter Lorre, des producteurs : Erich Pommer, Arnold Pressburger et des compositeurs : Franz Waxman, Hanns Eisler et de nombreuses autres personnalités du cinéma allemand. On estime à plus de 1500 personnes le nombre de personnes travaillant dans les métiers du cinéma qui émigrèrent.

En raison de la politique d'aryanisation du régime, les Juifs ne peuvent plus exercer leur métier en Allemagne. Certains artistes comme Kurt Gerron ne purent fuir et furent tués dans les camps de concentrations. Le cinéma allemand, qui a quasiment tenu tête à l'industrie hollywoodienne jusqu'à l'avènement du cinéma parlant, se voit privé de la fine fleur de ses créateurs et techniciens. Quelques cinéastes importants de l’après-guerre débute néanmoins sous le régime nazi : Helmut Kaütner, Wolfgang Staudte, Harald Braun.

L’industrie cinématographique passe sous le contrôle direct du ministre de l’Information et de la Propagande, Joseph Goebbels, qui s’intéresse aussi bien à l’aspect artistique du cinéma qu’à son potentiel pour la propagande. La loi nationale socialiste sur le cinéma est votée le 16 février 1934. Tous les scénarios sont contrôlés par un Reichsfilmdramaturg (censeur cinématographique du Reich) afin de vérifier leur adéquation avec la doctrine nazie. Une fois le film terminé, il est soumis à un comité de censure issu du ministère de la Propagande. Ce processus s'applique également aux films étrangers

Mobilisée par le projet d’ériger en Allemagne une puissante Traumfabrik (usine à rêves), la politique nazie limite la propagande directe dans les longs métrages de fiction et la réserve aux actualités et aux documentaires.

C'est l'avènement de Leni Riefenstahl qui, dès 1934, filme le congrès de Nuremberg dans Le Triomphe de la volonté (Triumph des Willens, 1935), considéré comme le plus grand film de propagande de l'Histoire. Par la suite, elle magnifie les Jeux olympiques de 1936 à Berlin dans Les Dieux du stade (Olympia).

Les films de fiction explicitement nazis, comme S. A. Mann Brand (1933) et Hitlerjunge Quex (1933) sont peu nombreux par rapport aux films de guerre «patriotiques» et les films à contenu nationaliste, parfois anti-britanniques, sur les Boers sud-africains ou avec Das Mädchen Johanna (Gustav Ucicky, 1935) qui montre sous les traits d'une Jeanne d'Arc guidant grâce à sa foi en son pays un peuple désespéré, une allégorie d'Hitler, ou anti-français (films sur l’époque napoléonienne et à la gloire de la Prusse). Il y aussi bien sûr des films antisémites (les Rothschild, 1940, ou le Juif Süss, 1940), anticommunistes (Wiesse Sklave, 1936) et antisoviétiques (Guépéou, 1942).

En 1941, Ich klage an («J’accuse») justifie l’euthanasie au moment des décisions visant l’élimination des «dégénérés» et des «associaux».

En 1943 et 1944, au plus fort des bombardements alliés, le nombre de spectateurs dépassa pour la première fois le milliard mais la production est alors majoritairement composée de films en couleurs (procédé Agfacolor inventé en 1935) sentimentaux destinés à faire oublier les bombardements.

4-L'après guerre.

Après la guerre, l’Allemagne est divisée en deux secteurs d’occupation militaire, qui deviennent deux États distincts jusqu’en 1990. L’industrie cinématographique possédait alors beaucoup de nouvelles petites compagnies formées en Allemagne de l’Ouest, et une seule société étatique, la DEFA, héritière de la plupart des installations berlinoises de l’ancienne UFA (studios de Babelsberg), en Allemagne de l’Est, sous le gouvernement communiste.


À l'Est (RDA)
C’est dans la zone d’occupation soviétique que la production de film reprit, avec en particulier Les Assassins sont parmi nous, de Wolfgang Staudte (1946). Les autorités soviétiques relancent rapidement le cinéma en RDA, profitant du retour de quelques émigrés et l'exploitation des studios de Babelsberg. L'État détient le monopole de la production cinématographique à travers la Deutsche Film Aktiengesellschaft (DEFA) et jusqu'aux années 1950 produit des films marqués par la thématique anti-fasciste.

Les années qui suivent voient le cinéma est-allemand s'aligner sur l'orientation réaliste socialiste dictée par le parti communiste d'Allemagne. La glorification du prolétariat et l'illustration historique de la lutte des classes deviennent alors des sujets dominants.

À quelques exceptions près, notamment certains documentaires assez critiques vis-à-vis des conditions de vie en RDA, la créativité est étroitement contrôlée politiquement. Quelques films de Wolfgang Staudte (passé à l’Ouest en 1955, où il continua à pratiquer un réalisme très critique), Kurt Maetzig, Konrad Wolf, Franck Beyer (La Trace des pierres) sont encore à noter sous un contrôle étatique qui freine voire étouffe progressivement le développement artistique. La censure, qui interdit notamment en 1965-1966 une douzaine de films qui relevaient d’un ton nouveau, empêcha cette production de se rénover avant les dernières années du système. Die Legende von Paul und Paula de Heiner Carow (1973), un film romantique très influencé par la mode "Flower Power" et l'esprit de liberté des années 70 va une dernière fois à contre courant de ce qui se faisait à l'époque. Il est interdit après que les acteurs principaux soient partis à l'Ouest.

Jacob le Menteur (Jakob der Lügner, 1975) de Frank Beyer, sera le premier film de la RDA couronné au Festival de Berlin. En 1992 la DEFA et les studios de Babelsberg sont privatisés. Leur direction est confiée à Volker Schlöndorff.

 

À l'Ouest (RFA)
Dans la zone d'occupation alliée, les fonctions de production, distribution et projection sont strictement séparées. Censée officiellement préserver la démocratie dans une perspective de dénazification, cette fragmentation permet également d'empêcher l'émergence d'un concurrent international sérieux. Placée sous la responsabilité de l'Office of War Information (Bureau de l'Information de Guerre), la politique cinématographique se donne pour objectif de culpabiliser et de rééduquer les Allemands. Ainsi des documentaires sur les camps de concentration sont diffusés ainsi que les actualités anglo-américaines (Welt im Film).

Le producteur Erich Pommer revient en Allemagne sans beaucoup de succès, comme Peter Lorre, qui ne réalise qu’un film, Der Verlorene (1951). Seul Robert Siodmak réalise des films à la hauteur de sa production hollywoodienne.

Le cinéma allemand ne produit plus bientôt que des films de guerre conventionnels dont beaucoup s’attachent à dédouaner l’armée allemande des crimes nazis et des romances rurales réactionnaires («Heimatfilme»). Tout cela confère une médiocre réputation internationale au cinéma allemand, qui néanmoins exporte de nombreux acteurs (Curd Jürgens, Hildegard Kneff, Lilli Palmer, Romy Schneider, Nadja Tiller, Hardy Kruger, Klaus Kinski, etc.) et crée le Festival de Berlin en 1951.

Plus attirés par les fictions et le divertissement, les Allemands se tournent donc vers le cinéma américain, provoquant l'effondrement de l'industrie cinématographique ouest-allemande qui ne produit plus que 63 films en 1962 .

Les rares auteurs sont Wolfgang Staudte, passé à l'ouest en 55 avec Je voulais pas être un nazi (Kirmes, 1960), l’humaniste chrétien Harold Braun, ou encore Helmut Käutner qui tente l’aventure hollywoodienne en 1957. Leur héritier sera Bernhard Wicki, dont Le Pont (Die Brücke, 1959) est considéré à la fois comme le point d’aboutissement de la tradition réaliste allemande et le point de départ d’une nouvelle approche de la production menée du point de vue de l’auteur.

 

5- La Nouvelle Vague allemande

À l’Ouest, l’acte de naissance du jeune cinéma allemand se situe en février 1962 au festival d’Oberhausen où vingt-six jeunes auteurs de courts-métrages et de documentaires signent un manifeste exactement contemporain de la faillite retentissante de la plus grande société cinématographique du pays, la U.F.A. Pour eux, la crise prouve qu’il est temps d’édifier un nouveau cinéma. Des institutions favorisant le financement des premiers films seront mises en place peu après, ainsi que les premiers établissements d’enseignement cinématographique de haut niveau.

Le 28 février 1962, lors du festival du court-métrage d'Oberhausen, 26 jeunes réalisateurs s'associèrent à Joe Hembus qui avait l'année d'avant rédigé un pamphlet intitulé Le film allemand ne peut être meilleur, pour proclamer ce manifeste qui fut par la suite appelé Manifeste d'Oberhausen.

Le 1er février 1965 fut fondé le Curatoire du Jeune Film Allemand, qui reçut pour mission de soutenir financièrement de nombreux nouveaux films allemands, avec l'appui du ministère de l'Intérieur.

Jean-Marie Straub, avec son film Non réconciliés (Nicht versöhnt, 1965), offrit au public l'un des tout premiers exemples du Nouveau Cinéma Allemand. En adaptant pour le cinéma le roman de Heinrich Böll Les deux sacrements (Billard um halb zehn), Straub présenta une leçon de distanciation brechtienne où venaient se mêler le passé et le présent de l'Allemagne. Non réconciliés divisa la critique en deux camps opposés, d'un côté les enthousiastes, de l'autre les détracteurs d'un film qu'ils considéraient tout au plus comme un navet de la dernière mode.

Au festival de cinéma de Cannes de 1966, c'est par Le désarrois de l'élève Törless que le Nouveau Cinéma Allemand se fit connaître du grand public. Volker Schlöndorff y adapta le roman du même nom de Robert Musil en y intégrant une composante propre à l'histoire allemande. Törless, élève dans un internat, observe les maltraitances subies par un camarade juif. Il désapprouve mais n'intervient pas.

Une jeune femme juive qui fuit la RDA pour se réfugier en République Fédérale mais qui n'y est pas non plus acceptée. Telle est la protagoniste du film d'Alexander Kluge, Anita G. (Abschied von gestern - Anita G.), qui fut récompensé au festival de Venise de 1966 par le Prix Spécial du Jury.

Le premier janvier 1968 entra en vigueur la nouvelle loi sur l'encouragement du film. L'Institut de Promotion du Film (Filmförderungsanstalt) fut créé à Berlin-Ouest avec des subventions attribués sur des critères qualitatifs.

Peu après, le Nouveau Cinéma Allemand remportait un beau succès avec la comédie de May Spils, Venons-en aux faits, trésor ! (Zur Sache, Schätzchen), sorti dans les salles allemandes le 4 janvier 1968. Ce divertissant film d'auteur met en scène les épanchements philosophiques d'un marginal originaire de Souabe.

Lors de la Berlinale de 1968, Werner Herzog fut récompensé par l'Ours d'Argent de la mise en scène pour son film Signe de vie (Lebenszeichen), qui montre l'échec de la tentative de rébellion d'un soldat à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

L'année 1969 fut marquée par de nouvelles controverses, soulevées cette fois par le film de Peter Fleischmann, Scènes de chasse en Basse-Bavière, qui déclencha une vague de "films de terroir" (Heimatfilme) de style critique. Dans cette œuvre, un homosexuel s'attire la haine de la population rurale bavaroise, se fait soupçonner de meurtre avant d'être pourchassé sans pitié.

En cette même année 1969, Rainer Werner Fassbinder fit ses débuts à la Berlinale avec L'amour est plus froid que la mort . Ce premier grand film suit le modèle des films de genre américains et de ceux de Jean-Marie Straub. Il constitue une étude détournée des mondes souterrains munichois. Un premier plan clinique et clairvoyant, masquant de rudes sous-entendus.


Coups d'éclat et succès commerciaux des années 1970

En 1970, le film de Michael Verhoeven, O.K., déclencha un coup d'éclat au Festival de Berlin. Dans cette œuvre, des soldats américains engagés au Vietnam violent et assassinent une jeune fille. Verhoeven déplace l'action dans les forêts bavaroises, avec des effets de distanciation brechtiens. La Berlinale fut interrompue.

Le 18 avril 1971, à Munich, fut fondé la " Maison d'édition des films d'auteurs ", sur le modèle d'une coopérative. Son but était d'aider les cinéastes dans la production et la distribution de leurs films.

En 1971, tirant des leçons du coup d'éclat de l'année précédente, les organisateurs de la Berlinale créèrent en annexe du festival un "Forum international du nouveau film".

L'année 1972 fut celle de la première collaboration entre le metteur en scène Werner Herzog et l'acteur Klaus Kinski, dans le film Aguirre, la colère de Dieu. L'action s'inspire d'un épisode historique du XVIe siècle. Un conquérant espagnol échoue dans la fondation d'un Etat idéal en Amazonie. Herzog fustige la folie impérialiste et les dérives de l'idée de chef.

Le 15 avril 1973, le metteur en scène Wolfgang Petersen et l'auteur Wolfgang Menge lancent un débat écologique avec leur document fictionnel Smog, diffusé à la Television Ouest-Allemande (WDR). Dans ce film, des représentants de l'économie et de la politique communale et nationale se préoccupent de l'avenir du bassin de la Ruhr qui vient de subir une catastrophe écologique. Le 9 octobre 1975, le succès dans les salles du film de Volker Schlöndorff, L'honneur perdu de Katharina Blum (Die verlorene Ehre der Katharina Blum) apporte un nouveau vent d'euphorie au Nouveau Cinéma Allemand. Dans cette adaptation du roman éponyme de Heinrich Böll, la rencontre fortuite de Katharina Blum avec un terroriste supposé transforme la jeune femme en une victime de la presse de boulevard et d'une opinion publique déchaînée. Elle est opprimée par la justice, qui manque à son devoir d'impartialité.

En 1976, deux films démontrent la vigueur du Nouveau Cinéma Allemand : Emden geht nach USA, de Klaus Wildenhahn, et Comedian Harmonists, de Eberhard Fechner. Le premier documentaire évoque la crise sérieuse qui sévit à l'été 1975 dans la région d'Emden, menacée par l'annonce de délocalisation d'une usine de Volkswagen aux Etats-Unis. Wildenhahn observe les ouvriers réagir à cette nouvelle et imaginer des actions de protestation. La qualité du travail filmique a été louée par la critique.

Les Comedian Harmonists, avec leurs chants a cappella (" Mon petit cactus vert ", etc.), étaient très populaires dans les années 1920. En 1935, les Nazis dissolvirent le groupe vocal, car trois de ses membres étaient Juifs. Le film qui rend hommage à ce groupe n'entend pas tant montrer comment vivaient ces artistes populaires qu'il ne souhaite inciter le spectateur à une réflexion sur le passé allemand.


Du renom international au déclin

C'est en 1977 que le Nouveau Cinéma Allemand atteint une portée mondiale, avec le film de Wim Wenders, L'ami américain. L'adaptation cinématographique du roman de Patricia Highsmith se focalise davantage sur la psychologie des protagonistes que sur les nœuds de tension de l'intrigue. Il s'agit d'un ouvrier de Hambourg qui, apprenant qu'il est atteint d'une très grave maladie, devient tueur à gage.

En 1978 sortit le film L'Allemagne en automne, sous la direction d'Alexander Kluge. Cette œuvre, qui était le résultat de la collaboration de plusieurs metteurs en scène du Nouveau Cinéma Allemand, traitait de la situation politique allemande à l'époque de la chasse aux terroristes. Il eut un large écho sur la scène internationale.

La même année, Le Couteau dans la tête (Messer im Kopf), un film de Reinhard Hauff, évoquait le même thème. Un scientifique se retrouve entraîné dans une descente de police avant de perdre en même temps le langage et la mémoire. Recherchant la vérité, il finit par découvrir que l'intervention précipitée du policier était surtout motivée par la peur.

En 1979, Le Mariage de Maria Braun de Rainer Werner Fassbinder est la première partie d'une trilogie sur la RFA dont les deuxième et troisième volets sont Lola, une femme allemande (1981)et Le Secret de Veronika Voss (1982). Volker Schlöndorff reçoit pour son adaptation de Günter Grass, Le Tambour (Die Blechtrommel), la Palme d'Or du Festival de Cannes, le Prix du Film allemand et le premier Oscar obtenu par un film allemand.

En septembre 1979, des cinéastes munichois tentèrent de redonner vie au Nouveau Cinéma Allemand par leur "déclaration de Hambourg". Mais le Nouveau Cinéma Allemand ne connut plus de succès remarquable, et le public se tourna surtout vers les blockbusters américains. On vécut même le retour du film de divertissement national, auquel participa largement le producteur Bernd Eichinger. Les metteurs en scène du Nouveau Cinéma Allemand continuèrent à travailler, mais pas dans le même cadre : ils allèrent à Hollywood, travaillèrent pour la télévision ou bien tournèrent des films expérimentaux pour un public d'initiés.

La fin d’un âge d’or

La mort de Fassbinder, en 1982, au lendemain de son trente-septième anniversaire, l’achèvement de la grande fresque d’Edgar Reitz Heimat (1981-1984) qui embrasse l’histoire de l’Allemagne de 1918 à 1982, marquent symboliquement la fin d’un âge d’or.

Alexander Kluge, Kotulla, Syberberg, n’ont pas fait de film depuis 1985, se contentant d’oeuvrer régulièrement ou sporadiquement pour la télévision. Volker Schlöndorff a tourné principalement hors d’Allemagne, en particulier aux États-Unis, avant de prendre la direction artistique des studios de Babelsberg, privatisés au lendemain de la réunification. Parmi les anciens, Bernhardt Wicki, Hans W. Geissendörfer, Margarethe von Trotta, ou encore l’autrichien Axel Corti (1933-1993) se sont perdus dans les schémas et les contraintes qui pèsent trop souvent sur les coproductions européennes impersonnelles ou les essais historiques stéréotypés.

Helma Sanders-Brahms a souffert des petits budgets, mais aussi, comme beaucoup de ses collègues, d’obsessions littéraires aux résultats décevants. Werner Herzog et Werner Schroeter semblent avoir perdu leur inspiration dans les rares films qu’ils ont entrepris depuis la fin des années 1980, et se sont tournés vers la mise en scène d’opéras. Percy Adlon, qui, après des années de productions à faible audience a su toucher un vaste public avec l’aimable Bagdad Café (Out of Rosenheim, 1987), n’a jamais retrouvé la même inspiration depuis son installation en indépendant aux États-Unis.

La production allemande s’efforce de conquérir le marché européen - voire mondial - avec des oeuvres relevant d’un classicisme sans risques, et en consacrant de gros budgets à des films à alibis littéraires ou historiques; le cas du film de Schlöndorff, Le Roi des aulnes (1996), est caractéristique à cet égard : coproduit par plusieurs pays européens, filmé en version anglaise, ce film auquel les studios de Babelsberg ont consacré tous leurs efforts financiers et matériels, a été un échec commercial autant qu’esthétique.

Les successeurs de la génération des Wenders/Herzog/Fassbinder ne parviennent qu’exceptionnellement, tant à affirmer une oeuvre constituée qu’à pénétrer un marché devenu moins favorable au film d’auteur. Plusieurs cinéastes allemands font carrière aux États-Unis, dans des films commerciaux dénués d’ambition (Roland Emmerich, Wolfgang Petersen, Uli Edel). Les nouveaux auteurs nés aux environs de 1960 réalisent souvent un ou deux films prometteurs. Ainsi de Dani Levy, Sönke Wortmann, Jan Schütte, Christian Wagner, Mathias Allary, Nico Hoffman. Mais après ces premières oeuvres à petit budget, les difficultés commencent : il faut intégrer la production la plus commerciale (Wortmann a remporté un des plus grands succès du cinéma allemand avec Der Bewegte Mann), ou se résigner à des tâches peu valorisantes.



6- Le sursaut des années 2000 après la réunification

Quelques films ont néanmoins réussissent à obtenir un succès international en surfant sur la vague "ostalgique " (nostalgie de l'ancien régime, sorte de bon vieux temps des illusions d'égalité) : Good bye, Lenin ! (2003) de Wolfgang Becker ou en traitant des méthodes répressives du régime communiste : La vie des autres de Florian Henckel von Donnersmarck (2006) voir en revenant à des sujets historiques de l'époque nazie : La rue des roses de Margarethe von Trotta (2003), Les Faussaires de Stefan Ruzowitzky (2008), La Chute (Der Untergang)

Parallèlement à ce cinéma d'obédience commerciale se sont dégagés les noms de de Fatih Akin avec Head-On 2004 et De l'autre côté (2007), de Matthias Glasner avec Le libre arbitre (2006) et de de Tom Tykwer avec, Cours, Lola, cours (1999).

Une "nouvelle nouvelle vague" s'est progressivement développée autour de ce qu'on a appelé "l'école de Berlin". Elle est représentée par des cinéastes comme Christian Petzold (Yella, Jerichow), Valeska Grisebach, Ulrich Köhler (Bungalow, Montag), Benjamin Heisenberg, Christoph Hochhäusler, Angela Schanelec, Nicolas Wackerbarth, Stefan Kriekhaus, Stefan Krohmer, Hans-Christian Schmid, Romuald Karmakar, Thomas Arslan ou Henner Winckler. La plupart d'entre eux vivent à Berlin et travaillent ensemble, scénarisant les films les uns des autres ou servant de chef opérateur sur les films de leurs camarades. En outre, Benjamin Heisenberg, Christoph Hochhäusler et Sebastian Kutzli ont créé, en 1998, la revue Revolver, qui paraît deux fois par an et leur permet de présenter les films qu'ils affectionnent.

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