(1932-1988)
6 films
   
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histoire du cinéma : puissances du faux

1 - Mise en scène

"Joaquim Pedro de Andrade essaye de réconcilier la haute culture et la culture populaire, les exigences du désir et les urgences de l'histoire, l'aspiration à l'utopie et le sens des réalités". (Paulo Antonio Paranaguá dans le catalogue du Festival de Biarritz, 1999)

Joaquim Pedro de Andrade, élève de l'IDHEC en 1961, est fortement marqué par La nouvelle vague et peut-être plus encore par l'une de ses sources d'inspiration, le néoréalisme. Peau de chat tourné en 1960 dans les pauvres demeures qui dominent Rio de Janeiro en est la plus parfaite illustration. Certes le message est clairement révolutionnaire avec son refus du sentimentalisme qui conduirait à épargner le beau chat, luxe que ne peut se permettre le jeune héros qui a le plus grand mal à se nourrir. Mais la forme de ce cinéma (sonore sans parole autres que des cris et des onomatopées) relève bien de cette vision globale d'une conscience globale par laquelle on peut définir le néoréalisme.

Son cinéma se fera néanmoins de plus en plus baroque, révolté et violent au fur et à mesure que le contexte politique devient moins favorable. Si, en 1970, son documentaire Le langage de la persuasion est encore classique, Macunaima en 1969 marque une incontestable rupture qu'il poursuivra dans chacun de ses longs métrages suivants et dans les courts Le sentier tropical (1977) et L'aleijadinho (1978).

Son cheminement n'est ainsi pas sans évoquer celui, contemporain, de Pier Paolo Pasolini. Comme lui, il se détache du néo-réalisme et acquière le goût de faire sentir la caméra en développant des procédés stylistiques qui témoignent de cette conscience réfléchissante qui doublent la perception d'une conscience esthétique indépendante.

Le rapprochement avec Pasolini se confirme par l'encrage de ses films dans une culture populaire attachée aux particularismes locaux (la province de Minas Gerais reste le lieu de presque tous ses films), sa détestation de la société de consommation et par une fin de filmographie proche de de ce que recherchait Pasolini dans sa Trilogie de la vie, hymne à la vie, à la jeunesse, à l'amour. De Andrade comme Pasolini peut revendiquer "Le pastiche", le collage de "culture haute" et de "culture basse". "La culture haute" correspond à une adaptation très intellectualisée de quelques uns des grands cycles narratifs de l'histoire de la culture (ici proprement brésilienne) et "la culture basse" correspond à l'érotisme populaire.

Une moitié des films de Joaquim Pedro de Andrade est en effet basée sur les vies et les grandes œuvres d'artistes brésiliens. Il s'inspire de la littérature, son univers naturel avec un père écrivain, parce qu'il y trouve des personnages qui correspondent à son inspiration du moment. A ces œuvres, fables, contes ou poèmes, réputées non adaptables, il donne à chaque fois une forme particulière. Le poète du Castelo (1959) avec le poète Manuel Bandeira ; Le prêtre et la jeune fille (1965) d'après le poème de Carlos Drummond ; Macunaïma (1969), d’après le roman de Mario de Andrade ; Guerre conjugale (1975) adapté de douze nouvelles du romancier Dalton Trevisan ; L'aleijadinho (1978) évoque le sculpteur Francisco Lisboa ; L'homme du bois Brésil (1980) d'après l'écrivain Oswald de Andrade.

L'autre moitié de ses films s'appuie sur des écrits sociologiques ou historiques de la culture brésilienne. Ainsi de l'entretien avec le sociologue brésilien Gilberto Friere dans Le maître d'Apipucos (1959), ou de l'analyse des phénomène que sont Garrincha, un héros du peuple (1963), le Cinéma novo (1967), Brasilia contradictions d'une vile (1968) ou la publicité dans Le langage de la persuasion (1970) et enfin les actes du Procès du soulèvement de l'Inconfidência Mineira pour Les conspirateurs (1972).

Au thème du refoulement longtemps contenu sujet de Le prêtre et la jeune femme succéderont ainsi les farces grotesques : Macunaima, Guerre conjugale ou L'homme du bois Brésil où les romans de départs, ancrés dans le modernisme du début de la révolution industrielle brésilienne, seront détournés au profit des impératifs de transformation sociale voulus par les tenants du cinéma novo.

 

2 - Biographie

Né à Rio de Janeiro, Joaquim Pedro débute en 1950 des études de physique à la faculté de Philosophie de la ville. Son professeur de mécanique tient un ciné-club et, passionné de cinéma muet, projette Limite de Mario Peixoto, Le cuirassé Potemkine, Octobre. Les étudiants, dont Leon Hirzsman, fondent un journal puis se lancent dans la production. Ils sont tour à tour acteurs réalisateurs, producteurs. Joaquim Pedro de Andrade est, dès cette époque, marqué par le néoréalisme italien. Il travaille deux ans comme physicien mais son amour pour le cinéma supplante vite la physique et, à partir de 1957, il devient assistant sur quelques tournages. Le premier d'entre-eux est pour les frères Santos Pereira sur Rébellion à Vila Reca car son père avait une maison à Ouro Preto (le nouveau nom de la capitale de la province). Ce sera la plus grande production à laquelle, Joaquim Pedro de Andrade participera jamais. Il s'associe ensuite à des Brésiliens venus d'Europe qui veulent faire des films commerciaux. Il les quitte en ayant toutefois réalisé un documentaire sur Manuel Bandeira qu'il connaît personnellement : c'est son parrain.

Il tourne ensuite Peau de chat en 1960 qui aurait pu intégrer le film à sketches Cinq fois favela mais Joaquim Pedro de Andrade emmène en France son film non terminé qui lui a permis de décrocher pour une bourse d'études payée par la France. Sacha Gordine, le producteur d'Orfeo Negro, finance la sonorisation du film. Après un an d'études à l'IDHEC et une fréquentation assidue de la Cinémathèque française, il entre en 1962 à la Slade School of Arts de Londres.

Impressionné par les nouvelles vagues européennes, c'est tout naturellement que son cinéma va se confondre avec celui du Cinema Novo dont de Adrade deviendra une figure importante avec ses 14 films (6 longs métrages et 8 courts-métrages), documentaires et fictions, entre 1959 et 1981, période charnière de l'histoire du Brésil (avant, pendant et après le coup d'état des Généraux de 1964).

Joaquim Pedro de Andrade passa les dernières années de sa vie sans jamais abandonner la création et le cinéma, avant de s'éteindre d'un cancer du poumon en 1988.

3 - Bibliographie et DVD et ressources internet :

 

4 - Filmographie :

Courts-métrages :

1959 : Le poète de Castelo
1959 : Le maître d'Apipucos
1960 : Peau de chat ()
1967 : Cinema Novo
1968 : Brasilia : contradictions d'une ville
1970 : Le langage de la persuasion
1977 : Sentier tropical
1978 : L'Aleijadinho

Longs-métrages :

1963 Garrincha, héros du peuple

(Garrincha, Alegria do Povo). Avec : Heron Domingues, Garrincha 1h10.

Manuel Francisco dos Santos, plus connu sous le nom de Garrincha, fut l’un des plus talentueux footballeurs du Brésil, vénéré par ses supporters. Dans ce documentaire, Joaquim Pedro de Andrade explore en précurseur le football en tant que phénomène social majeur du Brésil.

   
1965 Le prêtre et la jeune femme

(O Padre e a Moça). Avec : Paulo José, Helena Ignez, Mário lago, Fauzi Arap, Rosa Sandrini. 1h30.

Les habitants d’un village isolé du Minas vivent dans la misère après l’épuisement des filons d’or et de diamants. Les hommes s’y déchirent pour Mariana, la seule jeune femme de l’endroit. A la mort de l’abbé arrive un jeune prêtre dont s’éprend Mariana et qui, lui aussi, ne saura résister à ses charmes. Leur amour provoque l’ire des villageois.

   
1969 Macunaïma

(Macunaïma). D’après le roman de Mario de Andrade. Avec Paulo José, Grande Othelo, Dina Sfat, Milton Gonçalves. 1h48.

De la jungle à la ville, Macunaíma, le « héros sans caractère », brille par sa paresse et sa désinvolture. Né noir d'une mère indienne, il devient blanc sous une fontaine magique, rencontre une guérillera puis part à la recherche d'une pierre précieuse volée par un milliardaire aux allures d'ogre. Mais pourra-t-il longtemps tromper son monde pour échapper aux embûches qui se dressent devant lui ?...

   
1972 Les conspirateurs

(Os Inconfidentes). Avec : Josè Wilker, Luis Linharesn, Paulo César Pereio. 1h16.

A la fin du XVIIIe siècle, la dure politique fiscale du Portugal appauvrit le peuple. Dans l’état du Minas Gerais, des intellectuels organisent un soulèvement contre le pouvoir colonial. Trahis par l’un des leurs, ils seront tous arrêtés.

   
1975 Guerre conjugale

(Guerra Conjugal). Inspiré des contes de Dalton Trevisan. Avec : Lima Duarte, Carlos Diegues, Jofre Soares, Carmen Silva.1h30.

Un vieux couple de la petite bourgeoisie urbaine passe son temps à se disputer pour un oui pour un non. « Dans « Guerre Conjugale », la coexistence des contradictions de la vie m’a rappelé l’intensité et la fièvre de Dostoïevski, si Dostoïevski avait eu le sens de la gaîté et de l’érotisme, il aurait, certes, pu écrire « Guerre Conjugale ». » (Dusan Makavejev)

   
1982 L’homme du bois Brésil

(O Homem do Pau Brasil). Avec : Ítala Nandi, Flávio Galvão, Regina Duarte, Christina Aché. 1h52

Biographie de Oswald de Andrade, auteur du Manifeste Antropophagique au Brésil. Un acteur et une actrice jouent simultanément le rôle de Oswald-mâle et Oswald-femelle. « Lorsque l’Oswald-mâle est dévoré par l’Oswald-femelle, naît la Femme au Bois Brésil, leader de la révolution qu’instaurera le Matriarcat Anthropophage comme régime politique du pays. » (Joaquim Pedro de Andrade)

   
   
   
   
   
Ciné-club de Caen