Le cinéma passe à table

2005

Pourquoi les scènes de repas sont-elles si souvent centrales dans le cinéma ? Parce qu’à travers la nourriture, on peut tout exprimer : la psychologie des personnages, leur rang social, mais aussi leurs rapports au corps, au désir, à la mort… Souvent, l’acte de manger renvoie à quelque chose de trouble et d’inquiétant, révèle des secrets ou bien les enterre encore plus profond. La cuisine est donc une matière savoureuse pour le grand écran. C’est cette matière qu’Anne Andreu décortique avec, au menu, des extraits de choix : la fameuse scène des escalopes d’Angel de Lubitsch, la machine à manger des Temps modernes de Chaplin, le dîner amoureux d’In the mood for love de Wong Kar-wai, les innombrables repas des films de Chabrol, sans oublier la subversive Grande bouffe de Marco Ferreri. Le tout est relevé par les commentaires des auteurs Noëlle Châtelet et Michel Sadler (décrypteur de films par l’art culinaire), et de réalisateurs et acteurs fins gourmets : le vorace Gérard Depardieu, Claude Chabrol commentant la scène de repas de Que la bête meure, Wong Kar-wai, le Danois Gabriel Axel, auteur du Festin de Babette, son compatriote Thomas Vinterberg, réalisateur de Festen…


Dans ce festin documentaire, Anne Andreu explore toutes les facettes de la “cinégastronomie”. Elle débusque les secrets tapis derrière les grandes scènes autour de la nourriture, des plus officielles (les repas familiaux, prétextes à célébrer la communauté ou, au contraire, à dynamiter les règles sociales) aux plus intimes (les corps à corps culinaires explicitement érotiques, comme cette séquence de Tampopo où un couple se passe un jaune d’oeuf de bouche à bouche jusqu’à l’orgasme). Dans certaines séquences, voire dans des films tout entiers, manger devient un acte transgressif et agit comme un révélateur de violence (ainsi dans le sulfureux Old boy de Park Chan-wook) ou de tendances suicidaires (“Si tu ne manges pas, tu ne mourras pas”, dit l’un des personnage de La grande bouffe). Parfois, les scènes de repas sont symptomatiques d’une époque. Elles révèlent une absence de communication, l’apparition d’un nouveau brassage social, mais aussi un rapport obsessionnel à la nourriture, comme dans les films italiens d’après-guerre. Un tour de table aussi plaisant qu’instructif.

 

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Anne Andreu
Genre : Documentaire , 1h00