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Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs

1648

Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs
Rembrandt, 1648
Huile sur toile, 68 x 65 cm
Paris, musée du Louvre

Cette scène des pèlerins d’Emmaüs, où Jésus ressuscité se révèle à deux de ses disciples, suit dans l’Evangile selon saint Luc le récit de la résurrection du Christ. Rembrandt la peignit une dizaine de fois de manière différente (dont très jeune, en 1628) auxquelles il faut ajouter de très nombreuses gravures et eaux fortes. Il porte ici, dans cette représentation épurée, à la fois plus humaine et plus intériorisée, la peinture religieuse à son plus haut degré de dépouillement et de spiritualité.

Un serviteur apporte un plat, mais l’essentiel de la scène tient dans le geste que fait le Christ, les yeux levés : il rompt le pain… Une clarté irréelle nimbe son visage, tandis que sur la gauche, une lumière tombant d’une fenêtre invisible éclaire sur la table la nappe blanche qui rappelle le suaire, le linceul de Jésus crucifié, retrouvé posé au troisième jour près du tombeau vide… Et à cet instant les deux disciples, saisis, - l’un recule avec une crainte sacrée, tandis que l’autre joint les mains dans un geste de prière -, le reconnaissent. Sa figure livide, douloureuse, d’un réalisme poignant, rappelle qu’il vient de triompher de souffrances inexprimables et de la mort, évoquée par certains détails symboliques comme le verre vide retourné à sa droite, et le crâne brisé d’un agneau, symbole de la mort de « l’Agneau de Dieu », présenté sur le plat à sa gauche. Le contraste entre l’évanescence de l’auréole sur l’ombre verdâtre de la niche du fond qui remplit l’espace à la manière d’une église, et la lumière naturelle qui s’attarde sur les visages, les objets, creusant un clair-obscur avec les tonalités dominantes d’un brun sombre, crée cet instant indéfinissable, et comme suspendu, où la scène représentée va basculer de l’humain au divin.

En peignant le moment du repas à l’auberge, à la fin de la journée, après cette rencontre de Jésus avec deux pèlerins sur la route entre Jérusalem et un village, Emmaüs, Rembrandt affronte le défi de rendre visible la réalité du Christ ressuscité qui n’est perceptible que dans la foi. Il s’est en quelque sorte affronté au défi de peindre la foi. Et toutes ses œuvres sur le thème d’Emmaüs sont une recherche tâtonnante et jamais terminée de cela.

Le tableau du Louvre de 1648 atteint la perfection qui ne sera égalée par aucune des œuvres ultérieures. S’il emploie sans doute à dessein les quelques symboles propres aux Vanités de son époque, il se dégage cependant des traditions iconographiques et dogmatiques qui pesaient encore sur la peinture au XVIIe. Il simplifie, voire efface même le message hagiographique et n’en conserver que le sens mystique profond. Il utilise surtout la lumière, et ce légendaire clair-obscur qui transcende la scène et lui donne ce caractère intemporel. Rembrandt est en effet le peintre de la lumière (contrairement à Rubens qu’on pourrait qualifier de peintre de la couleur) et il joue avec les contrastes de la lumière et de l’ombre. Le fond est sombre, brun, la tonalité d’ensemble est le brun, et c’est cette couleur brune qui, tout en restant brune, est éclairée par la lumière venant du Christ ressuscité.