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Prométhée

1868

Prométhée
Odilon Redon, 1868
Huile sur toile, 205 x 122 cm
Paris, Musée Gustave Moreau

Au premier regard, ce tableau frappe par sa dimension religieuse, l'humanité souffrante de Prométhée l'associant étroitement à la figure du Christ supplicié. D'un Christ qui, comme lui, a voulu le bien des hommes et a été tragiquement puni. Une différence toutefois : le corps de Prométhée, au contraire de celui de Jésus, écartelé par le martyre sur la croix, éclate de santé et de vigueur. Vigoureux, musclé, harmonieux, il est à peine altéré par la blessure au flanc provoquée par le bec avide du rapace ; tout au plus distinguera-t-on une tache de sang juste au-dessus de la ceinture. Prométhée n'a rien abdiqué de sa fière révolte. Mieux, les plumes qu'il foule au pied indiquent qu'il a participé lui-même à la mise à mort du vautour, qui, abattu, a aussitôt été remplacé par un nouveau bourreau.

Tout le tableau baigne dans une atmosphère de début ou de fin des temps. La palette se réduit à quelques bleus et ocres, impuissants à réchauffer l'atmosphère. Le vrai monde est ailleurs, très loin au-delà de cet horizon que semble dépasser le regard du Titan lié à la colonne ionique.

Dominée par la flamme de la connaissance, la tête de Prométhée est particulièrement remarquable, avec son admirable profil, tout d'énergie tendue cers l'avenir. Sans doute guette-t-il le premier signe d'approche d'Héraclès, qui le délivrera, sur ordre de Zeus, sans que le dieu rebelle ait rien cédé de son engagement en faveur des hommes.

De l'aigle au vautour

La noble figure de l'aigle, roi des cieux et envoyé spécial de Zeus, fait ici place au sinistre vautour, charognard des basses œuvres, qui ne s'attaquent qu'aux cadavres. En choisissant cette figure dégradante, Moreau met en lumière, par un contraste saisissant, la silhouette altière et aristocratique de Prométhée méprisant la bassesse de ceux qui ont puni son geste sacrilège.

Rien ne dit mieux la victoire finale de Prométhée que ce cadavre d'un second vautour, au premier plan. Certes, cette dépouille atteste l'ancienneté du supplice du Titan, mais elle rappelle aussi qu'à l'inverse de sa victime divine, l'oiseau bourreau est mortel, donc appelé à être régulièrement remplacé jusqu'à l'intervention libératrice d'Héraclès.

Texte : Gérard Denizeau; La mythologie expliquée par la peinture, Edition Larousse, 2017.