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(1431-1506)
Première Renaissance
Saint Marc 1448 Francfort, Städelsches K.
Saint Jérôme dans le désert 1450 São Paulo, Museu de Arte
Portrait d'un vieillard 1450 Milan, Museo Poldi Pezzoli,.
L'adoration des bergers 1453 New York , Métropolitain
La prière au jardin des oliviers 1454 Londres, National Gallery
Sainte Euphémie 1454 Naples, M. di Capodimonte
Sainte Justine 1455 Milan, Pinacoteca di Brera
Saint Sébastien 1458 Vienne, Kunsthistorisches M.
La prière au jardin des oliviers 1459 Tours, Musée des B. A.
La crucifixion, dite Le calvaire 1459 Paris, Musée du Louvre
La résurrection 1459 Tours, Musée des B. A.
La circoncision 1464 Florence, Galleria degli Uffizi
La Mort de la Vierge 1464 Madrid, Musée du Prado
Le Christ avec l'âme de la Vierge 1464 Ferrare, Pinacot. nazionale
Judith et la servante Abra 1470 Washington, N. G. of art
La chambre des époux 1474 Mantoue, Palais ducal
Saint Sébastien d'Aigueperse 1480 Paris, Musée du Louvre
Lamentations sur le Christ mort 1482 Pinacotheque de Brera
La sainte famille avec sainte Elisabeth 1490 Dresde
Le Christ de pitié 1490 Copenhague, Statens M.
Le Christ 1493 Correggio, Museo il Correggio
Les porteurs de vases 1495 Londres, Royal Collection
La Vierge de la victoire 1496 Paris, Musée du Louvre
Le Parnasse 1497 Paris, Musée du Louvre
L'adoration des mages 1500 Los Angeles, J.P. Getty M.
Ecce Homo 1500 Paris, M. Jacquemart-André
Minerve chassant les vices du jardin.. 1502 Paris, Musée du Louvre
La sainte famille avec sainte Elisabeth 1505 Fortworth, Kimbell Art M.
Sainte famille avec la famille de St J.-B. 1506 Mantoue, B. di Sant'Andrea

Principal représentant des peintres de la Renaissance en Italie du Nord, grand érudit et féru d'antiquités, il inaugure la recherche de la vérité historique dans la peinture. Il peint La chambre des époux à Mantoue (1472-1474).

Entre 1440 et 1460, Padoue est l’un des centres artistiques les plus brillants d’Italie. Cette ville de tradition universitaire devient un lieu d’expérimentation où, dans un va-et-vient permanent, des artistes de toutes origines proposent des solutions figuratives résolument novatrices : beaucoup ont été attirés par la présence de Donatello, le génial sculpteur florentin, venu de 1443 à 1454 travailler au monument équestre du Gattamelata et à l’autel en bronze de la basilique Sant’Antonio.

Mantegna vit pleinement cette fièvre de renouveau. En 1445, tout juste adolescent, il est déjà mentionné comme peintre et fréquente depuis plusieurs années l’atelier de Francesco Squarcione, lui-même peintre et tailleur, qui a su attirer à lui de nombreux disciples – dont Nicolò Pizzolo, Marco Zoppo et Giorgio Schiavone – venus étudier chez lui les objets antiques et prendre connaissance des dernières inventions toscanes.

L’emprise des modèles sculpturaux sur la peinture est très forte à Padoue comme l’illustrent le Saint Marc de Mantegna, dont le cadrage à mi-corps dérive de compositions donatelliennes en terre cuite ou en bronze, et la Sainte Euphémie, conçue comme une statue dans une niche, mais prête, à son tour, à être aisément reproduite en sculpture.


Autour de la chapelle Ovetari

En 1448, âgé de dix-sept ans seulement, Mantegna choisit l’indépendance et quitte l’atelier de Squarcione dont il était devenu l’élève et le fils adoptif autour de 1440.

Il se voit aussitôt confier, aux côtés d’autres artistes, la réalisation des fresques de la chapelle Ovetari, dans l’église des Eremitani de Padoue : un projet important qu’il mène de concert avec son collègue Nicolò Pizzolo, un peu plus âgé que lui. Mais ce dernier – à qui reviennent les Pères de l’Église maussades logés dans les médaillons dont Mantegna semble s’inspirer dans la figure de Saint Marc – meurt assassiné en 1453, abandonnant toute la gloire de l’entreprise à son jeune associé.

La chapelle Ovetari, avec ses inscriptions et ses marbres antiques, ses majestueuses architectures peuplées de personnages distants et froids comme des statues, ses guirlandes chargées de fruits et d’angelots malicieux, devient aussitôt une référence absolue pour tous les artistes du Quattrocento.

Très tôt loué par les poètes et les lettrés humanistes qui souhaitent se faire portraiturer par lui, Mantegna devient tout à coup un peintre célèbre, recherché des commanditaires importants.

 

Andrea Mantegna et Giovanni Bellini

En 1453, Mantegna épouse Nicolosia, la soeur de Giovanni Bellini, et noue ainsi des rapports étroits avec le plus grand atelier de peinture à Venise, que dirige son beau-père Jacopo. Les échanges intenses d’idées entre les deux beaux-frères et le jeu d’influences qui en résulte auront des répercussions fondamentales sur les destinées de la peinture en Italie.

Des personnages qui composent le Polyptyque de saint Luc, entrepris par Mantegna en 1453, c’est la Sainte Justine qui se ressent le plus de la veine tendre de Giovanni Bellini, comme la Vierge et l’Enfant entourés de deux saints que son style incite à placer dans ces mêmes années.

Si Jacopo demeure fidèle dans ses paysages visionnaires au monde du gothique finissant, Giovanni se montre très tôt réceptif à l’art de Donatello, par exemple dans la prédelle relatant des épisodes de la vie de Drusienne. Les miniatures de la Passion de saint Maurice et de la Géographie de Strabon comme la Madone de Pavie trahissent également l’ascendant de Mantegna mais celui-ci sera de courte durée. Dès 1460, avec l’émouvant Christ bénissant qui, par sa matière brillante et son inspiration pathétique, atteste la séduction exercée par les maîtres flamands, notamment Rogier van der Weyden, Giovanni est en possession d’un style personnel.

Autour du triptyque de San Zeno de Vérone

De 1456 à 1459, Mantegna se consacre à la réalisation du triptyque monumental commandé par Gregorio Correr, l'abbé du couvent bénédictin de San Zeno de Vérone. Les panneaux principaux sont toujours en place sur le maître-autel de l'église tandis que les éléments de la prédelle sont divisés entre Tours et Paris. Pour agencer ses personnages au sein du vestibule à l'antique qui court sur la largeur du registre central, l'artiste prend pour modèle l'autel en bronze de Donatello au Santo de Padoue. Dans un souci poussé d'illusionnisme, il fait coïncider la lumière réelle de l'édifice, venue d'une fenêtre sur la droite, avec celle de l'espace fictif du tableau, et juxtapose les colonnes du cadre sculpté aux pilastres de la loggia peinte.

Les trois panneaux de la prédelle trahissent sa fascination pour l'art des maîtres flamands dont il a pu voir des exemples en Vénétie : comme dans l'adoration des bergers, il multiplie les notations réalistes. Le sens profond de la nature qui transparaît ici, la douceur de certains personnages doivent beaucoup à Giovanni Bellini dont il est encore très proche. Mais après ce moment de poésie intense, Mantegna revient au style plus austère et cérébral, adopté quelques années plus tôt dans la Prière au jardin des oliviers de Londres.

 

Les premières années à Mantoue

En 1460, Mantegna entre au service du marquis Ludovico, devenant ainsi le peintre en titre des Gonzague jusqu’à sa mort en 1506. Accueilli avec tous les honneurs, il ne quittera plus Mantoue, sinon pour de rares séjours à l’extérieur autorisés par les marquis.

Résolu à mettre Mantoue au diapason de la modernité, il fait aussitôt révoquer le miniaturiste Belbello de Pavie, adepte du style gothique tardif, et engager Girolamo da Cremona, acquis aux idées de la Renaissance.

Le premier chantier qui lui est confié (vers 1460-1464) est celui de la chapelle (détruite) du Castello di San Giorgio, dont il a conçu tout le décor, riches boiseries comprises. Mantegna veut étonner son nouveau mécène : la Circoncision brille de ses marbres colorés et de ses reliefs dorés, séduit par la précision et la vérité de ses mille détails, tandis que la douloureuse Mort de la Vierge dévoile le plus beau « portrait » jamais réalisé du paysage de Mantoue, avec le pont San Giorgio, les lacs et les marais formés par la rivière Mincio.

Peu de temps après, Mantegna peint son premier Saint Sébastien, un panneau d’une sophistication extrême : sur cette somptueuse architecture de ruines composites, il a tenu à apposer sa signature en caractères grecs.

De 1465 à 1474, Mantegna décore dans le palais ducal, non loin de la chapelle, une pièce plus tard baptisée la Chambre des Époux : ce fut l’une des entreprises majeures de sa carrière qui lui valut une célébrité immédiate.

 

Autour du Saint Sébastien d'Aigueperse

On ignore les circonstances de la commande et la destination initiale de l’imposant Saint Sébastien, acquis en 1910 par le Louvre. Il est probablement arrivé à Aigueperse en Auvergne au début des années 1480 à l’occasion du mariage en 1481 de Gilbert de Bourbon-Montpensier (gouv. 1486 -1496) avec Chiara Gonzaga, la fille du marquis Federico, peut-être au titre de la dot exorbitante versée par son père. Rien ne prouve qu’il ait été peint pour cet événement précis. Au XVIIe siècle, le tableau est décrit avec force éloges dans la Sainte-Chapelle mais le nom de son auteur est déjà tombé dans l’oubli.

Avant de quitter Mantoue, le Saint Sébastien de Mantegna semble avoir impressionné Bernardino da Parenzo qui transpose la composition et le décor de ruines à l’antique de la grande toile dans son petit panneau. C’est plutôt en Auvergne que l’aurait admiré Antonio Maineri, un peintre actif à Bologne, parti pour la France, si l’on en croit les documents, rejoindre Gilbert de Bourbon en 1481.

La commande en 1490 d’une Nativité à Benedetto Ghirlandaio – que l’on sait en France entre 1486 et 1493 – illustre bien le goût italianisant de la cour d’Aigueperse mais ce tableau aimable, d’une inspiration anecdotique, est aux anti-podes de la monumentalité, de la veine antiquisante et des effets scénographiques du Saint Sébastien de Mantegna.


De la chambre des époux au séjour romain

Après l’achèvement de la Chambre des Époux, et même au lendemain de la mort de Ludovico Gonzaga (1478), son vieil ami, la réputation de Mantegna est considérable. Ses successeurs, les marquis Federico et Francesco II, lui accordent leur confiance et le rythme des commandes ne faiblit pas.

À la fin des années 1480, le pape Innocent VIII fait appel à lui pour décorer sa chapelle au Belvédère du Vatican, sa nouvelle résidence : le marquis Francesco accepte de se séparer de lui et l’artiste résidera près de deux ans, entre 1488 et 1490, dans la Ville éternelle.

Pour qui avait passé sa jeunesse à rêver de l’Antiquité, la confrontation avec les ruines romaines aurait dû être une occasion extraordinaire d’approfondir ses connaissances archéologiques et de renouveler son approche. Il n’en fut rien, semble-t-il, et malgré les honneurs dont il est entouré, cet homme, âgé d’une soixantaine d’années, se sent exilé.

Aux années 1485-1490 sont parfois rattachées des oeuvres qui trahissent sa fascination pour le passé antique : La Vierge et l’Enfant entre saint Zacharie et sainte Élisabeth évoque dans la présentation hiératique des personnages, disposés en frise, un relief funéraire romain.

De la même manière, la figure tragique du Christ soutenu par deux anges, qui se détache sur un ciel d’aube est assise sur un somptueux sarcophage de porphyre à l’antique. L’admirable linceul blanc est l’une des plus belles réussites du peintre.


Mantegna et la gravure

En 1550, dans sa "Vie" de l'artiste, Giorgio Vasari faisait de Mantegna l'inventeur de la gravure sur cuivre en Italie, créant ainsi un véritable mythe. La question divise toujours les spécialistes : certains ont tendance à considérer que l'artiste n'a pas manié lui-même le burin mais qu'il a fourni des dessins à des praticiens afin qu'ils soient traduits en gravure. En tant que peintre de cour, Mantegna était soumis à un contrôle très strict de la part des Gonzague qui lui interdisaient de vendre ses œuvres et cette nouvelle technique de reproduction, au-delà de ses qualités expressives propres, lui permettait de faire connaître ses inventions en dehors de Mantoue. Mais le contrat qu'il signe en 1475 avec Gian Marco Cavalli est très explicite : le jeune orfèvre est dans l'obligation de tenir ses modèles et ses estampes secrets, sous peine d'une pénalité sévère ; pour avoir enfreint cette interdiction, Simone Ardizzoni, un autre graveur, fut bastonné sur ordre de Mantegna et alla réclamer justice au marquis.

L'inventaire des biens de Ludovico, le fils de Mantegna, disparu en 1510, fait état de plusieurs plaques de cuivre sur lesquelles étaient gravées des compositions exposées dans cette salle.


La diffusion des modèles "mantégnesques"

Des documents d'archives attestent les rapports étroits noués par Mantegna avec le monde des arts appliqués et nous éclairent sur la diffusion, rapide et ample, de ses inventions. Sa collaboration avec des artisans, semble avoir été fructueuse : il livre ainsi des modèles pour des lampes de métal, des tapisseries ou des récipients … Aucun, hélas, n'a survécu.

Parmi les dessins d'art décoratif de cette époque qui nous sont parvenus, on s'est efforcé de retrouver des échos du "style Mantegna" ou des idées de l'artiste : la feuille avec un oiseau de Washington, par exemple, pourrait être liée au somptueux mât de bois, sculpté et peint d'animaux par Mantegna qui soutenait la tente offerte en 1494 par le duc de Ferrare Ercole I d'Este au roi de France Charles VIII, à l'occasion de son arrivée en Italie.

Certains artistes ne se sont pas privés d'exploiter ses inventions, à son insu, dans des pièces uniques ou dans une production en série : ainsi, deux sculpteurs lombards, les frères De Donati, interprètent de manière sentimentale la Mise au tombeau, et l'enlumineur de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien emprunte à la célèbre gravure sur le thème du Combat des dieux marins le motif des deux tritons armés de poissons en duel.

 

La Vierge de la Victoire et les reliefs peints

La Vierge de la Victoire a été commandée par Francesco II Gonzaga comme ex-voto pour commémorer la victoire douteuse sur les troupes françaises de Charles VIII à Fornoue aux environs de Parme le 6 juillet 1495.

Un an après la bataille, le tableau était porté en procession solennelle jusqu’à la nouvelle église Santa Maria della Vittoria.

Les allusions militaires ne manquent pas ici : agenouillé et revêtu de son armure, le marquis exprime sa reconnaissance à la Vierge. Parmi les personnages qui encadrent le trône de marbre, figurent trois guerriers dans de somptueuses tenues de parade : à gauche, saint Michel, muni de son grand glaive parsemé de pierres précieuses, à droite saint Georges avec sa lance brisée, tel un héros « wagnérien ». À l’arrière, les deux saints patrons de Mantoue, André, reconnaissable à son attribut, la croix, et Longin, coiffé d’un heaume à panache. Avec sainte Élisabeth et le petit saint Jean, ils prennent place sous une tonnelle à claire-voie, composée de citronniers et d’orangers, sur laquelle se perchent des oiseaux.

À la base du trône, comme dans une série de tableaux de petites dimensions imitant des bas-reliefs en bronze doré ou en pierre, Mantegna a cherché à concurrencer de manière illusionniste les effets de la sculpture.

 

Le Studiolo d’Isabelle d’Este

La mode des cabinets de travail, petites pièces privées réservées aux activités intellectuelles, se répand au XVe siècle dans les cours italiennes, baignées de culture humaniste.

Isabelle d’Este, qui a épousé en 1490 Francesco II, décide très vite d’aménager un studiolo dans une tour du vieux Castello di San Giorgio. Les travaux dureront plus de vingt ans.

Elle confie à Mantegna les deux premières toiles du cycle, Le Parnasse et La Minerve (1502), mais jugeant son art dépassé, se tourne vers les peintres les plus célèbres de la nouvelle génération : elle sollicite en vain le concours de Giovanni Bellini, de Léonard de Vinci et de Francesco Francia mais elle n’obtient, en 1505, que le décevant tableau du Pérugin ; Lorenzo Costa, le nouveau peintre de la cour à la mort de Mantegna (1506), terminera la décoration avec deux tableaux livrés entre 1506 et 1511.

Le Parnasse et La Minerve ont été peints par Mantegna pour figurer l’un en face de l’autre, comme le démontre la lumière provenant de la gauche dans le premier tableau et de la droite dans le second.

Un an environ après la mort de son mari (1519), Isabelle transfère son studiolo au rez-de-chaussée de la Corte Vecchia. Dans son nouvel appartement, elle associe à l’ancienne série de tableaux deux Allégories de Corrège, exécutées vers 1530.

 

Mantegna et les thèmes du studiolo

Les cinq toiles conçues pour le premier Studiolo, celui du Castello di San Giorgio, ont toutes pour propos la victoire des Vertus sur les Vices mais on ignore si elles obéissaient à un programme iconographique d’ensemble, défini au départ.

Le premier tableau commandé par la marquise à Mantegna et livré en 1497, contient déjà en germe des thèmes qui seront aussi développés dans les autres tableaux, à savoir le triomphe de l’amour spirituel sur l’amour terrestre et la célébration des arts à la cour de Mantoue. L’évocation des amours de Mars et Vénus pouvait être perçue comme une allusion au couple formé par François II et Isabelle, mécène et protectrice des muses.

La présence dans Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu, la seconde peinture, achevée en 1502, d’idées et de motifs qui obsèdent l’artiste depuis ses débuts, laisserait néanmoins penser que celui-ci a joué un rôle déterminant dans sa conception : thème de l’Ignorance comme ennemi de la Vertu, nombreuses inscriptions en divers alphabets, nuages et arbre anthropomorphes ou personnifications grotesques des Vices chassés par la déesse guerrière, à l’allure énergique et majestueuse.

 

Les Triomphes de César

La réputation de Mantegna est largement fondée sur le cycle des Triomphes de César dont les compositions ont été très tôt copiées et gravées, suscitant l’admiration de Corrège, Rubens, Poussin, ou Goethe. Les neuf toiles peintes sont acquises par Charles I d’Angleterre à la fin des années 1620 et présentées au palais de Hampton Court depuis 1630.

Cette entreprise grandiose a certainement occupé Mantegna jusqu’à la fin de ses jours mais on ignore quand elle fut lancée (le jeune duc d’Urbino admire néanmoins certains des Triomphes en 1486), pour quelle destination elle fut conçue, et qui fut le commanditaire de cet impressionnant défilé militaire – le marquis Federico ou Francesco qui lui succède en 1484.

Si l’imagerie triomphale était omniprésente en Vénétie, ainsi que le montrent certains manuscrits, cette reconstitution visuelle exemplaire d’un épisode majeur de l’histoire antique, est avant tout le fruit de l’imagination épique de Mantegna.

Les Triomphes illustrent des personnages de tout âge et de tout genre (soldats, clairons, prisonniers, animaux domestiques et bêtes exotiques) et les objets les plus variés (trophées, armes, enseignes, drapeaux...). Un monde entier défile en grandeur nature, vu du bas, comme s’il déambulait sur une scène de théâtre.

 

Vers la « manière moderne »

Dès son arrivée en 1490 à Mantoue, la jeune marquise Isabelle juge l’art de Mantegna dépassé et affiche sa prédilection pour une peinture plus aimable et sentimentale. En dépit d'une apparente résistance, les ultimes créations du vieux maître, L’Adoration des mages, l’Ecce Homo et La Sainte Famille laissent filtrer une exécution plus douce et un pathétisme qui semblent refléter ce climat nouveau. A l'extrême fin de sa vie, Mantegna travaille à deux toiles, La Sainte Famille avec la famille de Saint Jean Baptiste et Le Baptême du Christ, destinées à sa chapelle funéraire dans l’église Sant’Andrea, une consécration du prestige social acquis au terme d'une longue carrière. A sa mort en 1506, personne n’apparaît, à Mantoue même, en mesure de prendre sa relève, pas même son fils Francesco.

Bien que ses débuts restent mal connus, il est probable que le tendre Corrège s'est formé à Mantoue, au contact des œuvres du sévère Mantegna, comme l’attestent deux œuvres de jeunesse, La Vierge et l’Enfant et L’Adoration de l’Enfant. La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste enfant renvoie encore dans sa composition à des formules mantégnesques mais elle illustre le ralliement définitif de Corrège à la « manière moderne », définie par Vasari, celle de Léonard de Vinci et de Raphaël.