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Oedipe explique l'énigme du sphinx

1827

Oedipe explique l'énigme du sphinx
Jean-Auguste-Dominique Ingres , 1827
Huile sur toile, 189 x 144 cm
Le Louvre, Paris

Dans un paysage rocheux et escarpé, Oedipe, personnage de la mythologie grecque, est nu, de profil, face au sphinx. Ce monstre, au visage et au buste de femme, au corps de lion et aux ailes d'oiseau, s'est placé dans l'ombre d'une grotte. Oedipe donne la solution de l'énigme que le sphinx lui a posée comme à tout voyageur passant dans cet endroit de la région de Thèbes. Lorsque le monstre lui demanda : "Quel est l'être doué de la voix qui a quatre pieds le matin, deux à midi et trois le soir ? ", Oedipe répondit qu'il s'agit de l'Homme puisque, enfant, il marche à quatre pattes, adulte, il marche sur ses deux jambes, et, vieux, il s'aide d'une canne. Au bas du tableau, un pied coupé et des ossements humains évoquent les voyageurs précédents qui ont péri après avoir échoué à répondre. Au fond, un compagnon d'Oedipe épouvanté s'enfuit. On devine plus loin encore des constructions de la ville de Thèbes. Le thème de l'oeuvre est celui du triomphe de l'intelligence et de la beauté humaine. Cette scène est aussi celle de l'homme face à son destin puisque l'exploit d'Oedipe l'amène à devenir roi de Thèbes et à épouser sa mère Jocaste, comme l'oracle l'avait annoncé à sa naissance. Si, depuis la fin de l'Antiquité jusqu'à Ingres, ce sujet avait été rarement traité, en revanche au XIXe siècle, il passionna de nombreux artistes, notamment Gustave Moreau (1826-1898).

L'oeuvre constitua en 1808 le premier "envoi de Rome" d'Ingres. C'était alors simplement une étude de figure (une "académie") comme devait en faire tout pensionnaire de l'académie de France à Rome. Elle fut envoyée à Paris avec La Baigneuse Valpinçon (Paris, musée du Louvre) pour y être soumise au jugement des membres de l'Institut.

Comme le règlement de l'Institut le demandait, Ingres a peint son étude de figure d'après un modèle vivant. Il fit poser celui-ci dans l'attitude de la statue antique Hermès à la sandale (Paris, musée du Louvre). Cette pose met en valeur les muscles du corps du modèle, sa force, sa détermination. Son corps, ses membres et les javelots qu'il tient dessinent des formes géométriques harmonieuses. La netteté des contours, l'emploi réduit du clair-obscur et le léger modelé de surface utilisé pour la figure d'Oedipe confèrent un aspect archaïque au tableau. Cet archaïsme trouvait sa source dans le goût d'Ingres pour les vases grecs.

Les membres de l'Institut critiquèrent le modelé peu appuyé, le clair-obscur trop faible d'Oedipe. En 1827, Ingres reprit cette étude pour en faire un tableau d'histoire qu'il voulait exposer au Salon. Il élargit la toile de trois côtés pour agrandir la figure du Sphinx et ajouter celle du compagnon du voyageur à l'arrière-plan. Il atténua l'archaïsme de la toile primitive et lui a donné une apparence plus moderne, sinon romantique. Ingres a alors rendu certaines parties plus sombres et peint le personnage ajouté avec une expression d'effroi : Oedipe reste une figure d'une harmonie formelle exceptionnelle.